Grande America : les porte-conteneurs et leurs marchandises sont-ils suffisamment contrôlés ?

Après un violent incendie, le Grande America a sombre à 333 kilomètres à l'ouest des côtes françaises. 1:30
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Ugo Pascolo
Après le naufrage du Grande America, Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement et Christian Buchet, expert de la mer, se demandent au micro de Wendy Bouchard si les porte-conteneurs sont suffisamment contrôlés pour éviter les marées noires.
LE TOUR DE LA QUESTION

Tous les trois jours, un navire sombre dans les mers du globe. C'est ce triste constat que nous rappelle le naufrage du Grande America, le 12 mars dernier, à 333 kilomètres des côtes françaises après un violent incendie qui n'a pas pu être maîtrisé. Un événement qui est d'ores et déjà une catastrophe écologique et qui pose la question des contrôles des porte-conteneurs, alors que 35 déficiences techniques avaient été relevées sur le navire italien depuis 2010. Aurait-on pu l'éviter ? Ces gigantesques bateaux sont-ils suffisamment contrôlés ? 

Autour de Wendy Bouchard, Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l'Environnement entre 1995 et 1997, et Christian Buchet, directeur du centre d'études de la mer de l'Institut Catholique de Paris, tentent d'apporter une réponse.

"80% des naufrages procèdent de bateaux qui ont plus de 15 ans". Si Yannick Jadot a fustigé sur le plateau des "4 Vérités" de France 2 "le laxisme qu'il y a souvent autour du transport maritime", Christian Buchet assure que le Grande America "n'est pas une poubelle". C'est un navire "entretenu, mais c'est un navire à risque", tempère-t-il. "80% des naufrages procèdent des bateaux qui ont plus de 15 ans, or le Grande America en a 22. […] L'agence européenne pour la sécurité maritime fait le job, aujourd'hui on fait des inspections ciblées, et c'est pour ça que le Grande America a été passé au crible à plusieurs reprises. C'est un peu comme le contrôle technique pour les voitures", déroule-t-il au micro d'Europe 1.

Des marchandises inconnues ? "Mais ici, ce sont des conteneurs qui ont pris feu, donc sait-on bien ce qu'ils transportaient ?", se demande l'expert. Une interrogation partagée par Corinne Lepage : "J'ai entendu dire qu'il y avait des pièces de voitures bonnes pour la casse dans les conteneurs, mais les véhicules hors d'usage doivent être recyclés chez nous. Alors pourquoi autorise-t-on des transports, alors que c'est interdit ? […] Je me pose des questions sur la manière dont sont appliquées les règles, mais également sur la réglementation en elle-même dans la mesure où elle permet de transporter des matières qui peuvent s'enflammer, comme des produits toxiques".

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici

 

"D'ailleurs, il faut savoir si ce sont des produits ou des déchets toxiques, car nous sommes priés de garder nos déchets en Europe et de ne pas les envoyer en Afrique", renchérit-elle avant de tacler : "Je ne serai pas surprise qu'il y ait une partie non-négligeable de déchets toxiques dans ces conteneurs, l'Europe a l'habitude de les faire nettoyer en Afrique".

Des produits dangereux non déclarés ? Plus que la question d'un éventuel dysfonctionnement des détecteurs de fumée à bord du Grande America, c'est le contrôle de la marchandise qui semble donc préoccuper les deux experts. "Les matières dangereuses étaient-elles bien déclarées ? Car la marchandise transportée change de place sur le navire en fonction de sa dangerosité", rappelle Christian Buchet. Les produits dangereux ne sont en effet pas stockés au centre du navire, justement pour permettre à l'équipage d'intervenir plus rapidement en cas d'incendie. "En étant alarmiste, et si le bateau naviguait dans l'autre sens [de Casablanca vers Hambourg, ndlr] on peut même imaginer qu'il y aurait eu des hommes ou des femmes dans ces conteneurs au titre de l'immigration clandestine", avance-t-il au micro d'Europe 1. "Il s'agit d'être beaucoup plus transparent !".

Mais comme "tout, en dehors de l'électricité et du gaz, passe par conteneurs", c'est un travail de contrôle titanesque. "Les 16.020 'boites' d'un porte-conteneur représentent 97 kilomètres de camions mis bout-à-bout, et le chiffre grimpe à 234 kilomètres si l'on prend en compte les distances de sécurité préconisées par le code de la route", indique Christian Buchet. Et de conclure : "On voit bien la difficulté de la tâche".

Une enquête française sur les raisons du naufrage du Grande America est-elle possible ?

Le Grande America a sombré à environ 333 kilomètres à l'ouest des côtes, or, selon le Droit de la mer, nous sommes dans la Zone économique exclusive (ZEE) française. Sur une distance allant jusqu'à 370 kilomètres des côtes, l'Etat exerce ses droits, normalement. Il est donc possible qu'une enquête française soit ouverte. Corinne Lepage semble d'ailleurs étonnée que cela ne soit pas déjà le cas : "Je ne comprends pas pourquoi le parquet n'a pas encore ouvert une information judiciaire, le naufrage est dans notre ZEE, on a les compétences", a-t-elle fait remarquer.