Seulement un tiers des entreprises créées en France le sont par des femmes. Sur les 1.600 auditeurs d'Europe 1 à avoir répondu à notre sondage, 83% estiment par ailleurs que les femmes ne sont pas assez représentées aux postes de dirigeants. Comment expliquer cet état de fait ? Et comment réduire ses inégalités ? Wendy Bouchard et ses invités ont tenté lundi de fournir des réponses à ses questions.
La peur d'entreprendre
Elles ont fait des études supérieures, enchaîné les postes, mais lorsqu'il est question de monter son entreprise, plus de la moitié des femmes avouent avoir peur. La peur de l'inconnu, du saut dans le vide, de l'échec, voilà un premier élément de réponse pour expliquer ces chiffres.
"Pour faire bouger les lignes sur ce sujet", le fait d'avoir des exemples peut s'avérer important, assure Pierre-Marie Argouac'h, DRH de La Française des Jeux, au micro de Wendy Bouchard. "On a la chance d’avoir une présidente directrice générale depuis trois ans, Stéphane Pallez. Ça aide beaucoup parce que ça permet de montrer l’exemple. Pour qu’une politique puisse bouger les lignes et faire un certain nombre de choses, il faut que ça vienne d’en haut."
>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici
Certaines femmes parviennent tout de même à surmonter leurs craintes et se lancent dans l'entrepreneuriat. Mais a minima, avec quelques milliers d'euros de capital, sans passer par la banque. C'est ce qu'a fait Juliette Eskenazy au moment de lancer son entreprise, Poussin Communication. "J'ai récolté mes petits sous pour m'acheter un ordinateur, une chaise et un bureau et je suis partie de là. J'ai eu peur de l'emprunt bancaire. J'ai eu peur de me retrouver endettée pour un projet professionnel. J'ai eu ce réflexe qui est d'avoir peur du risque financier", se souvient-elle.
Un mode de salariat qui ne convient pas
Même si cela ne concerne pas que les femmes, Eric Heyer, économiste au département analyse et prévision de l’OFCE, estime que pour contrer cette peur d'entreprendre, "il faut faire beaucoup au niveau du salariat". "Le mode de salariat aujourd’hui, avec la subordination, ça ne plaît plus", assure-t-il. D'après lui, "rendre le salariat beaucoup plus attractif, plus autonome avec moins de subordonnés" permettrait de voir "de vrais entrepreneurs apparaître".
Pierre-Marie Argouac'h abonde en ce sens : "Une évolution du mode managérial en entreprise, c’est aussi ça qui va faire changer les choses. On peut être entrepreneur en étant salarié dans une entreprise, avec ce côté leadership au féminin à développer."
Une question sociétale
Les freins à l'entrepreneuriat féminin sont nombreux et souvent inconscients. Cette auto-censure peut également trouver son origine dans l'enfance. "Ça remonte à la petite enfance. Aux petites filles, on leur demande d'être sages, d'être dociles, d'être bonnes élèves alors que les petits garçons, on leur donne beaucoup plus la possibilité de prendre la parole, d'interrompre, d'exercer des activités sportives où il y a une prise de risque. On comprend que les femmes peuvent avoir du mal parce qu'on les a éduquées de cette façon-là", analyse Pascale Pitavy, directrice associée du cabinet Equilibres, spécialisé dans l'égalité au travail.
Elle soulève ici une question sociétale, qui trouve un prolongement à l'âge adulte. "Il faut accepter l'idée qu'il faut trouver un équilibre entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Et souvent, le problème de la femme au travail, c'est le sujet de la parentalité. Je pense qu'il faut travailler sur la parentalité, les aides, l'accompagnement. Les femmes ont de l'initiative, elles ont du courage, elles ont envie de faire, mais elles ne sont pas aidées pour pouvoir le faire", estime Pierre-Marie Argouac'h.
"La problématique n'est pas la femme. La problématique, c'est qu'il est grand temps de modifier notre conception du rôle de la femme au niveau du travail, mais aussi dans la société en général", appuie Goretty Ferreira, fondatrice de l'Agence pour l'entrepreneuriat Féminin et du programme BoostElles. Malgré ces multiples obstacles, une fois lancées, la plupart des femmes valident leur choix. Elles sont 80% à affirmer avoir confiance en l'avenir.