Comment allons-nous sortir psychologiquement de cette longue période de confinement ? Invité d'Europe 1, dimanche, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik a expliqué les raisons pour lesquels nombre de Français peuvent se sentir angoissés à l'idée de se déconfiner.
C'est un chapitre inédit de leur histoire que s'apprêtent à clore les Français. Durant 55 jours, ils ont dû vivre confinés, sans voir leurs proches, souvent sans aller travailler, et ce, pour stopper la pandémie de coronavirus qui bouleverse le monde, et la France depuis le mois de mars. Pour beaucoup, cette expérience s'apparente à un traumatisme. Alors, à la veille du déconfinement, il est légitime de se demander en quoi cela nous aura transformé, et de comprendre pourquoi le retour au monde nous angoisse tant.
"C'est classique", explique le neuropsychiatre, Boris Cyrulnik. Invité d'Europe 1, dimanche, le spécialiste compare même l'expérience de confinement, puis de de déconfinement, à celle des prisonniers. "Les prisonniers sont malheureux quand ils entrent en prison, et après quatre ou cinq ans de prison, ils ont peur de sortir, peur du monde social où ils ont perdu l'habitude de vivre". Tout comme le monde social est devenu pour eux un inconnu, nous sommes angoissés à l'idée de retrouver ce monde d'avant, où nous pouvions circuler librement.
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La peur du confinement, l'angoisse du déconfinement
À l'issue de ces 55 jours de confinement, il nous est demandé de rentrer dans un nouveau monde. "On sait que le virus n'est pas complètement mort, on sait que les conditions de travail vont être modifiées, on sait que la France est ruinée", poursuit Boris Cyrulnik. "On ne sait pas si on va être capable de s'adapter à ce nouveau monde, donc le déconfinement est une angoisse".
D'ailleurs, le neuropsychiatre précise qu'il existe bel et bien une différence entre la peur et l'angoisse. Une différence qui se justifie parfaitement dans le cadre de l'expérience que vivent les Français depuis deux mois, l'un des termes s'associant au confinement, l'autre au déconfinement. "Dans la peur, on a l'objet de la peur et on sait comment faire pour se protéger, s'associer, s'enfuir, se cacher", explique-t-il. "Alors que l'angoisse est invisible, c'est inconnu, on ne sait pas ce qui nous attend".
De plus, selon Boris Cyrulnik, "c'est la première fois qu'on a affaire à un virus dont on ne connaissait pas la formule chimique, les effets cliniques et le moyen de le soigner et de l"éliminer". D'où cette évolution de la peur à l'angoisse. Avec le déconfinement, "on entre dans le monde de l'angoisse, alors qu'on est entrés dans le confinement grâce à la peur".
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"Le chaos est déterministe"
Cependant, assure le neurospychiatre, cette expérience doit permettre la remise en cause de notre mode de vie. Selon lui, il va falloir inventer de nouveaux rituels : cesser de se faire la bise, de se serrer la main. "Des tas de cultures en Asie ne se font pas la bise, pourtant ce sont des cultures d'une extrême politesse". Après une période de chaos, on est obligé de déterminer de nouvelles directions, ajoute Boris Cyrulnik. "Le chaos est déterministe".