À Sérignan dans l'Hérault, les vignerons voient leurs pieds de vigne mourir les uns après les autres, rongés par le sel. 1:53
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Benjamin Peter (envoyé spécial à Sérignan), édité par Solène Leroux , modifié à
C'est un effet de la sécheresse et de l'urbanisation. À Sérignan dans l'Hérault, les vignerons voient leurs pieds de vigne mourir les uns après les autres, rongés par le sel. Le débit de l'Orb tout proche n'est plus assez fort et la mer pénètre dans le lit du fleuve, ce qui risque de mettre en péril leur activité.

"Là tous les pieds qui manquent, c'est mort de la salinité", se désole Pierre Calmel en parcourant cette parcelle de merlot située à cinq kilomètres à vol d'oiseau du littoral. Le président de la cave de Sérignan ne peut que constater chaque année de nouveaux pieds de vigne qui meurent rongés par le sel. "Celle-ci aussi est impactée", explique-t-il en se rapprochant d'un pied dans les feuilles semblent brûlées. "Normalement en juin, ça devrait pousser du feu de dieu. Là, les feuilles sont toutes grillées. Cette souche, l'an prochain ou dans deux ans, elle est morte."

En 30 ans, sur les 1.050 hectares que compte le cave coopérative, 195 ont disparu à cause du sel. "On a 200 hectares actuellement qui sont impactés à différents degrés", détaille-t-il. C'est parce qu'en amont on puise de plus en plus dans l'Orb -le cours d'eau tout proche- pour l'agriculture et les nouveaux lotissements, que le débit ne permet plus de repousser l'eau de mer qui pénètre dans le lit du fleuve. "Les raines tapent dans la croute de sel et plus il fait chaud, plus il y a de la sécheresse, plus ça accentue le phénomène. Et ça progresse d'année en année", constate Pierre Calmel. "Le problème, c'est que depuis une vingtaine d'année, le fleuve Orb est de plus en plus maîtrisé en amont, il n'y a plus beaucoup d'eau qui arrive et ça ne permet pas de chasser l'eau de mer."

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© BENJAMIN PETER / EUROPE 1

Catastrophique pour l'économie locale

"Ça devient catastrophique. Si nous à la cave de Sérignan, on perd cette plaine de 500 hectares, on est condamnés", s'inquiète-t-il. "Ça fait 170 familles qui se retrouvent à la rue. Économiquement, on pèse huit millions d'euros, donc pour l'économie locale, c'est problématique. On est une cave jeune avec une moyenne d'âge de 46 ans. On a des outils de vinification tous neufs, pour coller à la demande des clients, mais si on n'a plus de terres pour nos jeunes, ça va être compliqué derrière."

Inonder pour lessiver les sols

Ici, ils perpétuent une pratique ancestrale tous les hivers en inondant les vignes. À l'origine, cette technique était utilisée pour lutter contre le phylloxera. L'inondation permettait de noyer le parasite de la vigne. Aujourd'hui, il s'agit de lessiver les sols et que la croute de sel s'enfonce un peu plus profondément dans le sol. Mais ils militent également pour la création d'un barrage à l'embouchure de l'Orb pour empêcher la mer de remonter le lit du fleuve.

"Il faut agir", s'alarme le président de la cave de Sérignan. "Parce que sur une terre comme ici, il n'y a plus rien qui pousse, ni céréales, ni blé, rien. Que de la salicorne."