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Romain David avec AFP , modifié à
Emmanuel Macron a prononcé vendredi matin un discours attendu de longue date sur les "séparatismes", et notamment contre l'islamisme radical. Le chef de l'Etat y a énoncé plusieurs mesures, dont la limitation de l'instruction scolaire à domicile, l’élargissement des motifs de dissolution des associations, ou encore la mise en place d'une charte de la laïcité.
L'ESSENTIEL

Emmanuel Macron a levé le voile vendredi matin sur sa politique pour lutter contre les "séparatismes" au sein de la République. Le chef de l’Etat, qui s’exprimait dans le cadre d’une visite aux Mureaux, dans les Yvelines, était particulièrement attendu sur le dossier de l'islamisme radical. "Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste", a-t-il ciblé d'entrée. "Il y a dans cet islamisme radical, puisque c'est le cœur du sujet (...) une volonté revendiquée d'afficher une organisation méthodique pour contrevenir aux lois de la République", a notamment dénoncé Emmanuel Macron.

Les informations à retenir :

  • Emmanuel Macron a estimé vendredi matin que l'Etat devait s'attaquer au "séparatisme islamiste"
  • Le chef de l'Etat a annoncé une série de mesures, parmi lesquelles la limitation de l'instruction scolaire à domicile et l'élargissement des motifs de dissolution des associations
  • Le projet de loi contre "les séparatismes" sera présenté en Conseil des ministres le 9 décembre, et devrait arriver devant le Parlement au premier semestre 2021

"Il faut reconquérir tout ce que la République a laissé faire"

"La laïcité est le ciment de la France uni. Si la spiritualité est du domaine de chacun, la laïcité est notre affaire a tour", a déclaré Emmanuel Macron peu avant 11 heures. Avant d'ajouter : "Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste." "Il y a dans cet islamisme radical, puisque c'est le cœur du sujet [...] une volonté revendiquée d'afficher une organisation méthodique pour contrevenir aux lois de la République et créer un ordre parallèle d'autres valeurs, développer une autre organisation de la société", a-t-il poursuivi.

Emmanuel Macron a également estimé que l'islam était une "religion qui vi[vai]t une crise partout dans le monde aujourd'hui". "C'est une crise profonde liée à des tensions entre des fondamentalismes, des projets religieux et politiques qui [...] conduisent à un durcissement très fort", a-t-il souligné. "Il nous faut affronter avec beaucoup de détermination et de force les formes radicales à court terme, il faut reconquérir tout ce que la République a laissé faire, ce qui a poussé la jeunesse à être attiré par cet islam radical", a encore expliqué le chef de l'Etat, estimant que cette "reconquête" prendrait des années.

Il a notamment déploré la "ghettoïsation" des quartiers. "Nous avons concentré des populations en fonction de leurs origines, nous n'avons pas suffisamment recréé de mixité, pas assez de mobilité économique et sociale" et, "sur nos reculs, nos lâchetés, ils ont construit leur projet", a dit le président, évoquant les organisations islamistes "dont le but final est le contrôle complet".

Ce que contiendra le projet de loi contre "les séparatismes"

Le chef de l'Etat s’est ensuite appliqué à détailler quelques-unes des mesures qui figureront dans le projet de loi contre les séparatismes, porté par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, et Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la Citoyenneté. 

- L'instruction scolaire à domicile sera "strictement limitée" :

Emmanuel Macron a annoncé que l'instruction scolaire à domicile sera, à partir de la rentrée 2021, "strictement limitée, notamment aux impératifs de santé", et qu'elle deviendra donc obligatoire au sein de l'école dès l'âge de 3 ans. "C'est une nécessité. J'ai pris une décision sans doute l'une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celles assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969", a souligné le chef de l'Etat, ajoutant par ailleurs que "les écoles hors contrat feront l'objet d'un contrôle renforcé".

- L'obligation de neutralité sera étendue aux salariés des entreprises délégataires de service public : 

Constatant que des "dérives" s'étaient installées "lorsque le service public était concédé", par exemple dans des entreprises de transport, Emmanuel Macron a annoncé qu'avec le futur projet de loi contre les "séparatismes", "l'obligation de neutralité sera applicable aux agents publics dans le cadre évidemment de leur action, mais surtout elle sera étendue aux salariés des entreprises délégataires, ce qui n'était pas clairement le cas" jusqu'à présent.

- Les motifs de dissolution des associations seront élargis :

Les motifs de dissolution des associations, jusque-là "très limités", seront par ailleurs "étendus" pour comprendre l'"atteinte à la dignité de la personne" ou les "pressions psychologiques ou physiques", a-t-il ajouté, jugeant "assez logique que celles et ceux qui portent ce projet de séparatisme islamiste aient investi le champ associatif" qu'ils ont identifié comme "l'espace le plus efficace pour diffuser leurs idées".

- Toute association sollicitant une subvention publique devra signer une charte de la laïcité :

Emmanuel Macron a affirmé que "toute association sollicitant une subvention auprès de l'État ou d'une collectivité territoriale" devrait signer un "contrat de respect des valeurs de la République" représentant une "charte de la laïcité".

L'exécutif doit désormais finaliser ce texte, en vue d’une présentation en Conseil des ministres le 9 décembre, à indiqué Emmanuel Macron. Le projet de loi devrait arriver au Parlement au premier semestre 2021. 

Le gouvernement souhaite "combler les trous dans la raquette", avait indiqué Marlène Schiappa, au micro d'Europe 1 vendredi matin. Car à l'heure actuelle, "l'État est obligé de ruser" dans certaines situations, comme pour faire fermer certaines écoles hors contrat, avait-elle regretté. "Les services de l'État sont obligés d'adapter, un peu comme la stratégie du FBI vis-à-vis d'Al Capone (arrêté pour fraude fiscale, et non pour ses activités criminelles, ndlr), et d'aller chercher ce qui peut exister en termes financier, de respect de la sécurité", a détaillé la ministre, promettant une loi qui permette de "combler les zones grises".

La création d'un "institut scientifique d'islamologie"

Par ailleurs, Emmanuel Macron a tenu à dénoncer "le piège de l’amalgame tendu par les polémistes et les extrêmes, qui consisterait à stigmatiser tous les musulmans." Il a plaidé pour "enseigner davantage la langue arabe à l'école" ou "dans un périscolaire que nous maîtrisons" car "notre jeunesse est aussi riche de cette culture plurielle".

 Selon lui, l'État doit également "s'engager et soutenir ce qui doit, dans notre pays, permettre de faire émerger une meilleure compréhension de l'Islam". Il a ainsi annoncé la création d'un "institut scientifique d'islamologie" et l'ouverture de "postes supplémentaires dans l'enseignement supérieur".

L'un des discours les plus attendus du quinquennat

Reportée à plusieurs reprises, cette prise de parole intervient dans un contexte particulier : à un an et demi de l'élection présidentielle de 2022, mais aussi une semaine après une attaque au hachoir près des anciens locaux de Charlie Hebdo à Paris, alors que s’est ouvert début septembre le procès de l’attentat de 2015 contre l’hebdomadaire satirique.

Accompagné de six ministres, le chef de l'Etat est arrivé peu avant 10h30 aux Mureaux, une ville de 30.000 habitants à une quarantaine de kilomètres de Paris, souvent donnée en exemple pour ses initiatives en faveur du "vivre ensemble". En choisissant ce territoire pour sa prise de parole, le président de la République cherche aussi à envoyer un signal positif sur un sujet à propos duquel il a souvent été taxé de laxisme par la droite et l’extrême droite, tandis que la gauche dénonce régulièrement une stigmatisation des musulmans.