Face aux sécheresses, "il va falloir mener une réflexion profonde et rapide"

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Emma Haziza, ​hydrologue, présidente de Mayane, un centre de recherche sur l'adaptation face au changement climatique, estime lundi sur Europe 1 que la répétition des sécheresses, ces dernières années, doit nous amener à changer nos modes de culture, mais aussi nos habitudes de consommation.
INTERVIEW

L’été 2020 a été marqué par une grave sécheresse, qui a touché la plupart des départements français. C’était aussi le cas en 2017, 2018 et 2019, illustration supplémentaire du réchauffement climatique. Face à ce constat, certains appellent à un changement radical dans l’organisation de l’agriculture en France. "Je crois qu'il va falloir mener une réflexion profonde, mais rapide parce qu'on n'a plus le temps", prévient ainsi lundi sur Europe 1 Emma Haziza, ​hydrologue, présidente de Mayane, un centre de recherche sur l'adaptation face au changement climatique. "On ne peut pas prendre des années. Le problème, c'est que l'adaptation, ça demande énormément de temps."

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La scientifique fait un constat implacable. "On voit que tout le monde est touché, les céréaliers, les viticulteurs, les maraîchers, les éleveurs… Tout le monde a besoin d'eau", relève-t-elle. "Ils ont tous souffert de cette sécheresse et à un moment donné, on ne peut plus compenser ces pertes uniquement sur le plan financier, on ne peut plus continuer à panser les plaies."

Et pour en sortir, il faut d’abord briser un cercle vicieux. "On voit bien qu'on subit aussi l'utilisation de nos sols et notre terre, notamment avec des techniques d'agriculture plutôt intensive développées dans certaines zones et qui ont accéléré la perte de matière organique, qui ont accéléré le fait que l'on n'ait plus ces populations microbiennes et fongiques qui tenaient les sols face aux sécheresses", explique Emma Haziza. "Aujourd'hui, ce sont des sols qui sont pauvres et qui n'ont plus de nutriments. Et donc, ça accélère encore plus ce phénomène."

"Le fait de consommer de l'eau embouteillée aujourd'hui est un vrai problème"

L’une des solutions est d’adapter l’agriculture aux territoires, et non l’inverse. "On ne peut pas décider à l'échelle globale. C'est-à-dire que chaque territoire a un sous-sol géologique, un type d'aquifère, et donc il va pouvoir accepter un type d'agriculture", précise la scientifique. "On arrive à des taux jusqu'à 80% d'eau qui est utilisée par l’agriculture pour des espèces comme le maïs qui sont extrêmement demandeuses d'eau. Il faut se poser des questions parce que ce maïs sert aussi à nourrir les élevages et donc ces élevages aussi posent un problème à l'échelle globale sur le plan climatique."

Mais l’agriculture n’est pas seule en cause. Le consommateur a lui aussi un rôle à jouer, notamment en limitant l’achat d’eau en bouteille, alors que Volvic est par exemple accusé d’assécher les cours d’eau en Auvergne. "Il faut revoir complètement notre manière de consommer de l'eau. Le fait de consommer de l'eau embouteillée aujourd'hui est un vrai problème", s’alarme Emma Haziza. "On n'a plus besoin aujourd'hui d'aller prélever des quantités énormes, colossales d'eau pour pouvoir ensuite les emporter à travers des matières plastiques. Ça fait partie de nos changements qu'il va falloir mettre en oeuvre. C'est notre avenir qui est en jeu."