Un retour de François Hollande, bonne ou mauvaise nouvelle pour le PS ?

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À Arles, le 21 juillet, François Hollande était publiquement réapparu pour une conférence. © BERTRAND LANGLOIS / AFP
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Romain David , modifié à
L'ancien président de la République est sorti de son silence médiatique pour rappeler qu'il n'avait pas quitté la politique. Des déclarations qui sont loin de soulever l'enthousiasme à Solférino.

Son silence aura été de courte durée. "J'avais dit que je ne me retirerai pas de la vie politique", a rappelé mercredi soir François Hollande, à l'occasion d'un entretien à TV5 Monde, moins de quatre mois après son départ de l'Élysée. L'ancien chef de l'État en a profité pour glisser un avertissement à son successeur. Alors que la situation économique de la France s'améliore, il a invité Emmanuel Macron à ne pas "prendre des décisions qui viendraient contrarier cette tendance". La veille déjà, il avait exhorté le nouveau pouvoir à "ne pas demander aux Français des sacrifices qui ne sont pas utiles", tandis que la réforme du code du Travail entre dans sa dernière ligne droite.

Ce retour médiatique n'a rien d'anodin - même si l'intéressé se défend de toute "passion politique" - quand le Parti socialiste, balayé par une défaite historique aux législatives et largement vampirisé par En Marche!, devrait consacrer sa rentrée à la préparation d'un congrès de refondation annoncé pour début 2018. Les proches de l'ancien président auraient même prévu de se retrouver hebdomadairement rapporte Le Figaro, qui évoque une possible candidature de Stéphane Le Foll, éternel "grognard" de la Hollandie. Ce qui pourrait être vu comme une tentative de l'ancien président pour reprendre la main sur un parti qu'il a dirigé pendant onze ans. "Il veut reconstruire le parti pour qu'il puisse mieux répondre aux attentes des Français", va même jusqu'à se féliciter, toujours dans les colonnes du Figaro, l'ex-secrétaire d'État Martine Pinville.

"Il n'y a pas que François Hollande"

François Hollande, qui a tenu les rênes de la maison socialiste de 1997 à 2008, est un fin connaisseur des appareils politiques. Il pourrait, comme l'ont déjà montré les quelques piques envoyées, représenter un contrepoids de taille à Emmanuel Macron, son ancien protégé, alors même que le PS peine à trouver sa place au sein d'une opposition largement polarisée par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. "Son prestige me semble toutefois bien écorné. Se refaire une virginité en politique, ça prend du temps", nuance pourtant auprès d'Europe1.fr le politologue Pierre Bréchon, professeur émérite à Science Po Grenoble.

Dans les couloirs de Solférino, on doute même sérieusement d'un retour de l'ancien président sur le devant de la scène. "Nous ne sommes pas dans la tradition du messianisme au PS, mais il est normal qu'un ancien Premier secrétaire, vainqueur de la primaire de 2011 et ancien président de la République, reçoive une appréciation favorable", estime auprès d'Europe 1 le porte-parole du parti Rachid Temal, qui a intégré début juillet la direction collégiale provisoire du PS. Une direction dont il veut aussitôt défendre le rôle : "Il n'y a pas que François Hollande. Nous avons aussi notre capacité propre à prendre des décisions fortes". Selon l'élu du Val-d'Oise, "la reconstruction du PS passe par la défense de ce qui a été fait de bien pendant le quinquennat, mais aussi de ce que l'on regrette". Un important travail d'introspection est donc à mener, travail qu'il n'imagine pas être piloté par le premier responsable du bilan : "C'est un gros chantier, à faire sans tabou !"

Même son de cloche du côté d'Olivier Faure, président du groupe Nouvelle gauche (PS) à l'Assemblée nationale, qui a estimé jeudi, au micro de Franceinfo, qu'il n'appartenait à personne de "préempter la renaissance" du PS. "J'apprécie les rappels utiles que fait le président de la République sortant mais en même temps, il ne faut pas considérer qu'il occupe à lui seul l'espace politique qui est celui de la gauche aujourd'hui", a déclaré le député de Seine-et-Marne, qui appartient lui-aussi à la nouvelle direction. Plus catégorique encore, l'ancien frondeur Emmanuel Maurel, contacté par Europe 1.fr, souhaite carrément tourner la page des dernières années. "Je n'ai pas le sentiment qu'il manque beaucoup aux Français, et je ne pense pas que ce soit quelque chose de souhaitable et de souhaité", tacle-t-il, se montrant peu amène avec le "bilan très contrasté" de François Hollande. "Retourner dans l'arène aussi vite, sans examen sur soi-même… Il aurait mieux valu qu'il garde son silence", conclut-t-il.

Un "homme de l'ombre" ?

Mais pour Pierre Bréchon, c'est précisément la défense du bilan qui a pu pousser l'ancien locataire de l'Élysée à s'exprimer. "François Hollande a un aspect très mitterrandien. Il pense à l'histoire", estime le politologue. "Il a dit qu'il ne chercherait pas à défendre son action mais c'est précisément ce qu'il fait. Il a envie de peser sur la recomposition de la gauche, d'avoir un certain impact sur l'avenir de sa famille politique". Pour autant, Pierre Bréchon ne croit pas que l'ex-chef de l'Etat, qui a atteint des records d'impopularité dans les derniers mois de son mandat, puisse parvenir à se réimposer face aux élus et aux militants. "Je l'imagine plus en homme de l'ombre. François Hollande a été une voix de synthèse, souvent critiquée pour son manque de conviction, mais on peut l'imaginer comme une sorte de père qui chapeaute de loin le canal historique du PS, c'est à dire ceux qui ne sont ni dans l'aile gauche, ni dans une attitude constructive vis-à-vis d'Emmanuel Macron."

Ce spécialiste évacue ainsi l'hypothèse d'un retour à la manière de Nicolas Sarkozy qui, en 2014, s'imposait à la tête d'une UMP minée par les crises internes pour refonder la droite. Rachid Temal abonde : "J'ai du mal à croire que François Hollande veuille connaitre le même destin, c'est à dire passer de président de la République à patron de parti comme Nicolas Sarkozy." Et Emmanuel Maurel de conclure, presqu'en guise d'avertissement : "Ça ne lui a pas porté chance !"