Marie-Paule Kiény  Directrice de recherche de l'Inserm et ancienne sous-directrice générale de l'OMS FABRICE COFFRINI / AFP 3:20
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Séverine Mermilliod , modifié à
Considérée par l'OMS comme le nouveau centre de la pandémie, l'Europe se barricade face à la propagation du Covid-19. Marie-Paule Kieny, Directrice de recherche de l'Inserm et spécialiste en virologie, estime au micro d'Europe 1 que les mesures prises en France sont bonnes, mais insuffisantes.
INTERVIEW

La France, qui compte désormais plus de 3661 cas de contamination au nouveau coronavirus Covid-10 et 79 morts, a pris des mesures radicales parmi lesquelles la fermeture des écoles et l'interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes. Mais alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que l'Europe est désormais le nouveau centre de la pandémie, Marie-Paule Kieny, Directrice de recherche de l'Inserm et ancienne sous-directrice générale de l'OMS, juge sur Europe 1 que ces précautions ne vont pas assez loin. "C'est très bien, mais c'est insuffisant. On se dit encore que la situation qu'on a en Italie ne peut pas arriver en France et je pense qu'on se trompe", alerte-t-elle. "Les mesures de fermeture des écoles et de soutien à l'économie, bravo. Mais il faut maintenant aller plus loin, et rapidement !"

"Si on attend, ce sera long et coûteux"

D'après la spécialiste, il faudrait accélérer les mesures de confinement, et pourquoi pas imiter nos voisins belges qui ferment déjà restaurants et cafés. "Je pense que plus vite on le fera et moins on aura besoin de le faire longtemps. Regardez la situation en Chine : si vous prenez Wuhan et la province de Hubei, où ils ont attendu - moins que nous, mais quand même - assez longtemps pour prendre des mesures drastiques, il a fallu les maintenir très longtemps".

Or d'après Marie-Paule Kieny, les autres provinces de Chine qui ont vite instauré des mesures significatives n'ont pas connu le même nombre de cas et de morts. "Cela veut dire que plus vite on le fait, moins c'est douloureux. Si on attend, ce sera long et coûteux du point de vue de la santé et du nombre de morts".

Risque d'engorgement du système médical

Selon elle en effet, "on ne voit que le sommet de l'iceberg" de l'épidémie française puisque l'on est dans une phase exponentielle et que les cas d'infections rapportés sont inférieurs aux cas réels. "Si vous faites une étude du nombre de cas, même d'épidémiologiste de salon : les cas que l'on détecte maintenant - qui sont largement inférieurs à ce que sont les cas réels car on ne teste plus les gens -, ce sont des gens qui ont été infectés potentiellement il y a deux semaines. Or on a une épidémie en France dont le nombre de cas double tous les deux ou trois jours; donc ce qu'on compte aujourd'hui est inférieur au nombre de gens déjà infectés. [...] Si l'on ne fait rien, on continuera sur cette pente et on réussira très rapidement à engorger complètement le système médical".

D'après elle, la situation actuelle fait écho à "ce qui s'est déroulé en janvier en Chine et ce qui s'est passé en Italie il y a une dizaine de jours" et l'on doit se préparer à un tel scénario. "Il faut sûrement avoir peur, mais il ne faut surtout pas paniquer. Cela ne sert à rien de se précipiter dans les magasins, on ne va pas manquer de farine. Mais il faut suivre les règles d'hygiène, être raisonnable, se protéger et protéger les autres."