Sécurité routière : comment va fonctionner la "privatisation" des radars embarqués ?

Les radars embarqués ne sont aujourd'hui pas assez utilisés par les gendarmes et les policiers
Les radars embarqués ne sont aujourd'hui pas assez utilisés par les gendarmes et les policiers © ALAIN JOCARD / AFP
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L’exécutif détaillera vendredi son projet de confier les radars mobiles à des sociétés privées. Déjà, la riposte s’organise. Mais de quoi parle-t-on exactement ? 

Les radars seront installés sur des voitures totalement banales, conduites par des chauffeurs privés et ne feront même pas de flashs. Le gouvernement devrait détailler en fin de semaine les contours de son projet "d’externalisation" des radars embarqués. L’exécutif prévoit en effet de confier à des sociétés privées  le pilotage des voitures transportant les radars mobiles, visant à verbaliser les excès de vitesse. Annoncé en octobre 2015, le dispositif doit entrer en vigueur en septembre. Mais il fait déjà grincer des dents. L’association 40 millions d’automobilistes lance lundi une campagne de "manifestation numérique" (vous envoyez des photos de vous ou votre voiture via le site de l’association, et celles-ci seront diffusées dans les rues de Paris) pour demander son abandon.

>> En quoi consistent exactement ces radars "externalisés" ? Europe 1 vous résume ce que l’on sait.

  • Comment fonctionne un radar embarqué aujourd’hui ?

Aujourd’hui, 383 voitures banalisées (des Renault Mégane, Citroën Berlingo, Peugeot 208 et 308 ou autres Dacia Sandero Stepway) sillonnent déjà les routes avec un radar embarqué, selon des chiffres relayés lundi par Le Parisien. Elles n’ont aucun signe distinctif, si ce n’est la présence d’une grosse boite noire qui dépasse au-dessus de la planche de bord derrière le pare-brise. Ces radars embarqués peuvent capter les excès de vitesse dans les deux sens. Il n’y a pas de flashs, et vous recevez la contravention directement chez vous. "Très difficiles à détecter, ces radars embarqués sont toutefois un peu plus tolérants que les cabines fixes", indique Le Parisien. Qui détaille : "Ils ne ciblent que les excès de vitesse importants puisque la marge technique est de 10 km/h pour les limitations de vitesse inférieures à 100 km/h et de 10 % pour celles supérieures à 100 km/h (contre 5 km/h et 5 % pour les autres radars vitesse). Ne sont donc flashés que les véhicules roulant à 146 km/h et au-delà sur autoroute, à 124 km/h sur une voie express, à 102 km/h sur une route nationale ou départementale et à 61 km/h en agglomération".

  • Que va changer l’externalisation ?

Aujourd’hui, ces 383 voitures banalisées sont conduites par des policiers ou des gendarmes. L’Etat prévoit de porter leur nombre à 450. Aussi, et surtout, ces véhicules ne circulaient jusqu’à présent qu’une heure par jour. Le gouvernement entend multiplier cette moyenne par huit. Pour ce faire, le gouvernement prévoit de faire appel à des sociétés de chauffeurs privés, afin de libérer les forces de police de cette tâche. Un appel d’offre a été lancé, on devrait en connaître le résultat dans les prochains jours.

"Ce nouveau dispositif doit inciter les conducteurs à respecter les limitations de vitesse, non pas seulement à l'approche d'un radar, mais de manière plus continue, dans le but de réduire la vitesse moyenne de circulation et corrélativement, le nombre de morts sur les routes", a défendu le ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, le 7 février dernier, dans une réponse écrite à des parlementaires.

  • Toutes les routes seront-elles concernées ?

Le gouvernement souhaite couvrir une plus large zone qu’aujourd’hui. "Le dispositif ne repose pas sur une multiplication des radars et des contrôles, mais sur l'intégration par les conducteurs de la possibilité d'être soumis à un contrôle sur une portion plus large du territoire, et non pas seulement sur des points précis, rapidement intégrés aux habitudes de conduite. C'est en effet l'incertitude du lieu du contrôle, et non la réalisation effective de ce contrôle qui constitue la pierre angulaire du dispositif", a développé Bruno Le Roux le 7 février.

Mais dans le même temps, le gouvernement assure que les contrôles se feront sur des zones limitées. Ils "porteront sur des axes ciblés en raison de leur accidentologie, pour lesquels il aura été identifié qu'un abaissement de la vitesse de circulation permettrait de réduire le nombre de morts et de blessés graves", détaille Bruno Le Roux. "Les voitures radars seront largement utilisées sur des itinéraires signalés aux conducteurs par des panneaux. Ces derniers seront installés à l'entrée de l'itinéraire, et tout au long du parcours afin que les conducteurs aient parfaitement conscience de la possibilité accrue d'un contrôle par une voiture radar. En outre, pour plus de clarté, des panonceaux préciseront le nombre de kilomètres sur lequel les contrôles sont effectués", poursuit le ministre de l’Intérieur. La délimitation de ces zones sera fixée au cas par cas par les préfets.

  • Va-t-il y avoir plus de verbalisations ?

Selon les autorités, ce nouveau système permettra de verbaliser dix fois plus qu'actuellement et de dresser ainsi 12 millions de PV par an. Un chiffre encore sous-estimé, selon l'association 40 millions d'automobilistes, qui dénonce une "privatisation" du contrôle routier visant à réaliser une "excellente opération financière". L'association estime en effet qu'à plein régime, ce dispositif permettra à l'Etat d'engranger 2,2 milliards d'euros par an, contre environ 900 millions aujourd’hui. "Partant du principe qu'une voiture-radar peut flasher, au bas mot, trente automobilistes par heure, que le ministre de l'Intérieur souhaite que ces véhicules circulent huit heures par jour, ce sont plus de 38,5 millions de procès-verbaux qui seront dressés à l'encontre d'usagers de la route. Avec un montant moyen de l'amende à 56,85 €, l'Etat engrangera près de 2,2 Mds€", détaille Daniel Quéro, le président de l’association, dans Le Parisien.

Les autorités se défendent toutefois de réaliser une opération financière. "L'Etat prévoit, dans le projet de loi de finances 2017, 3,3 milliards d’euros de dépenses pour la sécurité routière. Si le but était de gagner de l'argent, nous serions très très loin du compte", insiste Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la Sécurité routière. En clair, le but est de diminuer la vitesse sur les routes. Si davantage d'automobilistes respectent les limites, il n’y aura aucune plus-value pour l’Etat.

Du côté du gouvernement, on assure d’ailleurs que les chauffeurs ne seront pas incités à flasher à tout va. Leur rémunération (par l’Etat) sera "totalement indépendante" du nombre d'infractions, assure Bruno Le Roux. "Le cahier des charges fixera aux prestataires privés des obligations rigoureuses de durée, régularité et conformité d'utilisation des voitures radars, mais ne leur donnera pas pour objectif de collecter un nombre minimum de messages d'infraction", poursuit le ministre de l’Intérieur. Enfin, il faut noter que les procès-verbaux seront signés par des policiers, et que les prestataires privés n’auront pas accès aux données collectées par les radars, pas même le nombre d’excès de vitesse constatés.