Après l'attentat de Strasbourg, le temps de la traque

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avec Matthieu Bock et AFP , modifié à
720 membres des forces de l'ordre sont sur les traces de Cherif Chekatt, deux jours après l'attaque qui a fait au moins trois morts près du célèbre marché de Noël de la ville.

Sur le pont du Rhin, les voitures prenant la direction de l'Allemagne doivent patienter jusqu'à quatre heures, jeudi. Deux jours après l'attaque mortelle de Strasbourg, chaque véhicule est scrupuleusement fouillé par les enquêteurs, à la recherche du suspect numéro un, Cherif Chekatt. Après avoir pris un taxi qui l'a déposé dans le quartier du Neudorf, dans le sud de la ville, l'homme, blessé au bras, s'est volatilisé. Cavale dans la cité qui l'a vu grandir ?  Fuite vers l'étranger ? Alors que la France se trouve en "urgence attentat", le plus haut niveau du plan Vigipirate, les 720 membres des forces de l'ordre mobilisés n'excluent aucune piste.

Les frontières Est sous surveillance. "Attention, individu dangereux, surtout n'intervenez pas vous-même", a mis en garde la police dans un avis de recherche diffusé mercredi soir, décrivant un homme de 1,80 m, "peau mate", "corpulence normale" et "marque sur le front". L'assaillant a-t-il déjà pu passer la frontière ? Mercredi, une intervention menée à Kehl, de l'autre côté du Rhin, n'a pas permis de retrouver sa trace. Les autorités françaises "sont bien entendu en lien avec les autorités allemandes", a précisé le préfet Jean-Luc Marx. Selon la chaîne de télévision allemande RBB, le suspect a reçu un appel en provenance d'Allemagne juste avant de passer à l'acte, sans décrocher. La Suisse, à 130 km au sud de Strasbourg, a aussi renforcé ses mesures de sécurité à la frontière.

Au sein de la ville frappée mardi, les enquêteurs ratissent aussi de multiples adresses à la recherche de Cherif Chekatt. Le marché de Noël reste fermé, la préfecture estimant que les conditions de sécurité ne sont pas suffisantes pour une réouverture. Le suspect a-t-il pu bénéficier de complicités à Strasbourg, où il est né ? Ses parents et deux de ses frères ont été placés en garde à vue, mercredi et plusieurs maisons ont été examinées par des policiers dans le quartier. Auprès d'Europe 1, les habitants du Neudorf ont décrit les "prouesses" du suspect, de ses frères et de leurs amis pour escalader des grillages, se glisser sur le toit d'un garage ou encore se cacher dans une cabane lors des interventions des forces de l'ordre.

"Des solidarités, des amitiés, des capacités". Malgré son bras blessé lors d'un échange de tirs avec des militaires mardi soir, Cherif Chekatt, condamné 27 fois par la justice, a donc pu "refaire le coup" et se cacher dans son quartier. "Il connaît très bien son territoire", a commenté le criminologue Alain Bauer, mercredi matin sur Europe 1. "C'est un criminel avec une bande." Mardi matin, l'homme avait échappé à un coup de filet dans une autre affaire. "Il n'était pas le seul visé par cette opération. Ils étaient cinq, il est le seul à avoir réussi à ne pas être présent. Il a des solidarités, des amitiés, des capacités."

Combien de temps cette cavale peut-elle alors durer ? "Le temps médiatique n'est pas le temps judiciaire ni le temps de la traque. Rappelez-vous, en janvier 2015, avec la traque des frères Kouachi, ça a pris quelques jours mais nous sommes arrivés à nos fins", a estimé auprès de franceinfo Stanislas Gaudon, secrétaire national du syndicat de police Alliance. En 2012, la traque de Mohamed Merah, auteur des tueries de Toulouse et de Montauban, avait duré une dizaine de jours. Mais son identification avait pris plus de temps, les enquêteurs ayant un temps envisagé la piste d'un tireur issu de l'extrême-droite violente. Grâce au témoignage du chauffeur de taxi qui l'a conduit dans son quartier, les enquêteurs sont remontés jusqu'au nom de Cherif Chekatt dès mardi soir.