Universités : qui décide de l'annulation des examens ?

La décision d'annuler ou de reporter un examen est prise par le président d'université, responsable juridique de la structure (photo d'illustration).
La décision d'annuler ou de reporter un examen est prise par le président d'université, responsable juridique de la structure (photo d'illustration). © MARTIN BUREAU / AFP
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"Les examens se tiendront, nous le devons aux étudiants", martelait la ministre de l'Enseignement supérieur en début de semaine. Mais en pratique, face aux blocages, plusieurs décisions d'annulation ont été prononcées.

 

Après Nanterre, et Lyon, Rennes. Sur le campus de Villejean, un bâtiment où devaient se dérouler des partiels a été bloqué par "un groupe d'environ 300 individus", jeudi matin, poussant l'université à annuler les examens. L'opération est à l'image de l'évolution du mouvement contre la loi Vidal : depuis l'évacuation de la plupart des facultés occupées, dont Rennes-2, la contestation s'oriente vers la perturbation des examens, fussent-ils délocalisés à l'extérieur des universités. "Les examens se tiendront, nous le devons aux étudiants", a martelé la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal, lundi. Mais dans plusieurs facs, l'idée de faire passer les épreuves "sur table" a été abandonnée sous la pression, au profit de devoirs maison ou de contrôles en ligne. Dans d'autres, ils sont repoussés et pourraient être organisés au mois de septembre. Derrière la fermeté affichée du gouvernement, ces décisions sont prises au cas par cas, au sein de chaque université.

Le président, représentant légal. "Le président de l'université est le représentant légal de l'entité juridique", explique à Europe 1 Robi Morder, président du Groupe d'études et de recherches sur les mouvements étudiants (Germe). Le statut de ce président est prévu par l'article 1712-2 du Code de l'Éducation : élu par un conseil d'administration pour quatre ans, il est responsable du fonctionnement de son établissement, ainsi que "du maintien de l'ordre" et de la "sécurité" au sein de celui-ci. Sur le papier, la décision d'annuler un examen, évènement de nature pédagogique, appartient donc à ce seul président. "Mais dans les faits, il y a évidemment une consultation avec des professeurs, ou le doyen par exemple", souligne Robi Morder.

"D'autres cas de figure" ont été observés ces dernières semaines, souligne Julie Le Mazier, spécialiste des mobilisations étudiantes et membre de Sud éducation. "Des enseignants censés organiser les examens ont choisi de ne pas les assurer pour protester contre la réforme, annulant de fait les partiels. Et dans plusieurs établissements, comme à Tolbiac, ce sont les étudiants qui ont voté au début du partiel, collectivement, pour décider de ne pas les passer car les conditions n'étaient pas satisfaisantes, par exemple en cas de présence policière autour du lieu d'examen." Dans cette dernière configuration, "l'annulation" doit être actée par le président a posteriori, afin que les étudiants ne soient pas considérés comme défaillants.

Quelle que soit la forme qu'il prend, le blocage des examens est minoritaire selon Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement. "Il y a déjà eu 15.000 sessions qui ont pu être tenues, soit à peu près deux tiers des partiels qui étaient prévus", a-t-il déclaré mardi.  

"Le gouvernement n'a aucune emprise". Comme Frédérique Vidal, le porte-parole s'est montré ferme, promettant que "tous les examens seront tenus". Une position déjà entachée de plusieurs contre-exemples depuis. À Nantes, "l'opposition bruyante de manifestants" qui a poussé la présidence à renoncer aux épreuves prévues jeudi. À Lyon-2, la fac a renoncé à tous les examens "sur table" après des blocages, mardi. À Nanterre, des étudiants ont été jusqu'à voter un "blocage administratif" visant à empêcher le personnel universitaire de pouvoir travailler normalement et donc d'organiser les examens en ligne, alternative aux partiels. "Le gouvernement n'a aucune emprise là-dessus", souligne Julie Le Mazier.

Au niveau inférieur, les "consultations" du président peuvent en revanche inclure des représentants de l'État, comme le recteur d'académie. "Depuis l'autonomie des universités, les évolutions des carrière des présidents sont différentes", explique Robi Morder, qui note "une évolution sociologique" au début des années 2000. "Avant, ils terminaient leurs mandats et revenaient à l'enseignement. Désormais, ils peuvent espérer finir recteur ou membre d'une commission ministérielle, par exemple… Pour ça, il faut avoir montré patte blanche pendant son mandat." Même si le rectorat incite à la fermeté ? "Ça ne semble pas être le discours depuis le début du mouvement", souligne l'expert. "On voit plutôt une volonté de se couvrir, en évitant que la situation ne dégénère."

 

 

Le président décide aussi des évacuations

"En liaison directe avec les services de la préfecture du département concerné et le cabinet du recteur", la décision de faire intervenir les forces de l'ordre en cas d'occupation des locaux d'une université dépend également de son président. Il s'agit de l'héritage du principe de "franchise universitaire", qui confiait cette responsabilité à l'évêque - et non à l'État.