Le gouvernement a annoncé la création de 1.500 places dans des "quartiers étanches" pour les détenus radicalisés. (photo d'illustration) 10:20
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Ugo Pascolo
Au micro de François Clauss, Delphine Boesel, présidente de l'Observatoire international des prisons et Farhad Khosrokhavar, auteur de deux enquêtes sur l’Islam en prison, débattent avec les auditeurs d'Europe 1 de la meilleure manière de traiter des détenus radicalisés dans les prisons françaises. 
LE TOUR DE LA QUESTION

Depuis mardi 6 mars, et l'agression de deux surveillants par un détenu radicalisé et sa femme à la prison de Condé-sur-Sarthe, la question des conditions d'incarcération des détenus radicalisés est de retour sur le devant de la scène.

Autour de François Clauss, Delphine Boesel, présidente de l'Observatoire international des prisons et Farhad Khosrokhavar, sociologue et directeur d’études à l’EHESS, auteur de deux enquêtes sur l’Islam en prison, débattent avec les auditeurs d'Europe 1 de la meilleure manière de traiter ces détenus, alors que la prison où se sont déroulés ces événements dramatiques est encore bloquée par une cinquantaine de surveillants.

"Remettre au goût du jour le bagne de Cayenne". "Je pense que notre logique n'est pas adaptée aux radicalisés. Il faut inventer un nouveau système pénal adapté pour ces gens-là [...], ils sont irrécupérables". Cette phrase sans concession est celle de Jacques, un auditeur d'Europe 1 qui a souhaité intervenir en direct sur Europe 1. Et il n'est pas le seul à avoir cet avis : d'après le sondage de la page Facebook d'Europe 1, 86% des 10.000 personnes ayant voté sont pour la mise en place de prisons spécialisées. A l'instar de Dominique, qui propose de "remettre au goût du jour le bagne de Cayenne, afin de les isoler des autres détenus", ou encore Fred qui propose la mise en place d'un "code pénal, peines et cours d’assises spécifiques".

Séparer les détenus qui font du prosélytisme et adapter le régime de détention. Isoler les détenus radicalisés de ceux de droit commun est une idée également évoquée par Farhad Khosrokhavar : "J'avais pensé mettre en place des quartiers de prévention de radicalisation pour séparer ceux qui font du prosélytisme et adapter le régime de détention des détenus radicalisés avec des peines très spécifiques pour éviter les contagions avec les autres détenus". Mais si cela reste difficile de créer un traitement à part pour un type spécifique de détenus, est-ce vraiment efficace ? 

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec François Clauss. Retrouvez le replay de l’émission ici

Une solution "absurde". "C'est compliqué", commence par répondre Delphine Boesel, présidente de l'Observatoire international des prisons. "En France, il y a 500 détenus pour des faits de terrorisme et 1.500 dits radicalisés. Vouloir catégoriser et vouloir faire des établissements pour tel ou tel type de personne me semble absurde parce qu'ils représentent une toute petite partie de la population pénale [71.000 personnes, ndlr]. "Et c'est aussi la force de notre République de considérer que ces gens peuvent évoluer". 

1.500 places dans "des quartiers étanches" voulues par le gouvernement. Du côté du gouvernement, la question de mettre, ou non, à l'écart les détenus radicalisés semble déjà réglée puisque fin février, Edouard Philippe a annoncé la création de 1.500 places "dans des quartiers étanches" pour les détenus radicalisés. Une mesure qui a eu pour effet de calmer un temps les revendications des surveillants de prison, jusqu'à l'agression de deux des leurs mardi. Et la situation ne devrait pas s'améliorer avec les quelque 50 djihadistes français et leurs 80 enfants aux mains des forces arabo-kurdes, qui pourraient être rapatriés de Syrie vers la France.

Des chiffres confiés par des sources françaises à l'AFP - mais non confirmés par les autorités françaises - auxquels Thibault Capelle, secrétaire local du syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière, a réagi sur BFMTV.com en prévenant d'emblée : "On n’a pas la capacité pour les accueillir dans des quartiers étanches, donc en attendant, ils seront certainement placés en détention classique avec de forts risques de communication et de prosélytisme auprès des autres détenus."