Un avocat de djihadistes mis en examen pour "financement du terrorisme"

Présenté à un juge d'instruction après 48 heures de garde à vue à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l'avocat Bruno Vinay a été mis en examen.
Présenté à un juge d'instruction après 48 heures de garde à vue à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l'avocat Bruno Vinay a été mis en examen. © GERARD JULIEN / AFP
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avec AFP , modifié à
Bruno Vinay, avocat soupçonné d'avoir financé l'exfiltration hors d'Irak d'un djihadiste français, a été mis en examen jeudi.

Un avocat parisien, défenseur notamment de djihadistes français partis rejoindre le groupe État islamique (EI) en Irak et en Syrie, a été mis en examen jeudi à Paris notamment pour "financement du terrorisme" et remis en liberté sous contrôle judiciaire, a-t-on appris de sources concordantes.

De l'argent pour exfiltrer un djihadiste français. Cet avocat, Bruno Vinay, est soupçonné d'avoir versé de l'argent à un intermédiaire censé exfiltrer d'Irak Maximilien Thibaut, un djihadiste originaire de la région parisienne, aujourd'hui introuvable. Présenté à un juge d'instruction après 48 heures de garde à vue à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), il a été mis en examen pour "financement d'une entreprise terroriste" et "transfert non autorisé d'une somme supérieure à 10.000 euros", selon une source proche du dossier. Il est soumis à un contrôle judiciaire qui lui interdit de rencontrer ce djihadiste et son épouse Mélina Boughedir, ainsi que deux journalistes.

Suspension de l'ordre des avocats ? Le juge d'instruction en charge du dossier s'apprête désormais à saisir le conseil de l'ordre en vue d'une éventuelle suspension de l'exercice de sa profession d'avocat. La décision, susceptible d'appel appartient à l'instance disciplinaire des avocats qui peut prononcer une suspension de 4 mois, plusieurs fois renouvelables.

20.000 euros collectés. Selon la source proche du dossier, le versement litigieux porte sur une somme de 20.000 euros collectés auprès de l'entourage du djihadiste qui se trouvait alors à Mossoul en Irak avec sa famille. L'argent devait permettre de faciliter une potentielle reddition du djihadiste. Mais l'opération qui était alors suivie de près par les deux journalistes n'a pas eu lieu, selon cette source. Ces soupçons sur des transferts d'argent à destination de la zone irako-syrienne étaient apparus dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en 2017 pour "financement du terrorisme" et "abus de confiance en relation avec une entreprise terroriste", selon une autre source proche du dossier.

Trois autres mises en examen. A l'origine, les investigations visaient en particulier les activités de l'association Syrie prévention famille, une structure qui se propose notamment d'"aider les familles à maintenir le contact avec leurs proches toujours présents en Syrie et en Irak", d'après ses statuts. Dans ce dossier, trois parents de djihadistes, soupçonnés d'avoir envoyé de l'argent à leurs enfants en Syrie, notamment en détournant des fonds de leur association subventionnée, ont été mis en examen en juin 2017.

Maximilien Thibaut, un "cuisinier" de l'EI selon sa femme. Parti rejoindre l'EI en 2015, Maximilien Thibaut, 33 ans, est l'époux de Mélina Boughedir, une jeune Française condamnée en juin 2018 à Bagdad à la perpétuité pour avoir rejoint l'EI, une peine qui équivaut à 20 années de réclusion au regard de la législation irakienne. Capturée à l'été 2017 par les forces irakiennes, elle avait décrit son mari comme un "cuisinier" au sein du groupe Etat islamique (EI). Elle avait échappé à la peine capitale mais était devenue la deuxième Française condamnée à la perpétuité en Irak, moins de deux mois après Djamila Boutoutaou. Toutes deux avaient plaidé avoir été dupées par leurs maris, aujourd'hui introuvables.

 

Il voulait sauver des "bombes" ses clients, affirme son avocat. Bruno Vinay, qui se dit "totalement innocent des faits qui lui sont reprochés à tort", a "répondu à l'appel au secours" de ses clients partis rejoindre l'EI et qui se trouvait alors "en danger de mort" en Irak, a justifié son avocat Emmanuel Daoud sur Twitter vendredi. Selon son conseil, Bruno Vinay poursuivait "un double objectif" : "organiser la reddition officielle de Maximilien Thibaut aux autorités irakiennes et françaises", et "sauver la vie de cette famille et notamment celle de leurs quatre jeunes enfants malades à la merci des balles et des bombes dans Mossoul encerclée par l'armée irakienne et les forces de la coalition". "Constamment animé par le respect des principes essentiels de la profession d'avocat", il "a agi avec la conviction et la certitude que cette reddition était organisée sans l'intervention directe ou indirecte d'agent ou de représentant de l'EI et sans le moindre paiement à leur bénéfice". Me Vinay avait "à trois reprises" alerté les autorités de la situation de la famille de Maximilien Thibaut, qui "n'ont pas donné "suite", ajoute encore son conseil.