Adeline Hazan : "Il faut un changement culturel total dans les prisons françaises"

Adeline Hazan prison
Pour Adeline Hazan, plus on construit de places dans les prisons, plus on a de détenus. © Europe 1
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Ugo Pascolo
 Alors que la mobilisation en est à son cinquième jour, la grogne des surveillants de prisons ne faiblit pas et les arbitrages gouvernementaux sont attendus avec impatience.
INTERVIEW

La mobilisation est forte. Après l'agression de Vendin-le-Vieil, suivies d'autres à Mont-de-MarsanTarascon et Varces, la grogne des surveillants de prisons est tenace. Pour Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté, invitée vendredi matin d'Europe 1 Matin, il faut un "changement culturel total".

Une surpopulation explosive. Ils étaient presque 5.000 surveillants de prison, selon les syndicats, à demander de meilleures conditions de travail, jeudi 18 janvier. Une situation qu'Adeline Hazan comprend tout à fait. "Si on cumule les conditions de travail, la surpopulation carcérale, avec des gens qui sont en prison et qui n'ont rien à y faire, et une gestion très difficile des détenus radicalisés, on aboutit à une situation explosive". La contrôleur général des lieux de privation de liberté fait un état des lieux des prisons françaises sans concession. "Aujourd'hui, on a 70.000 détenus pour 60.000 places. On a des détenus à trois ou quatre dans des cellules de 9m², qui passent 22h sur 24h dans leur cellule, alors que certains n'ont rien à faire dans les prisons, comme les malades mentaux et les gens qui sont enfermés pour des courtes peines", détaille-t-elle.

"Les prisons sont remplies presque à 50% de personnes qui effectuent des peines de trois, quatre mois, parfois pour des délits routiers. Ils seraient beaucoup mieux dans les hôpitaux à faire des travaux d'intérêts généraux. Il faut changer totalement de paradigme", ajoute Adeline Hazan.

Entendu sur europe1 :
La société aurait à gagner à ce que les détenus sortent des prisons dans un meilleur état qu'il n'y soient rentrés

Des rats, des punaises de lits et des risques de gale. A cette surpopulation, il faut ajouter un manque de moyens humains. "Dans une prison comme Fresnes, il y a un surveillant pour cent détenus, ils ne font qu'ouvrir les portes. Ce sont, comme ils le disent eux-mêmes, des surveillants porte-clés", déplore Adeline Hazan. "Sans parler de l'hygiène, toujours à la prison de Fresnes, il y a des rats dans les cellules des détenus et dans les chambres des surveillants, des punaises de lits, et même des risques de gale dans certaines prisons", poursuit-elle encore.

Des places supplémentaires sont inutiles. Si la surpopulation carcérale est la source de nombreux problèmes, construire des places supplémentaires "ne sert à rien", estime-telle, avant de développer son propos. "Plus on construit de places, plus elles sont remplies et plus les magistrats incarcèrent. En 30 ans, on est passé de 30.000 à 60.000 places de prison, et on a 70.000 détenus. Il faut un changement culturel total. Aujourd'hui, on fabrique des bêtes-fauves", déplore encore Adeline Hazan, avant de conclure : "La société aurait à gagner à ce que les détenus sortent des prisons dans un meilleur état qu'il n'y soient rentrés".