Bientôt des "igloos" pour les sans-abri à Paris : "ce serait un faux pas politique de les enlever"

Igloo pour SDF 1280
© NICOLAS TUCAT / AFP
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Romain David
Cet abri d'urgence va être testé par la mairie de Bordeaux, mais devrait également faire son apparition dans les rues de Paris, cette fois sans autorisation officielle, comme l’indique son inventeur, Geoffroy de Reynal, invité jeudi de La France bouge sur Europe 1.
LA FRANCE BOUGE

La trêve hivernale a débuté le 1er novembre. Les expulsions de locataires pour impayés ne sont désormais plus possibles jusqu'à la fin du mois de mars. Mais pour les 143.000 SDF qui dorment déjà dans la rue en France, selon les estimations de l'Insee, la période qui s'ouvre est d'autant plus critique que les places en hébergement d'urgence peuvent se faire rares. Pour permettre aux plus vulnérables de s'abriter du froid, un ingénieur a imaginé un étonnant igloo synthétique, qui intéresse notamment la mairie de Bordeaux, mais qui devrait aussi faire son apparition dans les rues de Paris cet hiver.

Une solution d'urgence. Cet igloo se constitue de cinq plaques souples de polyéthylène, qui s'assemblent en quelques minutes, pour un coup de production de 150 euros. Son occupant peut gagner de 15 à 20 degrés par rapport à la température extérieure. "J'ai fait plusieurs tests en été, dans la chambre froide d'un ami agriculteur", explique au micro de Raphaëlle Duchemin, dans La France bouge sur Europe 1, Geoffroy de Reynal, qui a eu l'idée de cet abri pendant un voyage au Monténégro. "J'étais en expatriation, et là-bas, il n'y a absolument personne qui dort dehors, ni en été ni en hiver, parce qu'il y a une solidarité entre les personnes. Entre deux missions, je suis rentré à Paris en janvier et j'ai vu le nombre de personnes qui dormaient sous des bancs en s'isolant avec des bouts de carton, ou dans des tentes avec la neige qui tombe dessus." Cet ingénieur bordelais en énergie renouvelable s'est alors lancé à la recherche d'une solution simple et viable.

 

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Une dizaine d'Igloos à Bordeaux et une cinquantaine à Paris. Son idée a tapé dans l'œil de la mairie de Bordeaux, qui a acheté une dizaine de ces igloos pour une phase de test sur les rives du Lac, au nord de la ville, où se concentrent déjà de nombreux sans-abri dans des campements de fortune. À partir du 15 novembre, une cinquantaine d'igloos, financés par des dons privés, vont également être mis à la disposition de l'association Utopia 56 à Paris, qui vient en aide aux migrants. "On va essayer de faire un test auprès de différents publics à la fois : le public migrant, qui représente au moins la moitié des SDF à la rue, et des SDF de type plus 'classique', pour voir avec qui ça fonctionne le mieux", souligne Geoffroy de Reynal.

Des autorisations complexes à obtenir. À ce stade toutefois, il n'a pas encore pu obtenir d'autorisation officielle de la part de la municipalité pour pouvoir installer son invention en toute légalité dans les rues de la capitale. "Il est très difficile d'obtenir l'autorisation d'une mairie comme Paris, du coup on va les installer, sans autorisation, dans les endroits où ça gêne le moins possible", glisse l'ingénieur. "Je pense que ce serait un faux pas politique d'enlever ces igloos", ajoute-t-il.

"On est dans une zone de non droit. Ces igloos pourraient, théoriquement, être retirés et envoyés en déchetteries", avertit de son côté l'avocat Mathieu Davy, fondateur de l'application Call A Lawyer, qui rappelle toutefois que ce type d'initiative pallie une carence de l'Etat, tenu par les textes constitutionnelles de 1946 au droit au logement. "Le droit au logement est un droit fondamental. Des lois existent. C'est à l'Etat de loger des sans-abri. Encore une fois, on est face à une initiative privée, non financée par l'Etat, non aidée par l'Etat et qui doit maintenant obtenir des autorisations qu'elle n'arrive pas à obtenir, simplement pour pouvoir installer ces igloos", tacle-t-il. Si ce dispositif d'urgence séduit déjà à l'international, il devra aussi y obtenir l'aval des pouvoirs publics ; une trentaine d'igloos doivent ainsi être testés dans trois villes différentes en République tchèque, indique Geoffroy de Reynal, mais là encore via des circuits associatifs.