Fausse alerte attentat à Paris : "nous n’avions pas de raison de penser à un canular"

© BERTRAND LANGLOIS / AFP
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Caroline Politi , modifié à
Une intervention antiterroriste d’ampleur a été menée dans le quartier des Halles, à Paris, après une fausse alerte attentat. 

Dire que la blague est de mauvais goût est un euphémisme. Samedi après-midi, le quartier des Halles, au cœur de Paris, a été bouclé à la suite d’un canular téléphonique. Une série d’appels malveillants a fait croire à une prise d’otages dans une église de la rue Saint-Denis. "Le problème dans ce genre d’affaire, c’est qu’on ne peut vérifier qu’après coup la véracité des faits. Dans le contexte de l’Etat d’urgence, il est inenvisageable de ne pas intervenir à chaque alerte", assure à Europe 1 une source policière. Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "dénonciation de crimes imaginaires" et "divulgation de fausses informations afin de faire croire à une destruction dangereuse".

Trois coups de téléphone malveillants. L’alerte est lancée à 15h33 lorsque le "17" reçoit un coup de téléphone. L’appel est court, anonyme, et indique "qu’il se passe quelque chose rue Saint-Denis, à côté d’un lieu de culte", indique une source proche du dossier. Six minutes plus tard, nouvel appel, également anonyme. Le "témoin" donne des indications précises : selon lui, dix individus armés, vêtus de noir et porteurs d’explosifs sont retranchés dans l’église Saint-Leu et retiennent en otage une vingtaine de personnes. Les services de police-secours reçoivent, à quelques minutes d’intervalle, un troisième appel. Cette fois, l’homme se présente comme étant le prêtre de la paroisse, le Père Mathis. Il corrobore l’information selon laquelle une prise d’otage est en cours dans son église et affirme être caché dans la cave de l’édifice.

Une cellule de crise est immédiatement déclenchée. "Le prêtre nous a transmis un numéro de portable, nous avons fait un contre-appel, nous avons déjà eu d’autres appels nous donnant les mêmes versions, nous n’avons pas de raison de penser à un canular à ce moment-là", poursuit notre source. Une équipe de la BRI est immédiatement envoyée sur place, de nombreuses voitures de la Bac convergent vers les lieux, un hélicoptère est dépêché… Le quartier des Halles, très fréquenté surtout le week-end, est totalement bouclé. A 16h14, une alerte-attentat est diffusée sur l’application gouvernementale Saip.  

La BRI nez-à-nez avec le vicaire. A 16h20, les équipes d’intervention sont positionnées devant l’Eglise Saint-Leu. Les portes de l’édifice sont closes. Au moment d’intervenir, la BRI est finalement accueillie par le vicaire de la paroisse. "Il était étonné, il a simplement indiqué avoir fermé les portes parce qu’il a vu des gens courir à l’extérieur et craignait un mouvement de foule", indique une source policière. Aucune prise d’otage n’a jamais eu lieu. L’édifice est malgré tout fouillé, l’identité des personnes à l’intérieur vérifiée. Des fidèles, des touristes, mais aucune trace de la dizaine de terroristes évoquée dans les coups de téléphone. A 16h48, l’alerte est officiellement levée.

Les forces de l’ordre comprennent qu’elles ont été victimes d’un swatting, un canular téléphonique qui tire son nom du Swat, l’unité d’élite de la police américaine. L’objectif est simple : signaler un accident grave pour provoquer l’intervention la plus spectaculaire possible des forces de l’ordre. Ce samedi, l’alerte était fausse mais la peur bien réelle. Les caméras de surveillance enregistrent plusieurs mouvements de foule dans le quartier, notamment du côté de la station de métro Rambuteau. Des personnes courent pour se mettre à "l’abri", se "retranchent" dans des boutiques, les magasins du quartier ferment les uns après les autres… 

Revendication sur Facebook. Selon une source judiciaire, quatre personnes ont été interpellées en fin d’après-midi aux abords de l’Eglise Saint-Leu. Ils auraient perturbé le travail des forces de l’ordre et se seraient appropriés la paternité du canular. Mais les enquêteurs suivent une autre piste. Dans l’après-midi, "Tylers Swatting" et "Zakhaev Yamaha" se sont vantés sur Facebook d’être à l’origine de l’intervention. "J’ai fait le pire SWATT, j’ai fait déplacer des hélico, le gouvernement, 50 voiture de flics j’suis passer en premier sur Twitter, j’suis passer sur periscope, j’suis passer sur facebook, j’suis passer sur BFMTV et 10 journal hihi #églisefuck #flicKO", a écrit l’un d’eux sur le réseau social [ ndlr : toutes les fautes d’orthographe sont d’origine…]. Contactés par L’Obs, les deux hackers présumés – qui ont affirmé avoir 16 et 17 ans – ont confié avoir avant tout cherché à faire le "buzz". Ils auraient dans un premier temps voulu s’en prendre à une mosquée mais "après Saint-Etienne-du-Rouvray, on s’est dit que ça marcherait mieux avec une église", ont-ils expliqué.

Les deux hackers ont supprimé leurs comptes Facebook dimanche après-midi. Pour autant, malgré les nombreuses traces laissées sur Internet, l’enquête, confiée à la Brigade criminelle, pourrait prendre du temps. S’ils sont expérimentés, les suspects ont probablement anonymisé leurs données de connexion en utilisant de fausses adresses IP ou en "empruntant" celles de personnes n’ayant rien à voir. De même pour les coups de téléphone. L’enquête n’a pas encore permis de savoir s’ils avaient utilisé des cartes prépayées ou s’ils avaient usurpé des numéros. "La durée de l’enquête va dépendre du niveau de ces hackers et des précautions qu’ils ont prises", résume une source.