Marseille : enquête après le décès d'un homme probablement touché par un tir de flash-ball

Emeutes
Jean Messiha, le polémiste d'extrême droite, à l'origine de la cagnotte destinée à soutenir le policier auteur du tir mortel sur le jeune Nahel. © STEPHANE DUPRAT / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
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avec AFP / Crédit photo : STEPHANE DUPRAT / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP , modifié à
Lors de sa rencontre avec plus de 200 maires, le chef de l'Etat a mis l'accent sur la préservation d'un "ordre durable" alors que le calme semble revenir peu à peu. Dans la soirée, la famille du jeune Nahel a porté plainte contre Jean Messiha, à l'origine de la cagnotte destinée à soutenir le policier auteur du tir mortel.

La désescalade semble se confirmer. La nuit de lundi à mardi a été calme, avant la reprise en main politique mardi par Emmanuel Macron, qui doit recevoir les maires de quelque 220 communes "victimes d'exactions" à travers tout le pays. 72 personnes ont été interpellées, dont 24 à Paris et sa petite couronne. 24 bâtiments incendiés ou dégradés sur tout le territoire, selon un bilan diffusé mardi par le ministère de l'Intérieur. Sur le terrain judiciaire, en revanche, l'affaire est loin d'être terminée. La famille du jeune Nahel a, en effet, décidé de porter plainte contre le polémiste d'extrême-droite Jean Messiha. Ce dernier avait lancé une cagnotte destinée à soutenir le policier auteur du tir mortel, avant de la clore ce mardi plus tôt dans la soirée. 

Les principales informations à retenir : 

  • 72 interpellations lors de la nuit de lundi à mardi, dont 24 à Paris et sa proche banlieue
  • Emmanuel Macron doit recevoir les maires de 220 communes "victimes d'exactions"
  • Le Medef estime que la facture des émeutes à un milliard d'euros
  • Les premières peines contre les émeutiers ont été prononcées
  • Une centaine de bâtiments publics ont été dégradés ou détruits en Île-de-France par les émeutes de ces derniers jours
  • Emmanuel Macron annonce une loi d'urgence pour accélérer la reconstruction
  • Près de 80 bureaux de poste "n'ont pas pu rouvrir en raison des destructions ou des risques
  • Gérald Darmanin a jugé mardi que le problème posé par les émeutes qui ont secoué le pays depuis le 27 juin était celui des "jeunes délinquants" et "pas des étrangers"
  • Neuf Français sur dix estiment que la mort de Nahel a été utilisée comme prétexte pour la plupart des émeutiers pour "casser"

Marseille: enquête après le décès d'un homme probablement touché par un tir de flash-ball

Un homme de 27 ans est décédé dans la nuit de samedi à dimanche à Marseille à la suite probable d'un "choc violent au niveau du thorax" causé par un projectile de "type flash-ball", a indiqué le parquet de Marseille à l'AFP. "Des événements de type émeutes et pillages se déroulaient cette nuit-là dans le secteur, sans qu'il soit possible de déterminer si la victime y avait participé ou même si elle avait pu circuler dans une telle zone", a ajouté le parquet, confirmant une information initiale du quotidien régional La Marseillaise.

La famille de Nahel porte plainte contre la cagnotte

La cagnotte controversée en faveur du policier qui a tué le jeune Nahel il y a une semaine à Nanterre devait fermer mardi à minuit, a annoncé son initiateur Jean Messiha, un ancien porte-parole d'Eric Zemmour contre qui la famille du jeune adolescent a porté plainte. La cagnotte va être "clôturée ce soir à minuit", a affirmé dans une vidéo sur Twitter Jean Messiha. Deux heures avant sa fermeture, elle approchait 1,6 million d'euros de dons. Une collecte pour la mère de l'adolescent de 17 ans, qu'elle élevait seule, avait mardi soir récolté quelque 400.000 euros. Qualifiée de "cagnotte de la honte" par plusieurs responsables de gauche, la collecte d'argent lancée par Jean Messiha sur le site GoFundMe a connu un succès inattendu et suscité un vif débat.

Dans la soirée, l'avocat de la famille du jeune adolescent abattu le 27 juin lors d'un contrôle routier à Nanterre a annoncé avoir porté plainte. "Une plainte a été déposée ce jour pour escroquerie en bande organisée, détournement de traitement de données à caractère personnel et recel de ces délits contre Jean Messiha et contre toutes les personnes qui seront identifiées par l'enquête comme ayant participé à ces infractions", a indiqué dans un communiqué Me Yassine Bouzrou. Avant l'annonce de sa clôture par Jean Messiha, les députés Mathilde Panot (LFI) et Arthur Delaporte (PS) avaient indiqué saisir la procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, pour obtenir la fermeture de la cagnotte.

"Cette cagnotte pourrait être considérée comme illégale" et "doit fermer", a ainsi estimé Arthur Delaporte. "Il ne fait aucun doute des intentions de l'initiateur de cette cagnotte, qui utilise le drame de Nanterre pour asseoir et véhiculer des idées politiques appelant à la haine", a écrit à la procureure le député du Calvados. Cette cagnotte est "une insulte aux proches de Nahel", a estimé de son côté Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI à l'Assemblée nationale.

La mort de Nahel a été un prétexte pour "casser" pour 9 Français sur 10

Neuf Français sur dix estiment que la mort de Nahel, jeune homme de 17 ans tué le 27 juin par un policier, a été utilisée comme prétexte pour la plupart des émeutiers pour "casser", selon un sondage Elabe pour BFMTV publié mardi. Selon cette étude, 89% des personnes interrogées considèrent que la mort de Nahel a servi de prétexte aux violences urbaines qui ont embrasé la France depuis mardi dernier, alors que seuls 10% estiment que les émeutiers ont une réaction de colère et un sentiment d'injustice. Les Français sont également environ neuf sur dix à condamner les violences contre les bâtiments publics (93%) et les violences contre la police (89%).

Le cabinet Elabe souligne que "ces condamnations sont unanimes, quelle que soit la catégorie de population et l'appartenance politique". "Seuls les plus jeunes sont un peu plus en distance concernant les violences contre les forces de l'ordre, mais une nette majorité les condamne sans appel (78% les condamnent, 22% ne les condamnent pas)", indique l'étude. Interrogés sur les principales causes des violences urbaines, les Français citent d'abord le manque d'autorité des parents (66%, 3 réponses possibles parmi 9 items), nettement devant le manque de sévérité de la justice (55%) et le trafic de drogues dans certains quartiers (43%).

Enfin, sept Français sur dix déclarent avoir confiance dans la police (71%) mais l'opinion est plus divisée sur son exemplarité (58% d'accord contre 42% pas d'accord), principalement critiquée chez les 18-24 ans (71%). La défiance est majoritaire envers la justice (57%). Le sondage a été réalisé par internet du 3 au 4 juillet auprès d'un échantillon de 1.000 personnes représentatif des résidents de France métropolitaine âgés de 18 ans et plus (méthode des quotas). Marge d'erreur comprise entre 1,4 et 3,1 points.

"La question, ce sont les jeunes délinquants, pas les étrangers", estime Gérald Darmanin

Gérald Darmanin a jugé mardi que le problème posé par les émeutes qui ont secoué le pays depuis le 27 juin était celui des "jeunes délinquants" et "pas des étrangers", en demandant au Rassemblement national de "ne pas confondre les débats". Répondant à une question du député RN Michaël Taverne rejetant la responsabilité des violences à l'immigration, le ministre de l'Intérieur a fait valoir que "moins de 10% des interpellés était étrangers" et "90% français". "40 personnes seulement étaient éligibles au centre de rétention administrative", a-t-il dit.

"La question aujourd'hui, ce sont les jeunes délinquants, pas les étrangers", a poursuivi Gérald Darmanin, ajoutant : "nous ne voulons ni de la haine des policiers, ni de la haine des étrangers". "Dans un moment aussi terrible pour notre pays, il faut se rappeler que la République est un équilibre", a estimé le ministre. "Oui, l'ordre et la fermeté, oui l'ordre juste mais pas juste l'ordre", a-t-il conclu.

80 bureaux de poste "n'ont pas pu rouvrir" en raison des destructions et des risques

Près de 80 bureaux de poste "n'ont pas pu rouvrir en raison des destructions ou des risques pour le personnel et les clients présents" à la suite des nuits d'émeutes, a déclaré mardi La Poste à l'AFP. Parmi eux, des établissements de Poitiers, Rouen et Lyon notamment, a précisé La Poste. Sur les 7.000 bureaux de poste présents sur le territoire national, 150 ont été "impactés" et 80 distributeurs automatiques de billets de La Banque Postale ont été "détruits". "Les dégâts sont parfois très importants puisque certains établissements ont été incendiés entraînant la destruction des courriers et colis présents", a encore indiqué La Poste.

Tous les bureaux de poste ont un guichet La Banque Postale, où 1,5 million d'allocataires viennent chercher leurs prestations sociales tous les 6 du mois.

Emmanuel Macron annonce une loi d'urgence pour accélérer les reconstructions

Ce mardi, Emmanuel Macron a reçu plus de 200 maires à l'Élysée pour leur afficher son soutien après les émeutes qui ont embrasé la France survenues après la mort du jeune Nahel. Après avoir pris le temps d'échanger avec eux, le président français a annoncé une loi d'urgence pour accélérer la reconstruction des bâtiments, du mobilier urbain et des moyens de transports touchés lors des violences urbaines. Selon une première estimation du Medef, les émeutes ont occasionné un milliard d'euros de dégâts. 

Le chef de l'Etat a aussi promis des aides financières aux villes pour les réparations concernant "la voirie, les établissements communaux, les écoles", selon un participant. "On va être extrêmement ferme et clair avec les assureurs commune par commune", a-t-il encore dit lors de cette réunion à l'Elysée.

Une centaine de bâtiments publics touchés en Île-de-France

Une centaine de bâtiments publics ont été dégradés ou détruits en Île-de-France par les émeutes de ces derniers jours, selon un décompte de la région qui votera mercredi un fonds d'urgence de 20 millions d'euros à destination des mairies et des commerces. Environ 140 communes d'Île-de-France, soit plus d'une sur dix, ont été touchées par les violences urbaines consécutives à la mort de Nahel, le 27 juin à Nanterre, a indiqué mardi l'entourage de la présidente (LR) de région Valérie Pécresse à l'AFP.

Dans ce total, la région compte 18 mairies centrales ou annexes endommagées, de même que 36 postes de police municipale, selon la même source. La région n'avait en revanche pas d'estimation sur le nombre de commerces touchés qui pourront demander une aide après le vote mercredi par son assemblée d'un fonds d'urgence de 20 millions d'euros. Valérie Pécresse s'est rendue mardi matin à La Verrière (Yvelines), où 170 élèves de deux écoles primaires détruites vont être relogés à la rentrée dans un lycée de la même commune qui dispose de salles libres. Parmi les 450 maires concernés reçus mardi à l'Elysée par le président Emmanuel Macron, près d'une centaine venait de la région-capitale, selon un décompte de l'AFP.

l'État ouvert à des "annulations" de cotisations "au cas par cas"

Le gouvernement est ouvert à des "annulations" de cotisations sociales et fiscales "au cas par cas" pour les commerces vandalisés lors des émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel, a annoncé mardi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. "Quand votre commerce a été entièrement brûlé, que c'est le travail de toute une vie qui est réduit en cendres, il faut que l'Etat soit à votre côté et qu'il puisse y avoir des annulations de charges sociales ou fiscales au cas par cas pour les commerçants les plus touchés", a-t-il insisté lors d'un déplacement dans l'Essonne.

"Je veux que nous allions, sur l'ensemble des commerçants, regarder comment nous pouvons étaler les charges sociales, voire reporter le paiement des charges sociales et fiscales", a encore affirmé Bruno Le Maire, à l'occasion d'une rencontre avec des commerçants touchés par des dégradations liées aux émeutes urbaines.

"Pour les commerçants les plus touchés, nous pourrions considérer des annulations de charges sociales et fiscales", a-t-il conclu tout en rappelant les mesures de soutien annoncées mardi par la fédération France Assureurs.

Une facture qui s'annonce salée

Dans le détail, les violences pourraient avoir causé près d'un milliard d'euros de dégâts, selon une première estimation du Medef. Selon le dernier bilan du ministère de l'Intérieur, près de 12.000 poubelles ont été incendiées, et presque 6.000 voitures ont été détruites depuis le début des émeutes. Les bâtiments publics n'ont pas été laissés pour compte par les émeutiers. Selon le décompte de Beauvau, plus de 1.100 bâtiments ont été dégradés ou détruits. 

Emmanuel Macron en visite surprise

La journée de lundi a été marquée par de nombreux rassemblements à travers la France en soutien au maire de L'Haÿ-les-Roses Vincent Jeanbrun, au lendemain de l'attaque à la voiture-bélier contre son domicile dans cette ville du Val-de-Marne. Premier déplacement depuis le début de la crise, Emmanuel Macron s'est rendu en milieu de soirée avec son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à la caserne Bessières, dans le XVIIe arrondissement de la capitale, qui accueille les effectifs de la BAC (Brigade anti-criminalité) de nuit et de compagnies départementales d'intervention.

Dans la foulée, après minuit, il est allé à la préfecture de police de Paris, pour de nouveaux échanges, a ensuite précisé l'Elysée. L'exécutif a demandé de maintenir "une présence massive" sur "le terrain", "pour conforter le retour au calme et à l'ordre", a fait savoir son entourage à l'AFP.

Plus tard dans la nuit, le chef de l'Etat a remercié dans un tweet policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers pour "(leur) mobilisation exceptionnelle ces dernières nuits". "Policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, merci pour votre mobilisation exceptionnelle ces dernières nuits. Je sais combien celles-ci ont été difficiles pour vous et vos familles. Vous avez mon soutien", a écrit Emmanuel Macron sur Twitter. Le dispositif nocturne des jours précédents, soit un effectif maximal de 45.000 policiers et gendarmes, a ainsi été maintenu dans la nuit de lundi à mardi, sans incidents majeurs recensé dans la soirée.

Le nombre d'interpellations en Ile-de-France a baissé lundi soir, comme lors des nuits précédentes : 17 à 23h30 contre une quarantaine la veille et plus de 400 jeudi dernier.

"J'ai pas réfléchi"

Ces émeutes nocturnes ont éclaté le 27 juin, jour de la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué d'un tir à bout portant par un motard de la police, à la suite d'un refus d'obtempérer à Nanterre. La scène a été capturée par une vidéo amateur. Selon les chiffres transmis à l'AFP par le ministère de la Justice, depuis vendredi 3.915 personnes ont été interpellées (dont 1.244 mineurs) donnant lieu à 374 comparutions immédiates.

À Strasbourg, des peines de prison ferme, allant de quatre à dix mois, ont été prononcées lors de ces audiences. "C'était un vol opportuniste : c'était cassé, j'ai pas réfléchi, je suis entré", a expliqué au tribunal Rayane, 26 ans, ressorti d'un magasin Zara "avec un gros paquet de vêtements sous le bras". Les principales organisations patronales françaises ont de leur côté appelé lundi le gouvernement à mettre en place des mesures de soutien en faveur des commerçants et entrepreneurs affectés, notamment un "fond de secours" pour "ceux qui ont tout perdu".

Les dégâts sont estimés par le patron des patrons, Geoffroy Roux de Bézieux, à un milliard d'euros. "Sans compter les dégâts au niveau du tourisme. Les vidéos des émeutes, qui ont circulé dans le monde, dégradent l'image de la France", a déclaré le dirigeant du Medef dans le Parisien. Et en Ile-de-France, l'heure est aussi au premier bilan : les émeutes ont causé "au moins 20 millions d'euros de dégâts" pour les transports publics, des bus brûlés au mobilier urbain cassé, selon une première estimation d'Ile-de-France Mobilités (IDFM).

Une cagnotte destinée à la famille du policier fait polémique

Du côté de l'enquête, le troisième occupant de la voiture conduite par Nahel, 17 ans, dont la mort causée par le tir d'un policier a suscité une vague de violences urbaines dans tout le pays, a été entendu lundi par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), a appris l'AFP de source proche du dossier.

Recherché depuis les faits, cet homme s'est présenté de lui-même à 11h devant la "police des polices". Le policier, auteur du tir qui a tué Nahel, a lui été mis en examen pour homicide volontaire et est toujours écroué. Une cagnotte de soutien à la famille de l'agent, a dépassé lundi sur internet le million d'euros, soulevant l'indignation d'élus de gauche. La Première ministre a estimé qu'elle ne "contribue pas à l'apaisement" et ajouté que ce serait à la justice de se prononcer "le cas échéant" sur la légalité de cette caisse de solidarité.