La plateforme du gouvernement permettant de signaler les violences conjugales a enregistré cinq fois plus de signalements. 1:33
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Marion Dubreuil, édité par Mathilde Durand , modifié à
Après plusieurs semaines de confinement, les femmes victimes de violences conjugales mises à l'abri dans des hébergements d'urgence s'inquiètent de la pérennité de leur situation. "Il est hors de question que des femmes se retrouvent sans solutions", insiste Malika Benzineb, responsable d'un centre en Rhône-Alpes.
REPORTAGE

Après ces 55 jours de confinement, pour cause de coronavirus, c'est aussi l'heure du bilan pour les victimes de violences intra-familiales. La plateforme du gouvernement permettant de signaler les violences conjugales a enregistré cinq fois plus de signalements, avec une hausse de 36 % des interventions des forces de l'ordre. Des places d'hébergement d'urgence ont été ouvertes durant la période pour mettre à l'abri les femmes victimes de violences, qui étaient enfermés avec leur agresseur. Mais à l'heure du déconfinement, les victimes et les associations s'inquiètent de la pérennité des places. 

"J'ai eu très peur"

En Rhône-Alpes, l'association VIFFIL (Violences Intra-Familiales Femmes Informations Liberté) SOS Femmes a géré 33 situations d'urgences en un mois et demi entre le 16 mars et le 26 avril : c'est deux fois plus que la moyenne de l'an dernier. Pour faire face à cet afflux de situations d'urgence très souvent aggravées par le confinement, l'Etat a ouvert sur la métropole de Lyon la Sentinelle, un centre de 60 places spécialement dédié pour accueillir les femmes et leurs enfants qui ont fui un conjoint violent.

Cela fait un mois que Mila est hébergée à la Sentinelle, un soulagement après un mois enfermée dans un studio avec son mari. "Il m'a fait beaucoup de mal, confie-t-elle, plus le confinement avançait plus il était énervé, il criait, m'insultait. J'ai eu très peur, j'ai senti qu'il allait me faire très mal". Ici, Mila a sa chambre dédiée dans un centre dont l'adresse reste anonyme. Protégée par un portail sécurisé et les rondes des veilleurs de nuit.

Depuis son arrivée elle se sent soulagée, elle a de moins en moins de terreurs nocturnes notamment grâce au suivi d'une psychologue. Mais elle le sait le répit sera de courte durée, "le 31 mai le centre doit fermer et je dois trouver une solution, je n'ai pas de ressources, pas d'emploi, j'aimerais m'installer dans un logement stable avec un travail à l'abri du danger de mon mari".

"Hors de question" que des femmes se retrouvent sans solutions

Malika Benzineb, responsable de ce centre éphémère pour l'association le Mas, continue d'accueillir des femmes et se bat pour pérenniser la structure. "Il est hors de question que des femmes se retrouvent sans solutions quand on devra fermer ce centre, parce que ce serait les renvoyer chez leurs bourreaux. Pour l'heure je ne suis pas en capacité de leur dire où elles iront exactement." La métropole de Lyon s'est engagée à créer 1.500 hébergements pour les sans-abris, avec des places dédiés aux femmes victimes de violences conjugales.

Les associations de protection des femmes espèrent un engagement fort du gouvernement. Au-delà de la situation des femmes déjà prises en charge pendant le confinement, l'inquiétude de Françoise Brié Directrice générale de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) est de ne pas pouvoir quantifier le nombre de femmes qui n'ont pas pu se manifester pendant le confinement "du fait de la surveillance de leur agresseur et de l'augmentation des violences. On pourrait faire face à une évolution des demandes de mise à l'abri dans les jours et semaines qui suivront le déconfinement."