EDITO - Réforme du chômage : "C'est un tournant dans le modèle social à la française"

La réforme chômage est entrée en vigueur le 1er novembre dernier.
La réforme chômage est entrée en vigueur le 1er novembre dernier. © AFP
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Nicolas Beytout, édité par Mathilde Durand
La réforme chômage est entrée en vigueur le 1er novembre dernier. Et les changements sont nombreux : dégressivité des allocations pour les cadres au bout de six mois, rallongement de la période de travail exigée pour ouvrir droit à indemnisation, modification et rétrécissement de la base de calcul des indemnités.
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La réforme de l’assurance chômage est entrée en vigueur. Avant la seconde vague de la réforme sur le mode de calcul des indemnisations, le 1er avril 2020, notre éditorialiste Nicolas Beytout fait le tour de ces changements, et leurs conséquences. 

 

"Tout d'abord, la durée requise pour pouvoir être indemnisé par Pôle Emploi : il faudra avoir travaillé 6 mois dans les 24 mois qui précèdent l'entrée au chômage, et non plus, comme jusque-là, 4 mois dans les 28 derniers mois. Deuxième tour de vis, des règles plus strictes pour recharger ses droits quand on reprend un travail après la fin de sa période d'indemnisation.

Concrètement, tous ceux qui, dans une heure vont pousser la porte de Pôle Emploi pour s’inscrire au chômage, comme ceux qui se sont inscrits en ligne depuis vendredi relèveront du nouveau régime d’indemnisation. Un régime très différent : dégressivité des allocations pour les cadres au bout de six mois, rallongement de la période de travail exigée pour ouvrir droit à indemnisation, modification et rétrécissement de la base de calcul des indemnités, les changements sont nombreux, et vont tous dans le sens d'un durcissement. 

Un durcissement décrié par les syndicats, parfois avec des mots très durs. Quant au patronat, il a rejeté le principe du bonus-malus qui sera parallèlement mis en place pour les contrats courts et les CDD. Ce qui fait qu’au total, les partenaires sociaux se sont fait imposer la réforme. C’est d’ailleurs un tournant dans le modèle social à la française : cette fois, et pour la première fois depuis 60 ans, l’Etat a clairement repris la main sur un système d’assurance-chômage qui vivait déjà sous la tutelle, et parfois même sous la férule du gouvernement.

Un changement de fond considérable

Mais cela ne changera pas grand-chose dans le fonctionnement du régime d'assurance-chômage. Et au moins on évitera les négociations interminables entre partenaires sociaux, lesquels, une fois un accord signé, se faisaient très souvent contredire ou corriger par le gouvernement. Mais attention, si le fonctionnement réel de l’assurance-chômage n’est pas bouleversé, la réforme correspond en revanche à un changement de fond considérable. Le durcissement des allocations-chômage représente en effet un choix politique très clair : rendre moins généreux le revenu de remplacement d’un chômeur pour l’inciter à reprendre plus vite un emploi.

C’est tout le rapport au travail qui est concerné par cette réforme. C’est en quelque sorte l’acte II de la grande remise à plat du rapport au travail annoncée par Emmanuel Macron pendant sa campagne électorale. L’acte I, ce furent (il y a 2 ans) les ordonnances sociales, l’allègement des contraintes sociales en entreprise, et la simplification des procédures de licenciement dans le but de déverrouiller la peur d’embaucher des patrons (en particulier dans les petites entreprise). Et désormais, Acte II avec la réforme de l’assurance-chômage, l’objectif est d’inciter chacun à sortir vite de Pôle Emploi. C’est une très bonne réforme, très cohérente, parce qu’elle remet le travail au centre des préoccupations. Même si évidemment, cette restriction de droits sociaux est mal vécue.

S'il y a une injustice, c’est que la dégressivité des allocations-chômage ne jouera que pour les cadres. Si le gouvernement était logique, au fur et à mesure que le chômage reculera, il devrait étendre ce régime à tous les demandeurs d’emploi. Effet garanti sur le nombre de chômeurs, cette malédiction française".