De la fin du XVIIIe siècle à nos jours : le phénomène "anti-vaccin" ne date pas d'hier

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Laure Dautriche, édité par Antoine Cuny-Le Callet
Les anti-vaccins acquièrent une audience nouvelle en cette période épidémique, pourtant la défiance vis-à-vis de la vaccination est un phénomène ancien. Europe 1 vous raconte une histoire aussi veille que celle des vaccins… celle des "antivax".

Seule arme véritablement efficace pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, le vaccin ne compte pourtant pas que des supporters. Il est aujourd'hui impossible d’ignorer le phénomène anti-vaccin. Pourtant, loin d’être une nouveauté, il serait aussi vieux que la vaccination elle-même. Voici l'histoire des "antivax".

 

La "variolisation", ancêtre du vaccin

Au début du XVIIIe siècle, époque où sévissent les épidémies de variole, le vaccin n'existe pas encore mais une technique commence à se faire connaître. Rapportée de l'Empire ottoman par une Anglaise, elle permettrait de développer des anticorps. "C'est la 'variolisation', c’est-à-dire le fait de se faire injecter volontairement une variole peu virulente pour développer une résistance immunitaire", explique Antoine Houlou-Garcia, historien des sciences et co-auteur du Théorème d'hypocrite aux éditions Albin Michel.

Mais cette découverte s’accompagne de débats virulents, notamment en France, poursuit-il : "Des gens comme d’Alembert, encyclopédiste, vont être très opposés à la 'variolisation' alors que Voltaire, par exemple, va être beaucoup plus favorable à cette technique médicale."

Les guerres mondiales changent la donne

À cette époque, contrairement à l'Angleterre, la France a plus de mal à admettre cette nouvelle manière de faire de la médecine. Lorsqu'un vaccin contre la variole est mis au point en 1796, le docteur qui l'a créé est accusé d'imposture et de cupidité par des praticiens, notamment français. Autre exemple en 1880 : le docteur Pigeon parvient à écarter la loi qui rend le vaccin obligatoire. Cette victoire entraîne même la fondation d'une Ligue internationale des anti-vaccineurs, ces derniers mettant généralement en avant l'argument financier. Enfin, le concepteur du vaccin contre la rage, Louis Pasteur, n’est pas épargné par les critiques : son institut est assimilé à une usine à virus qui fabrique des maladies.

Une prise de conscience sur vertus de la vaccination survient néanmoins lorsque la population se rend compte du nombre de vies ainsi sauvées. Le principe du vaccin est largement accepté dans les décennies qui suivent, marquées par le terrifiant bilan de 25 à 50 millions de morts de la grippe espagnole en 1918-1919. Les deux guerres mondiales participent à changer la donne : les soldats en particuliers font l’objet de larges campagnes de vaccination.

Une étude frauduleuse publiée en 1998

Mais à la fin du XXe siècle, les anti-vaccins reviennent sur le devant de la scène, avec une étude publiée en 1998 par un Anglais arguant de l’existence d’un lien entre le vaccin ROR (Rougeole-oreillons-rubéole) et l'autisme. Le sérieux de l’étude est immédiatement remis en question : "Elle est menée sur douze enfants, ce qui est très faible. Mais surtout il l'invente, dans la mesure où il recrute les enfants pour les symptômes qu'ils ont déjà", assure Antoine Houlou-Garcia. "En plus de cela, ils inventent des symptômes autistiques à certains des enfants. L'ensemble de l'étude n’est fondé sur rien."

L’auteur ne sera radié de l'Ordre des médecins et jugé que douze ans plus tard. Malgré cela, l’étude va avoir un impact colossal, motivant des campagnes de non-vaccination jusque récemment. Depuis, les oreillons ont refait leur apparition en 2009 à New York, la coqueluche en 2010, qui ont provoqué la mort de beaucoup d'enfants.