L'historien et essayiste Jean-François Colosimo était l'invité d'Europe 1 mardi. 11:20
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Léa Leostic
Invités d’Europe 1 mardi, Didier Leschi et Jean-François Colosimo ont émis des critiques envers le projet de loi séparatisme, dont la deuxième lecture a débuté lundi à l’Assemblée nationale. S’ils saluent le discours des Mureaux d’Emmanuel Macron, ils estiment ensuite que cette loi sera inefficace. Ils demandent à ce que la notion de laïcité soit remise au centre des débats, regrettant que le terme soit dévoyé notamment par l’extrême droite.
INTERVIEW

Le projet de loi "confortant le respect des principes de la République", dit projet de loi "séparatisme", a fait son retour lundi à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture. Et les débats promettent une nouvelle fois d’être houleux. Voulu comme un "marqueur" du quinquennat Macron, ce projet de loi prévoit des mesures sur la neutralité du service public, le contrôle renforcé des associations, une meilleure transparence de l'ensemble des cultes et de leur financement, l'instruction à domicile, ou encore la lutte contre les certificats de virginité ou la polygamie.

Invités d’Europe 1 mardi midi, Didier Leschi, haut fonctionnaire, spécialiste des cultes , et Jean-François Colosimo, théologien orthodoxe, historien et essayiste, ont donné leur avis sur ce projet de loi. Tous les deux ont écrit avec Regis Debré le livre République ou barbarie, qui prolonge le débat sur la laïcité. L'écriture de l’ouvrage avait d’ailleurs été lancée avant que la loi "séparatisme" ne soit mise sur le devant de la scène.

"La laïcité, la manière dont l’état neutralise l’espace public"

"La laïcité en France, c’est la manière dont l’état neutralise l’espace public, de manière à ce que dans la préservation des convictions et des croyances de chacun, on puisse vivre en commun", a d’abord posé Jean-François Colosimo.

Il a ensuite salué ce qu’on appelle désormais le "discours des Mureaux", prononcé par Emmanuel Macron en octobre 2020 pour poser les bases du projet de loi séparatisme et appeler à un "réveil républicain". Un "excellent discours, très équilibré", selon l’historien car "il y a le versant de la répression pour des comportements qui menacent nos équilibres fondamentaux, mais il y a aussi le versant de la générosité. Je pense que c’est ça la France", a-t-il développé.

Mais il a ensuite estimé que le projet de loi avait été complètement dénaturé. "D’un côté, la loi va réprimer tous les gens comme les prêtres, les rabbins, les pasteurs et pas mal d’imams qui sont rompus à l’exercice républicain, et elle ne va pas du tout atteindre les gens qu’il faudrait, tous les séparatistes qui ont un projet de société contradictoire fondamentalement avec nos valeurs", a-t-il avancé.

"Le combat doit se mener sur le plan intellectuel"

Plus globalement, Didier Leschi et Jean-François Colosimo regrettent la tournure qu’ont pris les débats à l’Assemblée nationale puis au Sénat. "Il y a une perte de lucidité et une perte des références communes. On arrive à des situations où on ne débat même plus", déplore Didier Leschi.

En effet, la droite a multiplié les amendements, qui visent à limiter le port du voile (neutralité pour les usagers du service public, interdiction des signes religieux pour ses collaborateurs occasionnels, pour les accompagnatrices scolaires, à l’université). De son côté, la majorité a fustigé "l’obsession de la droite" et espère, en deuxième lecture, rétablir la version d'origine du texte, largement modifiée par le Sénat.

"Ces prétendus défenseurs de la laïcité sont des pyromanes"

"C'est limiter le combat sur le plan juridique alors que le combat doit se mener sur le plan intellectuel", a quant à lui estimé Jean-François Colosimo. Il regrette également que les termes "laïcité", "République" ou encore "Nation" soient "captés par les extrêmes pour leur faire dire le contraire ce qu’ils veulent dire, et en particulier par l’extrême droite qui fait une surenchère identitaire et instrumentalise ces termes pour émettre de la xénophobie et de l’aversion envers l’islam". "Ces prétendus défenseurs de la laïcité sont en fait des pyromanes", a-t-il conclu.