La manifestation contre les "bassines" à Sainte-Soline a rapidement tourné à l'affrontement. 1:38
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Charles Guyard et Guillaume Dominguez avec AFP , modifié à
Samedi, une nouvelle manifestation interdite contre le projet de "bassines" à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres a rapidement tourné à l'affrontement. Plusieurs véhicules de gendarmerie ont été incendiés et des dizaines de personnes ont été blessées. Près de 30.000 manifestants étaient présents sur le site, selon les organisateurs.

Une nouvelle manifestation interdite contre les bassines a donné lieu à de violents affrontements samedi à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, où des milliers de personnes ont convergé, dont de nombreux militants radicaux, éclipsant le débat sur le partage de l'eau. Selon un dernier décompte fourni par le parquet de Niort, les secours ont pris en charge sept manifestants blessés, dont trois traités en urgence absolue et hospitalisés ; 28 gendarmes ont été blessés, dont deux hospitalisés en urgence absolue. Deux journalistes ont été touchés. Les organisateurs évoquent, eux, un bilan beaucoup plus lourd, avec 200 manifestants blessés dont un serait dans le coma entre la vie et la mort, information non confirmée par les autorités.

Au moins 6.000 personnes selon la préfecture, jusqu'à 30.000 selon les organisateurs - le collectif d'associations "Bassines non merci", le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne - ont convergé vers une bassine en chantier à Sainte-Soline, dans le but de "stopper" la construction de ce réservoir à ciel ouvert, destiné à l'irrigation agricole, contesté de longue date.

Plus de 3.000 gendarmes et policiers mobilisés

Ils ont trouvé face à eux plus de 3.000 gendarmes et policiers mobilisés pour défendre le site, les autorités dénonçant la présence dans le cortège "d'au moins un millier d'activistes violents", "prêts à en découdre". À l'approche du site, aux allures de bastion médiéval avec son talus entouré par les forces de l'ordre, de violents affrontements se sont produits durant une heure, transformant l'endroit en scène de guerre, avec de fortes détonations et des véhicules en feu.

Les assaillants ont fait usage "de mortiers d'artifices, de chandelles romaines et de cocktails molotov de forte contenance" parmi d'autres projectiles, selon la gendarmerie qui a riposté avec 4.000 grenades de gaz lacrymogènes et de désencerclement, et en utilisant des LBD. Aucune interpellation n'a pu être réalisée durant la manifestation, selon le parquet. Onze personnes avaient été interpellées en amont lors de contrôles qui ont permis la saisie de nombreuses armes.

Elisabeth Borne dénonce "un déferlement de violence intolérable"

La Première ministre Elisabeth Borne a dénoncé samedi un "déferlement de violence intolérable" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), théâtre d'une manifestation contre les bassines, et de violents affrontements qui ont blessé au moins 28 gendarmes selon les autorités et 200 manifestants selon les organisateurs. "Soutien aux gendarmes et pompiers (...) face à un déferlement de violence intolérable à Sainte-Soline", a écrit sur Twitter la cheffe du gouvernement, dénonçant "des actes inacceptables" et "l'irresponsabilité des discours radicaux qui encouragent ces agissements".

Des violences dénoncées

Autorités et organisateurs se renvoient la responsabilité des affrontements. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a dénoncé la violence "inexcusable" de "l'extrême gauche", tandis que les organisateurs ont mis en cause une "violence absolument criminelle" des forces de l'ordre. La secrétaire nationale d'EELV Marine Tondelier, présente dans le cortège dont la majeure partie est restée pacifique, a dénoncé auprès de l'AFP des tirs de grenades vers des personnes blessées et l'intervention de quads, "une sorte de BRAV-M des champs", allusion à une unité de police motorisée controversée. "Assez de violences policières à #SainteSoline! Assez! Sans les BRAV-M, sans ce cirque, il ne se passerait absolument rien d'autre qu'une marche dans les champs !", a réagi sur Twitter le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

"Je n'ai aucun problème avec cette violence, même si je n'y prends pas part. Il y a de la violence partout en ce moment, à commencer par cette réforme des retraites (...) Je comprends que des gens aient la rage", a déclaré à l'AFP un manifestant venu du nord de la France. Des témoins interrogés par l'AFP et des observateurs de la Ligue des droits de l'Homme ont déploré que la prise en charge d'un blessé grave ait été retardée par les autorités ; la préfecture des Deux-Sèvres a répondu que le dispositif prévoyait une escorte des secours par les gendarmes pour assurer leur sécurité. Or, selon Gérald Darmanin, des activistes s'en prenaient alors aux forces de l'ordre, ce qui a perturbé la prise en charge des blessés.

"Nous continuerons le combat"

Avant de quitter les lieux, les manifestants affirment avoir endommagé une pompe et une canalisation de la bassine. "Nous continuerons le combat", ont affirmé les organisateurs dans le village voisin de Melle, où un "forum international de l'eau" se tient parallèlement jusqu'à dimanche. Comme lors de la manifestation interdite à l'automne, les affrontements ont largement éclipsé le débat de fond sur le partage de l'eau face au changement climatique.

La bassine de Sainte-Soline fait partie d'un ensemble de 16 retenues, d'une capacité totale de six millions de mètres cubes, programmées par une coopérative de 450 agriculteurs avec le soutien de l'État. Elles visent à stocker de l'eau puisée dans les nappes superficielles en hiver, afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient. Ses partisans en font une condition de la survie des exploitations face à la menace de sécheresses récurrentes. Son coût de 70 millions d'euros est financé à 70% par des fonds publics en échange de l'adoption de pratiques agroécologiques par les bénéficiaires, une vaine promesse selon les opposants qui dénoncent un "accaparement" de l'eau par "l'agro-industrie" et réclament un moratoire sur le projet.

Cette manifestation, "c'est pas les écolos contre les agriculteurs. Il faut une concertation de la société sur ces sujets", a affirmé à l'AFP Vic, 29 ans, technicienne en maraîchage venue manifester pour la première fois depuis la Bretagne.

Marine Tondelier (EELV) dénonce des tirs de grenade en direction de blessés

La secrétaire nationale d'EELV Marine Tondelier, a dénoncé samedi auprès de l'AFP des tirs de grenade vers des personnes blessées prises en charge sur le site de la manifestation contre les bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). "Quand on est arrivé, les véhicules brûlaient déjà depuis 30 minutes environ. On a vu qu'il y avait des blessés, à ce moment-là au moins une dizaine", raconte la cheffe du parti écologiste, présente sur les lieux, contactée par l'AFP. "On a formé un cordon, avec des élus devant, les écharpes bien visibles, dans le but de protéger la zone où ils se trouvaient", a poursuivi la secrétaire nationale d'EELV.

"Là, on a vu des forces de l'ordre sur des quads. Il y a eu de fortes détonations et des impacts au sol. On ne sait pas si c'était des grenades assourdissantes ou de désencerclement, avec beaucoup de gaz lacrymo. On s'est retrouvé à devoir transporter les blessés un par un", a expliqué l'élue écologiste, évoquant une femme qui avait été victime d'un "tir tendu à la tête", et présentant un "traumatisme orbital". "Une chaîne humaine formée par les élus et manifestants pour protéger la zone où étaient pris en charge les blessés a été chargée par la police", ont également dénoncé des députés LFI, dont plusieurs étaient sur place samedi. "Sans les BRAV-M, sans ce cirque, il ne se passerait absolument rien d'autre qu'une marche dans les champs", a critiqué sur Twitter le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon.

"Les violences inouïes et inacceptables commises contre nos gendarmes à Sainte-Soline sont cautionnées par le silence de nombreux élus", a répliqué le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, appelant "tous les élus de la République à condamner (...) sans la moindre ambiguïté ces violences". "Ces attaques contre les gendarmes sont intolérables. L'État ne reculera pas devant ces actes dont les auteurs devront répondre devant la justice", a dénoncé sur Twitter la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet (Renaissance).

Gérald Darmanin fustige "l'extrême violence contre nos gendarmes"

Vers 13H30, les abords de la bassine ressemblaient à une scène de guerre, avec de très nombreuses détonations, qu'observaient de loin, et au son des bandas, la plupart des manifestants restés pacifiques. Plusieurs véhicules de gendarmerie ont pris feu sous les vivats de certains. Aucun bilan n'a été fourni pour l'instant mais des appels aux "medics" commençaient à se faire entendre et la gendarmerie a diffusé l'image d'un photographe blessé à la tête.

Sur Twitter, Gérald Darmanin s'est exprimé, apportant son "soutien total à nos forces de l’ordre". "A Sainte-Soline, l’ultra gauche et l’extrême gauche sont d’une extrême violence contre nos gendarmes. Inqualifiable, insupportable. Personne ne devrait tolérer cela", a ajouté le ministre de l'Intérieur.

Aucune nouvelle mobilisation n'est annoncée officiellement pour ce dimanche. Mais selon les informations d'Europe 1, certains des activistes les plus radicaux prévoient des opérations de sabotage notamment sur les tuyaux qui servent à alimenter les méga-bassines.