Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du Travail, était l'invité d'Europe 1 pour parler des organisations syndicales. 2:28
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Séverine Mermilliod , modifié à
Le 1er-Mai, jour de la fête du Travail, est traditionnellement l'occasion pour les syndicats de se mobiliser pour l'emploi. Alors que le nombre de syndiqués en France ne fait que baisser, Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du Travail, estime samedi sur Europe 1 que les syndicats sont plus que jamais nécessaires, mais qu'ils doivent réinventer leur mode de fonctionnement.
INTERVIEW

L'an passé, le 1er-Mai n'avait pas été propice aux manifestations : des rues désertes, confinement total oblige, pour la fête des travailleurs. Cette année, la France renoue avec la tradition. Les syndicats battent le rappel et plusieurs manifestations sont prévues partout en France pour l'emploi, les salaires, les services publics, la protection sociale ou encore les libertés. À Paris, un cortège s'est élancé à 14 heures de la place de la République jusqu'à celle de la Nation. Mais alors qu'il y a aujourd'hui trois fois moins de syndiqués qu'il y a trente ans, comme le rappelle samedi au micro d'Europe 1 Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du Travail, quel poids ont encore les organisations syndicales ?

"Nous avons besoin de cohésion sociale"

"Nous avons besoin dans notre pays, plus que dans le passé encore, de cohésion sociale. Les organisations syndicales, comme l'ensemble des corps intermédiaires, des associations, des organisations patronales aussi, sont des structures qui permettent de regrouper les attentes, les préoccupations, d'organiser le marché du travail, de prendre en compte les inquiétudes et de les traduire", observe Bernard Vivier, spécialiste du mouvement syndical.

"Si ces corps intermédiaires, si ces syndicats ne sont pas là, qui va gérer l'inquiétude, la lourdeur sociale que nous voyons ? Ce sera de façon souvent bureaucratique et desséchée, ou alors des mouvements spontanés, violents, non contrôlés, avec des violences et des débordements", avertit-il.

Besoin de corps intermédiaires

Comment expliquer alors que, comme Bernard Vivier le souligne, "les organisations syndicales ont, dans l'histoire récente, beaucoup perdu en audience, en crédit et en effectifs", avec trois fois moins de syndiqués qu'en 1990 ? Le directeur de l'Institut supérieur du Travail, par ailleurs membre de la CFTC, pointe des mouvements sociaux qui ont court-circuité les syndicats, mais aussi une volonté politique des les outrepasser ainsi qu'un problème interne de fonctionnement "en silo".

Il déplore par exemple que le président de la République ait "lancé des réformes sans prendre suffisamment en compte justement ces corps intermédiaires", notamment celles des retraites et de l'assurance-chômage. "Aujourd'hui, le Medef et pratiquement toutes les organisations syndicales sauf la CGT, se rapprochent pour dire 'mais organiser le marché du travail, développer les réformes sociales, c'est notre job !'"

Un fonctionnement à réinventer

Mais pour mener ce "job" à bien, les syndicats, explique Bernard Vivier, doivent se réinventer. "Les 'gilets jaunes' ont voulu court-circuiter les partis politiques, les organisations syndicales, les taxant d'inadaptés. Et d'une certaine façon, oui, les organisations syndicales sont très hiérarchisées, très en silo. Il y a une hiérarchie interne et les revendications nouvelles se développent davantage sur le mode du réseau."

Il faut donc selon lui que "les organisations syndicales cessent de fonctionner sur ce mode hiérarchique" et remplissent leur fonction de "rassemblement, de revendications, mais aussi de projection en avant" permettant aux travailleurs d'exister, "pas individuellement, mais collectivement".