Le Directeur général de la Santé est accusé d'avoir tenté de faire pression sur des experts. 8:29
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Océane Herrero , modifié à
A l'origine d'un rapport sur les préparatifs de la France face à une éventuelle épidémie grippale, Jean-Paul Stahl y préconisait de constituer un stock d'un milliard de masques. Il dément avoir reçu des pressions de Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, pour le modifier : "le rapport tel que publié reflète à 100% nos conclusions", explique-t-il sur Europe 1.
INTERVIEW

Jean-Paul Stahl, professeur émérite d’infectiologie à l’université de Grenoble, a été l'auteur d'un rapport d'experts en 2018 visant à évaluer la préparation de la France face à une éventuelle épidémie grippale comme celle du coronavirus. Il y indiquait qu'un stock d'un milliard de masques était souhaitable. L'intéressé dément avoir reçu des pressions de Jérôme Salomon, directeur général de la Santé concernant ses préconisations concernant les stocks de masques.

"Le rapport tel que publié reflète à 100% nos conclusions", explique-t-il au micro d'Europe 1 ce vendredi. La commission d'enquête du Sénat soupçonne pourtant des tentatives de modification. "L’analyse de courriels échangés entre la direction générale de la santé et Santé publique France atteste d’une pression directe de Jerôme Salomon sur l’agence afin qu’elle modifie la formulation des recommandations de ce rapport avant sa publication au grand public", indique ainsi le rapport sénatorial.

Une commande de masques a minima

Dans la première version du rapport, Jean-Paul Stahl évoque un "stock" d'un milliard de masques. Or dans la version rendue publique en 2019, on parle plutôt d'un "besoin". Jérôme Salomon a ainsi pu s'appuyer sur ce rapport pour justifier sa commande de 50 millions de masques, une commande a minima alors que 600 millions d'unités sont déclarées non conformes en 2018.

Une décision que Jean-Paul Stahl ne trouve "pas scandaleuse", dans la mesure où, selon lui, prévoir d'importants stocks de masques signifie prendre le risque qu'ils arrivent à péremption sans avoir été mobilisés dans le cadre d'une nouvelle épidémie, par essence imprévisible. Mais selon le rapport du Sénat, le numéro 2 du ministère de la Santé Jérôme Salomon n'aurait pas informé la ministre de la Santé de l'époque, Agnès Buzyn, du montant - faible - de sa commande.

Un rapport non caviardé pour Jean-Paul Stahl

Dans les échanges de mails épinglés par la commission sénatoriale, la Direction générale indique notamment à Santé Publique France : "Je souhaite éviter de nous mettre en situation de prendre des décisions (...) qui pourraient nous mettre en difficultés collectivement, y compris sur le plan budgétaire". Jean-Paul Stahl indique qu'il s'agit d'un "rapport normal de discussion pour avoir le maximum d'éclairages. Ce n'est pas quelque chose qui me choquerait fondamentalement".

Autant d'informations contenues dans un rapport sénatorial de 400 pages que Jean-Paul Stahl indique ne pas avoir lu, ajoutant : "s'il y a eu une tentative de modification, c'est un échec cuisant", car les préconisations finales sont selon lui conformes à sa pensée. L'expert souligne également la frilosité des gouvernants à constituer des stocks conséquents de matériel médical : "On avait vilipendé Roselyne Bachelot car elle avait commandé trop de vaccins (contre la grippe H1N1, en 2009). Il y a une forme d'incohérence".