À quoi servent les groupes d'évaluation départementale de la radicalisation ?

Radouane Lakdim faisait l'objet d'un suivi dans le département de l'Aude.
Radouane Lakdim faisait l'objet d'un suivi dans le département de l'Aude. © PASCAL PAVANI / AFP
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Dans chaque département, ces cellules décident du niveau de suivi à appliquer à chaque personne signalée comme radicale. Celle de l'Aude était chargée du cas Radouane Lakdim.

Dans chaque département français, un "GED" se réunira cette semaine. L'acronyme désigne un rouage essentiel de la prévention des actions terroristes : les groupements d'évaluation de la radicalisation. Après les attaques de Carcassonne et de Trèbes, perpétrées par un individu fiché "S" et inscrit au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), Emmanuel Macron a demandé à chaque préfet de convoquer "sa" cellule de suivi des individus radicalisés.

Repérés ou signalés au numéro vert. Que sait-on de ces GED ? Créés par Bernard Cazeneuve au lendemain des attentats du 13-Novembre, ils ont pour but de resserrer les mailles du filet au maximum, afin de réduire le risque qu'un individu échappe à la surveillance. Comment ? En recensant, département par département, toutes les personnes potentiellement radicalisées. Celles-ci peuvent être signalées par un coup de fil  au numéro vert mis en place par le gouvernement, par exemple, ou, dans la majorité des cas, repérées par les services de renseignement eux-mêmes : un individu dont la pratique religieuse s'intensifie subitement, ou qui se rapproche de milieux connus comme radicaux, par exemple.

Chaque nouvel individu est ensuite évalué par le GED, qui doit déterminer son niveau de dangerosité à différents niveaux. Pour cela, la cellule est composée à la fois du préfet et du procureur, mais aussi des renseignements territoriaux, de la DGSI, des forces de l'ordre et des services sociaux et pénitentiaires. À l'issue du premier examen d'un dossier, le groupe décide du service qui "pilote" le suivi : dans le cas de Radouane Lakdim, cas pris au sérieux par le GED, il s'agissait de la DGSI.

Des dossiers en "veille". Mais le rôle du groupement d'évaluation de la radicalisation ne se limite pas à cette mission. Selon les départements, la structure se réunit une à deux fois par semaine pour revenir sur chacun des dossiers du département. Leur nombre varie considérablement d'un territoire à l'autre, et seule une petite partie fait l'objet d'une surveillance quotidienne. Dans l'Eure, en 2016, 40 personnes étaient par exemple "signalées", pour seulement cinq suivies de près par les services de renseignement.

Ces réunions permettent également de revenir sur l'évaluation pour s'adapter à un changement de comportement d'une personne suivie : la surveillance peut être renforcée en cas d'évolution suspecte, ou mise "en veille" si plus aucun élément n'inquiète les autorités. Comme le notait un rapport d'information sénatorial en 2017, la présence des représentants des collectivités, comme les maires de petites communes, peut permettre de repérer des "signaux faibles" de radicalisation, qui ont pu échapper aux services de renseignement : un retrait des enfants de la cantine ou un changement de décoration du domicile, par exemple. À noter que le GED n'est chargé que du suivi de la radicalisation, une autre cellule à vocation sociale s'occupant, selon les cas, de l'accompagnement des individus signalés et de leurs familles.  

Concernant le terroriste de l'Aude, aucun élément ne laissait présager l'imminence d'un passage à l'acte, selon le procureur de Paris François Molins. Pas encore "en veille", le dossier ne faisait pas partie des priorités absolues du GED. C'est probablement pour s'assurer de l'absence de signe précurseur que la DGSI souhaitait rencontrer Radouane Lakdim :  une lettre de convocation à un entretien d'évaluation lui avait été adressée en mars.