Emeutes : Macron se dit «très prudent» sur le retour au calme mais juge le pic «passé»

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avec AFP // Crédit photo : Andrea Savorani Neri / NurPhoto / NurPhoto via AFP , modifié à
Une semaine après le début des émeutes déclenchées suite à la mort de Nahel, 17 ans, après un refus d'obtempérer lors d'un contrôle routier, Emmanuel Macron s'est dit mardi "très prudent" sur le retour au calme. "Le pic" est néanmoins passé pour le chef de l'État.

Emmanuel Macron a martelé mardi, devant les maires de 250 villes touchées par près d'une semaine d'émeutes, que sa "priorité absolue" allait au rétablissement d'un "ordre durable", se montrant "très prudent" sur le reflux observé des violences et la fin de la crise. "Est-ce que le retour au calme est durable ? Je serai encore très prudent pour les jours et les semaines qui viennent", a affirmé le chef de l'Etat, selon des participants à la réunion, tout en considérant que le "pic" des premiers soirs était "passé".

Devant un parterre d'élus de tous bords, dont certains de droite et d'extrême droite assénant ce même message depuis le début des émeutes, il a insisté : "C'est l'ordre durable, républicain que nous voulons tous, auquel nous allons nous atteler", "y compris avec des moyens exceptionnels". Les émeutes nocturnes ont éclaté le 27 juin, quelques heures après la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué d'un tir à bout portant par un motard de la police lors d'un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine).

Treize "atteintes graves" aux élus

Heurts avec les forces de l'ordre, incendies de mairies, écoles, commissariats et pillages de magasins se sont alors multipliés à travers toute la France, culminant avec l'attaque du domicile de Vincent Jeanbrun, maire LR de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), avant qu'une décrue ne s'installe ces deux dernières nuits. "Même si le calme est revenu, je considère que l'on ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé", a insisté le président, en exprimant "le soutien, l'estime et la reconnaissance de la Nation" à des élus attaqués de manière "inqualifiable".

Treize "atteintes graves" aux élus ont été recensées, a précisé mardi matin le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, devant les députés de la majorité, en citant les maires de L'Haÿ-les-Roses et Pontoise (Val d'Oise). Emmanuel Macron entend désormais mener un "travail minutieux" pour "comprendre en profondeur les raisons qui ont conduit à ces événements", "avant d'en tirer des conclusions", selon l'Elysée.

"Rien n'a été fait"

Depuis le début de la réunion à 12H00, des échanges très directs se poursuivent entre les élus, qui s'arrachent les micros pour prendre la parole, et le chef de l'Etat, assis face à eux et prenant des notes, ont raconté des participants. "Les maires de droite proposent des solutions de droite, autorité, éducation, les maires de gauche des solutions de gauche, plus d'argent", a déclaré Eric Straumann, maire LR de Colmar (Haut-Rhin), parti avant la fin, à l'AFP. Pour Patrick Jarry, maire DVG de Nanterre, "les conditions de travail et la mission des policiers sont un chantier incontournable".

Patricia Tordjman, maire communiste de Gentilly (Val-de-Marne), a interpellé frontalement le président, estimant que "rien n'a été fait" depuis qu'il a été élu en 2017, "pire on nous retire des moyens. "La société bascule", s'est-elle alarmée devant le jeune âge des émeutiers. Jean-François Copé, maire LR de Meaux, "ne croit pas à l'émeute sociale, l'émeute de la faim". "Il s'agit d'une folie non maîtrisée", a-t-il lancé, déplorant un recul de "l'autorité" car on "nous culpabilise sur la colonisation". Et d'estimer: la "République n'a pas à s'excuser, elle a déjà beaucoup fait pour les quartiers".

A l'issue de ces échanges, le président fera un point de la situation en fin d'après-midi avec la Première ministre Elisabeth Borne et quelques ministres du gouvernement, qui risquent d'être mis à l'épreuve lors de la séance de questions à l'Assemblée nationale. Le ministère de l'Intérieur a relevé une nouvelle nette décrue des violences pendant la nuit de lundi à mardi, avec 72 personnes interpellées, contre jusqu'à plusieurs centaines au plus fort des violences.

"Sanctions financières" des familles

Lundi soir, devant des policiers, le chef de l'Etat a aussi dit envisager à des "sanctions financières" des familles à "la première infraction", une "sorte de tarif minimum dès la première connerie" de leur enfant, reprenant une antienne de la droite. Le gouvernement s'est dit par ailleurs ouvert à des "annulations" de cotisations sociales et fiscales "au cas par cas" pour les commerces vandalisés. "Quand votre commerce a été entièrement brûlé, que c'est le travail de toute une vie qui est réduit en cendres, il faut que l'Etat soit à votre côté", a lancé le ministre de l'Economie Bruno Le Maire lors d'un déplacement dans l'Essonne. A la demande du gouvernement, les assureurs ont accepté de "considérer des réductions de franchise", a-t-il ajouté.

Selon France Assureurs, 5.800 sinistres avaient été déclarés mardi matin à la suite des émeutes, à la fois par les professionnels et les particuliers. Les principales organisations patronales françaises appellent de leur côté le gouvernement à mettre en place un "fonds de secours" pour les commerçants et entrepreneurs qui "ont tout perdu". Selon les chiffres transmis mardi à l'AFP par le ministère de l'Intérieur, 3.486 personnes ont été interpellées, 12.202 véhicules incendiés, 1.105 bâtiments brûlés ou dégradés et 209 locaux de la police nationale, de la gendarmerie ou des polices municipales attaquées depuis la nuit du 27 au 28 juin. Un total de 374 personnes ont été jugées en comparution immédiate depuis vendredi, selon le ministère de la Justice.