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avec AFP , modifié à
Pour la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, la première après l'adoption du projet de loi, les tensions ont été plus nombreuses qu'auparavant. Selon le ministère de l'Intérieur, 1,08 million de personnes ont défilé dans les rues partout en France, alors que la CGT revendique 3,5 millions de manifestants au total. L'intersyndicale annonce une nouvelle journée de mobilisation le mardi 28 mars.
L'ESSENTIEL

Les opposants à la réforme des retraites ont battu à nouveau le pavé partout en France à l'appel de l'intersyndicale. Selon la CGT, 3,5 millions de personnes se sont rassemblées ce jeudi, alors que le ministère de l'Intérieur a comptabilisé 1,089 million de manifestants. L'intersyndicale a annoncé une dixième journée de mobilisation le mardi 28 mars, alors que des tensions subsistaient dans certains rassemblements. Europe 1 fait le point.

Les principales informations à retenir : 

  • 149 gendarmes et policiers blessés, 80 personnes interpellées en France, selon Gérald Darmanin
  • L'intersyndicale annonce une nouvelle journée de mobilisation le mardi 28 mars
  • 1,08 million de manifestants selon le ministère de l'Intérieur, 3,5 millions selon la CGT
  • 15,9% de grévistes dans la fonction publique d'Etat
  • Heurts entre manifestants et forces dans plusieurs villes, dont Bordeaux, Rennes et Paris

Darmanin dénonce la violence de "casseurs" issus de "l'extrême gauche"

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a dénoncé jeudi la violence de "casseurs" issus de "l'extrême gauche", après les violences ayant éclaté en France en marge des manifestations contre la réforme des retraites.  "1.500 casseurs" étaient présents à Paris pour "casser du flic et des bâtiments publics", a dit le ministre de l'Intérieur, qui s'exprimait depuis la préfecture de police de Paris.

A ce stade, il y a 172 interpellations en France, dont 77 à Paris, dont certaines pour des "attaques contre des personnes dépositaires de l'autorité publique" ou des "incendies", a-t-il ajouté. Beaucoup d'interpellés sont "jeunes", "beaucoup sont connus" comme appartenant à "l'ultra-gauche", a-t-il encore en dénonçant "la bordélisation souhaitée par une partie de l'extrême gauche", qui "ne gagnera pas". Vers 22h00, 140 feux avaient été recensés dans la capitale, dont "une quarantaine" en train d'être éteints, a-t-il ajouté.

A cette heure, 149 policiers et gendarmes ont été blessés, certains "gravement", a-t-il regretté, en évoquant des jets "d'acide, de cocktails molotov, de pavés", contre les forces de l'ordre. Les dégradations ayant eu lieu "sont très importantes, beaucoup plus que les journées précédentes", a encore dit Gérald Darmanin, dénonçant notamment les dégradations de "bâtiments publics" à Bordeaux où le porche de la mairie a été brièvement incendié ou à Lorient (Morbihan) où un commissariat a été pris pour cible.

L'entrée de la mairie de Bordeaux incendiée

À Bordeaux, pour la première fois depuis le début du mouvement, des gaz lacrymogènes ont été utilisés par les forces de l'ordre en fin de cortège, quand des groupes sont partis en manifestations dites "sauvages". En fin de journée début de soirée, des manifestants ont mis le feu à l'entrée de la mairie de la ville.

"Les violences et dégradations" dans les manifestations sont "inacceptables", juge Borne

Élisabeth Borne a jugé jeudi soir "inacceptables" les "violences et dégradations" dans les manifestations contre la réforme des retraites, qui ont connu un regain de tensions dans plusieurs villes. "Manifester et faire entendre des désaccords est un droit. Les violences et dégradations auxquelles nous avons assisté aujourd'hui sont inacceptables", a écrit sur Twitter la Première ministre, qui exprime "toute (sa) reconnaissance aux forces de l'ordre et de secours mobilisées".

15,9% de grévistes dans la fonction publique d'Etat

Un peu plus d'un agent sur six (15,9%) était en grève jeudi dans la fonction publique d'Etat pour la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, selon le ministère de la Fonction publique. Cette participation parmi les 2,5 millions d'agents de la fonction publique d'Etat est en forte hausse par rapport à la précédente journée de mobilisation en semaine, le 15 mars, lors de laquelle elle avait chuté à 3,1%.

La mobilisation était également plus importante jeudi dans les deux autres grandes branches de la fonction publique, territoriale et hospitalière. Dans la fonction publique territoriale (près de deux millions d'agents), le taux de grévistes atteignait 8,6%, contre 3,05% le 15 mars, tandis que la mobilisation atteignait 11,2% dans la fonction publique hospitalière (1,2 million d'agents), contre 7% précédemment.

123 gendarmes et policiers blessés, 80 personnes interpellées en France, selon Darmanin

A ce stade 123 gendarmes et policiers ont été blessés en France jeudi lors de la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites marquée par de nombreuses violences, et plus de 80 personnes ont été interpellées, a indiqué le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Le ministre a ajouté dans un tweet qu'il se rendrait dans la soirée à la préfecture de police de Paris, pour "suivre la situation et remercier les agents", a indiqué à l'AFP son entourage. De nombreux incidents étaient toujours en cours jeudi soir à Paris, après la fin de la manifestation.

L'intersyndicale annonce une 10e journée de mobilisation le mardi 28 mars

Les syndicats ont annoncé jeudi une dixième journée de grèves et de manifestation, le 28 mars, et des rassemblements syndicaux de proximité ce week-end, pour protester contre la réforme des retraites. "Alors que l'exécutif cherche à tourner la page, ce mouvement social et syndical pérenne et responsable confirme la détermination du monde du travail et de la jeunesse à obtenir le retrait de la réforme", ont-ils affirmé à l'issue d'une neuvième journée de mobilisations qui a réuni selon eux "plus de trois millions de manifestants".

Une multiplication des incidents violents

Lors de cette neuvième journée de mobilisation, la physionomie des cortèges a changé. Ce jeudi, il y avait moins de familles mais beaucoup plus de jeunes et d'étudiants avec des modes opératoires qui se rapprochaient du Black Bloc, c’est-à-dire des violences urbaines comme des dégradations du mobilier urbain et des prises à partie des forces de l'ordre un peu partout en France, à Nantes, à Rennes, Toulouse, Lille, Bordeaux, Dijon... Dans ces villes, il y a eu les mêmes scènes de jets de projectiles.

Les policiers et gendarmes ont fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau. À Lorient dans le Morbihan, un commissariat a été visé. La cour de l'hôtel de police a été incendiée par des individus qui ont tenté de rentrer à l'intérieur. Malgré des cortèges qui se sont durcis, il y avait donc du monde dans les rues. Ce jeudi soir, la place de l'Opéra à Paris était le lieu de débordements.

Au total, 1.300 éléments violents ont été comptabilisés dans le cortège parisien, et 26 personnes ont été interpellées. Le parcours de la manifestation a été émaillé d'incidents, plusieurs fast-foods saccagés, des bijouteries attaquées avec des grilles d'égout. Au moins un membre des forces de l'ordre a brièvement perdu connaissance. Ses jours ne sont pas en danger, mais il a été transporté en urgence à l'hôpital.

1,08 million de manifestants en France, dont 119.000 à Paris, selon l'Intérieur

Un total de 1,089 million de manifestants ont manifesté jeudi en France, dont 119.000 à Paris, pour la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, marquée par un net rebond de la participation, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. La mobilisation a battu un record à Paris et est en hausse par rapport à la 8e journée de mobilisation le 15 mars, où 480.000 personnes étaient descendues dans la rue en France, selon la Place Beauvau. Selon le décompte du cabinet Occurrence effectué pour un collectif de médias, dont l'AFP, 83.000 personnes ont manifesté à Paris. La CGT dénombre elle 800.000 manifestants dans la capitale.

3,5 millions de manifestants en France, selon la CGT

Quelque 3,5 millions de personnes ont manifesté en France jeudi contre la réforme des retraites, selon la CGT, alors que les autorités en ont recensé 1,089 million. C'est autant que le 7 mars, selon la centrale syndicale, et environ deux fois plus que la dernière journée de mobilisation du 15 mars.

12.400 personnes mobilisées à Strasbourg selon les autorités

Selon les autorités, 12.400 personne sont manifesté à Strasbourg. "C'est plus tendu depuis les manifestations sauvages, depuis vendredi. Avant ça va, le cortège passait, c'était calme. Mais là depuis quelques jours, il y a des poubelles qui brûlent, des gaz lacrymogène, c'est plus tendu oui. Là les manifestants sont sur les dents, les policiers aussi, et ils sont plus nombreux aussi", témoigne un commerçant à Strasbourg qui a préféré garder l'anonymat.

Une mobilisation importante à Auch

Les syndicats ont annoncé que 8.000 personnes se sont mobilisées dans les rues d'Auch, dans le Gers, pour faire entendre leur voix contre la réforme des retraites. Selon les chiffres de la préfecture, ils étaient 4.000. Ce sont des taux de participation exceptionnels pour cette ville moyenne dans un département très rural.

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À Auch, 8.000 personnes se sont mobilisées selon les syndicats.
Crédits : Benjamin Peter/Europe 1

"Il y a 200.000 habitants dans le département et on se retrouve, aujourd'hui (jeudi), avec des manifestations où nous avons, a minima, quatre fois plus de personnes dans la rue que lors des dernières manifestations", rapporte Éric Cantarutti, le leader de la CGT du Gers. "On va continuer, il faut qu'à un moment donné Macron l'entende", ajoute-t-il. La CGT du Gers appelle à des blocages, des grèves et des entreprises jusqu'à la prochaine de journée de mobilisation.

Fin de cortège sous tensions 

À 18 heures, 26 personnes ont été interpellées, principalement pour port d'armes prohibées et participation à un groupement en vue de commettre des dégradations et violences, selon la préfecture de police. Des affrontements ont eu lieu place de l'Opéra, avec des jets de gaz lacrymogène. Les CRS ont tenté de reprendre le contrôle des lieux aux alentours de 19 heures, alors que la situation semblait figée.

Tout au long de la journée, la violence s'est cristallisée à deux endroits en tête du cortège, et dans les rues adjacentes au tracé de la manifestation. Il y a eu des feux, des dégradations de vitrine et du mobilier urbain. C'est une première pour un rassemblement mené à l'initiative de l'intersyndicale.

La situation dégénère à Paris

Des violences ont émaillé le cortège parisien où plusieurs centaines d'éléments radicaux vêtus de noir ont brisé des vitrines et du mobilier urbain, a constaté un journaliste de l'AFP. Des personnes, identifiées comme des Black Bloc, ont notamment fracassé les vitres d'une supérette sur le boulevard Saint-Martin, qui mène vers la place de l'Opéra, point d'arrivée du cortège intersyndical parisien.

Ils ont ensuite ramassé pavés et divers projectiles, avant d'attaquer un fast-food McDonald's en scandant : "Ah ! Ah ! Anticapitaliste !", puis un autre peu plus tard. Une autre supérette a ensuite été dégradée et un "engin incendiaire" lancé dans une banque boulevard de Bonne Nouvelle, a précisé la préfecture de police. Ils ont lancé pavés et bouteilles sur les forces de l'ordre et incendié des poubelles, selon le journaliste de l'AFP. Peu de temps après le départ du cortège, quelques feux d'artifice avaient déjà été lancés près de la place de la République en direction des forces de l'ordre, qui ont immédiatement répliqué avec des gaz lacrymogènes.

Selon la préfecture de police, "environ un millier" d'éléments radicaux, vêtus de noir et équipés de masques et lunettes, sont présents dans le cortège. Des heurts ont également éclaté sur la place de l'Opéra où les fauteurs de troubles sont arrivés bien avant le reste des manifestants. 

Net rebond de la mobilisation en province

Une semaine après un huitième round en demi-teinte, les cortèges font de nouveau le plein. A Rouen, la préfecture a dénombré 14.800 manifestants, un record depuis le début du mouvement social, tandis que la CGT en a revendiqué 23.000. Participation également en forte hausse à Lyon (22.000 à 55.000), Brest (20.000 à 40.000) ou Montpellier (18.000 à 40.000), où la mobilisation est toutefois restée en-deçà des sommets enregistrés lors des précédentes journées, surtout le 31 janvier et le 7 mars.

Le regain par rapport à la précédente journée de mobilisation était aussi observé dans des villes moyennes comme Agen (4.000 à 6.000), Laval (5.200 à 9.600) ou Valenciennes (3.100 d'après la police). Si les estimations variaient le plus souvent du simple au double, certaines villes se distinguaient par des écarts plus prononcés, notamment Saint-Etienne (6.200 à 35.000), Nice (5.200 à 40.000) et, comme à l'accoutumée, Marseille où la préfecture a compté 16.000 manifestants, soit dix-sept fois moins que les 280.000 avancés par la CGT.

Des heurts dans certaines villes

Des heurts ont opposé jeudi à Nantes, Rennes et Lorient des manifestants aux forces de l'ordre, qui ont répondu aux dégradations et jets de projectiles par des tirs de gaz lacrymogène, ont constaté des journalistes de l'AFP. A Nantes, des manifestants se sont introduits dans le tribunal administratif saccageant l'accueil et brisant vitres et portes. Les pompiers ont rapidement éteint un départ de feu dans une salle d'audience. Plusieurs enseignes emblématiques, comme la Fnac et Uniqlo, ont également été prises pour cibles par des manifestants qui ont brisé leurs vitrines et pillé une boutique de téléphonie, a constaté une journaliste de l'AFP.

A Lorient la manifestation a été marquée par des troubles inédits, le commissariat de la ville et les forces de l'ordre ayant été pris pour cibles par des manifestants, en grande partie des jeunes au visage dissimulé.

A Rennes, le syndicat Force Ouvrière a annoncé 35.000 participants, 22.200 selon la préfecture. Les premiers heurts ont éclaté entre jeunes masqués et encapuchonnés, qui s'étaient postés en amont de la tête du cortège, et l'imposant dispositif policier. Des tirs de grenades lacrymogènes ont répondu aux jets de projectiles et feux de poubelles, plongeant le cortège de l'intersyndicale, pris en étau, dans un épais nuage de fumée âcre, selon un journaliste de l'AFP.