Secret des sources : le Conseil valide des dispositions contestées par une journaliste

© Stephane Mouchmouche / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Europe 1
Le Conseil constitutionnel a jugé vendredi conforme des dispositions interdisant à un journaliste ou à un tiers de contester la régularité d'un acte d'enquête, réalisé en violation du secret de sources, si ce dernier ne fait pas partie de la procédure judiciaire. Le journaliste "conserve la possibilité d'invoquer l'irrégularité de cet acte à l'appui d'une demande tendant à engager la responsabilité de l'État du fait de cette violation", affirme le Conseil constitutionnel.

Cette décision fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par Marie Peyraube, journaliste de BFMTV, qui avait fait l'objet en 2018 d'une surveillance électronique alors qu'elle enquêtait sur la cavale du braqueur Rédoine Faïd après une deuxième évasion spectaculaire en hélicoptère.

Dans un arrêt, consulté par l'AFP, la Cour de cassation avait reconnu qu'aucune disposition du code de procédure pénale ne permet "au journaliste (...) de faire constater par une juridiction le caractère illégal des actes d'investigations réalisés en violation du secret des sources", ni "d'ordonner la suppression des procès-verbaux les relatant".

"le Conseil constitutionnel a clairement fait pencher la balance d'un côté"

En conséquence, la plus haute juridiction judiciaire avait accepté de transmettre la QPC aux Sages. Ces derniers ont toutefois jugé que si le journaliste n'avait pas la possibilité d'agir sur le plan pénal, il gardait la possibilité de poursuivre l'Etat devant la justice civile. Or une telle procédure ne permet d'obtenir que des dommages et intérêts mais pas d'annuler les actes d'investigation litigieux.

"Dans la conciliation du secret de l'instruction, d'une part, et du secret des sources de l'autre, là, le Conseil constitutionnel a clairement fait pencher la balance d'un côté", a estimé auprès de l'AFP Me François Molinié, l'avocat de la journaliste. "On est déçu de cette décision mais très motivés parce que nous allons aller devant la Cour européenne des droits de l'Homme", qui est "beaucoup plus attentive à ce genre de sujet", a déclaré à l'AFP Marie Peyraube.

RSF regrette cette décision

"Le secret des sources est fondamental pour notre métier et la démocratie", a-t-elle souligné. "A partir du moment où des gens nous parlent ou nous confient des documents, il faut qu'ils sachent qu'ils seront protégés". L'organisation de défense de liberté de la presse RSF, qui avait soutenu la QPC de la journaliste, a dit à l'AFP regretter cette décision qui "esquive la question de la valeur juridique et constitutionnelle" du secret des sources.

De son côté, l'Association de la presse judiciaire, également mobilisée sur l'affaire, a déploré "un manque d'audace du Conseil constitutionnel". La journaliste avait appris via un article du quotidien Le Parisien, publié au lendemain de l'arrestation de Rédoine Faïd début octobre 2018, avoir fait l'objet d'une mise sous surveillance. Selon cet article, une "mesure rarissime" avait été prise "avec l'accord des juges, de suivre à distance la reporter dans l'espoir de mettre la main" sur le braqueur toujours en fuite.