Boris Boillon, l'ancien "Sarko boy" jugé pour blanchiment de fraude fiscale

Le procès de Boris Boillon s'ouvre lundi à Paris.
Le procès de Boris Boillon s'ouvre lundi à Paris. © FETHI BELAID / AFP
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M.L
En 2013, l'ex-ambassadeur de France en Irak et en Tunisie, réputé pour son franc-parler, avait été arrêté en route pour Bruxelles,  avec 350.000 euros et 40.000 dollars en liquide.

On l'a connu pour ses photos dévoilant un torse musclé sur les réseaux sociaux, ou son rôle dans la libération des infirmières bulgares, aux côtés de Nicolas Sarkozy. Mais surtout pour son arrestation en 2013, gare du Nord, à Paris, s'apprêtant à monter dans le train pour Bruxelles avec plusieurs centaines de milliers d'euros et de dollars en liquide. Ces dernières années, l'ancien ambassadeur Boris Boillon s'est fait plus discret. Il se trouve à nouveau sous les feux des projecteurs à l'occasion de son procès pour "blanchiment de fraude fiscale", "faux et usage de faux", "abus de biens sociaux" et "manquement à l'obligation déclarative de transfert de capitaux", qui doit s'ouvrir lundi.

Le benjamin des ambassadeurs français. "Oui, je suis un Sarko boy. Quand on a vécu quatre ans de sa vie complètement rythmée par un homme comme ça, on est forcément influencé par son style, sa manière d'agir et de penser." Dans une interview accordée à l'Est Républicain, en décembre 2009, Boris Boillon ne mâche pas ses mots. Le "benjamin des ambassadeurs français", comme le présente le quotidien, a tout juste quarante ans. Depuis quelques mois, il représente la France en Irak, après avoir conseillé Nicolas Sarkozy, candidat puis président, notamment sur l'épineux dossier des infirmières bulgares détenues en Libye. Le chef de l'Etat le surnomme "le petit arabe" - il est parfaitement arabophone.

Après le Printemps arabe et la chute de Ben Ali, le jeune prodige est envoyé en Tunisie. L'attitude du "Sarko boy", pressé de se montrer efficace, y passe un peu moins bien. Une vidéo sur laquelle il s'agace des questions d'une journaliste, relayée par Mediapart, est largement partagée par une population tunisienne offusquée. Une photo de Boris Boillon sortant de l'eau et exhibant son torse musclé, partagée par l'ambassadeur sur Copains d'avant, ressurgit à la même époque. Détournée à des centaines de reprises, le cliché nuit à l'image de serviteur de l'Etat du quadragénaire.

Plus de 350.000 euros en liquide. À son arrivée à l'Elysée, François Hollande choisit de se passer des services du proche de Nicolas Sarkozy. En août 2012, Boris Boillon se recycle donc dans le privé et crée une société de conseil baptisée Spartago. Il disparaît des radars jusqu'au 31 juillet 2013. Alors qu'il s'apprête à monter dans un train pour Bruxelles, l'ex-ambassadeur est prié d'ouvrir son sac par la douane. À l'intérieur se trouvent 350.000 euros et 40.000 dollars en liquide, - le Code des douanes impose de déclarer tout transfert international en liquide à l'intérieur de l'Union européenne au-delà de 10.000 euros. Boris Boillon est arrêté et le service national des douanes judiciaires est saisi.

L'enquête pour "manquement aux obligations déclaratives" est longue. Elle laisse au "Sarko boy" le temps de poursuivre son activité de conseil, puis de demander à être réintégré au ministère des Affaires étrangères. Demande acceptée : en 2016, Boris Boillon est envoyé "en renfort" auprès de la délégation française aux Nations Unies, à New York. Mais à nouveau, le timing est mauvais : quelques jours plus tard, le parquet décide de citer le diplomate à comparaître dans l'affaire de Bruxelles. Le Quai d'Orsay le rappelle moins d'un mois après son départ.

"Contraint à rester en lévitation". En mars 2017 c'est donc "sans activité" que Boris Boillon se présente devant le tribunal correctionnel de Paris, étant "suspendu" du ministère des Affaires étrangères."Je suis contraint à rester en lévitation" jusqu'au règlement de cette affaire soupire-t-il, droit dans son costume noir. La justice considère que la demi-journée initialement prévue pour le juger est insuffisante au regard de la "complexité du dossier". Les débats sont remis à la mi-mai.

"Monsieur Boillon n'opposera pas son droit au silence, il veut s'expliquer et mettre à bas les fantasmes du parquet", a prévenu Me Jean Reinhart, son avocat. Aux enquêteurs, l'ancien diplomate avait expliqué que ces sommes provenaient de ses activités professionnelles privées en Irak et avaient été rémunérées en liquide du fait des carences du système bancaire irakien. Mais les investigations n'ont pas permis de retracer l'origine des espèces, et la justice le soupçonne en outre de les avoir cachées au fisc et d'avoir produit de faux justificatifs pour tenter de le dissimuler. Pour ces chefs de poursuite, il encourt d'importantes amendes. Pour avoir manqué à ses obligations déclaratives, jusqu'à cinq ans de prison.