Pédophilie dans l'Eglise: le procès du cardinal Barbarin reporté en janvier

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avec AFP
 Les plaignants reprochent au Primat des Gaules de ne pas avoir dénoncé les agissements d'un prêtre espagnol alors qu'il en avait été informé plusieurs années plus tôt.

Le cardinal Philippe Barbarin a-t-il dissimulé à la justice des agressions pédophiles commises avant son arrivée dans le diocèse ? La justice examinera cette question en janvier 2019 après le renvoi du procès prévu à partir de mercredi. Outre l'archevêque de Lyon, six prévenus étaient convoqués devant le tribunal correctionnel de Lyon pour non-dénonciation d'atteintes sexuelles dans le cadre d'une procédure de citation directe lancée par neuf anciens scouts de la région, après que le parquet a classé sans suite, à l'été 2016, une enquête ouverte sur les mêmes faits.

Le procès renvoyé pour un problème de traduction. Parmi les mis en cause figure le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi au Vatican, l'Espagnol Luis Francisco Ladaria Ferrer, qui fut consulté par le diocèse lyonnais sur le cas du père Bernard Preynat, agresseur présumé des plaignants - ce prêtre est mis en examen depuis janvier 2016 dans un dossier séparé. Mais faute de traduction, dans les délais impartis, de la citation à comparaître du prélat romain, le procès a été renvoyé au mois de janvier 2019.

"On est soixante à soixante-cinq victimes concernées". Les plaignants reprochent au Primat des Gaules de ne pas avoir dénoncé les agissements du père Preynat alors qu'il en avait été informé plusieurs années plus tôt, et de l'avoir laissé au contact d'enfants jusqu'en 2015. "Moi, j'ai 45 ans. D'après ce qu'il (le cardinal Barbarin) a pu dire en audition, il était au courant en 2005 pour l'affaire Preynat. Il y a dix ans, (mon cas) n'était pas prescrit; il y a dix ans, s'il avait mis le sujet sur la table d'un point de vue judiciaire, j'aurais pu prétendre à porter plainte contre le père Preynat et ça, on est soixante à soixante-cinq victimes concernées", déclare, dans un documentaire diffusé le 21 mars sur France 3, Bertrand Virieux, l'un des fondateurs de La Parole Libérée, qui fédère les victimes. "Si ça ce n'est pas une erreur de négligence, au minimum, d'avoir empêché soixante-cinq victimes potentielles de régler leurs comptes avec leur prédateur, je ne sais pas ce que c'est que la négligence", ajoute-t-il.

Un procès canonique ouvert. Dans le volet sur les agressions sexuelles commises par le père Preynat, l'instruction est toujours en cours. Sous contrôle judiciaire, le septuagénaire fait par ailleurs l'objet d'un procès canonique, ouvert en février 2017 mais suspendu depuis la relance des poursuites judiciaires contre le cardinal Barbarin. Lors du classement sans suite de son enquête pour non-dénonciation, le parquet de Lyon avait écarté toute volonté d'entraver la justice de la part du prélat, ainsi que tout péril imminent, les derniers abus imputables au prêtre remontant à plus de 25 ans. Il avait aussi fait valoir qu'avant 2014, date à laquelle le cardinal rencontra pour la première fois une victime, la non-dénonciation était prescrite après trois ans. C'est sur ce point que comptent batailler les avocats des plaignants.

"On veut aller au bout". Selon eux, l'obligation de dénoncer est "continue" et le délit "occulte" dès lors que la justice est informée par un autre biais, en l'espèce la première plainte déposée contre Preynat en 2015. A leurs yeux, les faits sont bien constitués et non prescrits. "Les travaux préparatoires de la réforme (qui prévoit l'allongement de la prescription pour les agressions sexuelles sur mineur, ndlr) valident cette hypothèse", a fait valoir Me Jean Boudot.  "On veut aller au bout", avait promis en septembre, à l'issue de l'audience de consignation, François Devaux, autre fondateur de La Parole libérée. Pour l'avocat du cardinal Barbarin, Me Jean-Félix Luciani, la citation visant son client est "injustifiée" et n'apportera "rien de nouveau". "Sur le plan humain, c'est une procédure difficile à vivre pour quelqu'un qui, depuis des mois et des mois, fait l'objet d'accusations injustes, y compris sur le plan médiatique", déplorait-il en septembre.