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Quatre Premiers ministres, dissolution, censure... 2024, une année politique historique

Philippe Folgado . 6 min
Matignon n'avait jamais connu autant de locataires sous la Ve République qu'en cette année 2024.
Matignon n'avait jamais connu autant de locataires sous la Ve République qu'en cette année 2024. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Alors que 2025 approche à grands pas, 2024 a été une année riche en retournement dans la sphère politique française. Entre les échéances électorales, la dissolution, quatre différents locataires à Matignon et la motion de censure, ces 12 derniers mois ont été historiques à bien des égards.

Souvenez-vous du 31 décembre 2023. Dans ses vœux adressés aux Français pour l'année 2024, Emmanuel Macron disait vouloir "agir, agir encore, dans l'intérêt de la Nation" et Élisabeth Borne, encore Première ministre, passait le réveillon en Guyane après l'adoption de la loi immigration. Presque 12 mois après, les choses ont bien changé dans le monde politique français.

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8 janvier 2024, Élisabeth Borne présente sa démission 

Premier changement dans la sphère politique, après presque 20 mois à Matignon, Élisabeth Borne remet la démission de son gouvernement au président de la République qui l'accepte. Une démission qui sera officialisée le lendemain par un décret publié au Journal officiel le 10 janvier. Deuxième femme à occuper ce poste (après Édith Cresson entre 1991 et 1992), elle sera chargée de faire passer la réforme des retraites qui place l'âge de départ à 64 ans. Elle utilisera à 23 reprises l'article 49.3 de la Constitution, un record seulement battu par Michel Rocard (28 fois). 

Élisabeth Borne et Gabriel Attal lors de la première passation de pouvoir de l'année 2024.
Élisabeth Borne et Gabriel Attal lors de la première passation de pouvoir de l'année 2024. © Andrea Savorani Neri / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Emmanuel Macron nomme Gabriel Attal à Matignon pour lui succéder, le 9 janvier. À 34 ans, il devient le plus jeune Premier ministre de l'histoire de la Ve République, détrônant Laurent Fabius (37 ans, en 1984 lors du premier septennat de François Mitterrand). En tant que Premier ministre, Gabriel Attal fait face au mouvement de contestation des agriculteurs et la crise en Nouvelle-Calédonie. Il s'engage et soutient la tête de liste du camp présidentiel pour les élections européennes, Valérie Hayer.

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Le 9 juin, une défaite cinglante et une dissolution surprise 

Les 8 et 9 juin 2024, les Français sont appelés aux urnes pour élire les 82 députés que compte la France au Parlement européen. La liste du Rassemblement national, menée par Jordan Bardella, sort largement vainqueur de ce scrutin, recueillant 31% des suffrages, devant la liste du camp présidentiel avec moins de 15% des voix. A 20 heures, le président du RN estime que ce résultat est "un désaveu cinglant et un rejet clair de la politique conduite par Emmanuel Macron" et appelle le président à de "nouvelles élections législatives".

À 21 heures, le chef de l'État prononce une allocution dans laquelle il indique vouloir "redonner le choix de notre avenir parlementaire, par le vote". Et prend donc la décision de dissoudre l'Assemblée nationale. Des élections législatives anticipées auront lieu les 30 juin et 7 juillet.

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Emmanuel Macron annonce la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin 2024.
Emmanuel Macron annonce la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin 2024. © Louai Barakat / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Des législatives anticipées à rebondissement 

49 millions d'électeurs sont de nouveau appelés aux urnes pour élire les 577 députés de l'Assemblée nationale. Le RN obtient 29,25% des suffrages avec une projection entre 250 et 300 sièges si l'on comptait ses alliés. Le Nouveau Front populaire, l'alliance des partis de gauche formée le 13 juin, est arrivée deuxième avec presque 28% des voix. Le parti présidentiel, Ensemble !, est troisième avec 20%. 

Pour le second tour, le NFP et Ensemble font barrage contre le RN. Une stratégie payante puisqu'au soir du second tour, c'est la surprise, le NFP sort en tête avec plus de 180 députés, le camp présidentiel obtient 163 sièges. Déception du côté du RN malgré un résultat historique pour le parti de Marine Le Pen qui obtient 143 députés en comptant ses alliés. Aucun groupe ou parti n'obtient les 289 sièges nécessaires pour obtenir la majorité absolue, ni une majorité relative. La tâche s'annonce difficile pour le prochain locataire de Matignon. Gabriel Attal remet sa démission et celle de son gouvernement le 8 juillet. Il est resté en place un peu moins de huit mois, sa primature n'aura abouti à aucune réforme ou mesure phare.

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Entre JO et consultations, Emmanuel Macron hésite pendant 60 jours

Emmanuel Macron n'accepte la démission de son Premier ministre que le 16 juillet. Une semaine auparavant, le chef de l'État avait appelé les "forces politiques républicaines" à "bâtir une majorité solide" pour gouverner le pays. Des déclarations qui avaient scandalisé le NFP qui revendiquait Matignon, étant la première force à l'Assemblée. Le 23 juillet, l'alliance des partis de gauche présente sa candidate pour le poste de Premier ministre : Lucie Castets, une haute-fonctionnaire, engagée dans la défense des services publiques. 

Peu avant les Jeux olympiques (du 26 juillet au 11 août), Emmanuel Macron prononce une trêve politique. Gabriel Attal dirige les affaires courantes avec son gouvernement démissionnaire. Emmanuel Macron lance de grandes consultations avec les différentes forces politiques qui composent le Parlement à partir du 23 août. Le 26, il écarte la possibilité d'un gouvernement dirigé par Lucie Castets et le NFP. 

Gabriel Attal et Michel Barnier lors de la passation de pouvoirs en septembre 2024.
Gabriel Attal et Michel Barnier lors de la passation de pouvoirs en septembre 2024. © Sarah Meyssonnier / POOL / AFP

Plusieurs noms circulent pour Matignon, comme l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France. C'est finalement le 5 septembre que le chef de l'État dévoile son choix : Michel Barnier, 73 ans et ancien ministre sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, mais aussi ancien commissaire européen.  

21 septembre, le gouvernement Barnier dévoilé 

Le troisième locataire de Matignon en 2024 présente son gouvernement à Emmanuel Macron le 21 septembre 2024 après plusieurs semaines de négociations. 39 personnalités composent ce gouvernement. Bruno Retailleau est nommé ministre de l'Intérieur. Seule personnalité de gauche, Didier Migaud est nommé au ministère de la Justice. 

Le Premier ministre souhaite faire de la "santé" une priorité nationale. Mais l'exécutif est sous la surveillance du Rassemblement national qui peut joindre ses voix à tout moment avec le Nouveau Front populaire pour faire tomber le gouvernement Barnier avec une motion de censure. Le projet de Budget 2025 va devenir une priorité pour le pays, la dette et le déficit ne faisant qu'augmenter. 

Michel Barnier dit vouloir faire 60 milliards d'économies, augmenter certains impôts. Les négociations sont rudes pour celui qui était à la manœuvre pour la sortie du Royaume-Uni de l'Europe, notamment avec le RN. Un échec dans les discussions qui va provoquer sa chute. 

 4 décembre, Michel Barnier est renversé 

Michel Barnier est contraint d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution, et donc d'engager la responsabilité de son gouvernement, pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale pour l'année 2025. Un 49.3 qui déclenche le dépôt de deux motions de censure, une du NFP et l'autre du RN qui sont débattues le 4 décembre à l'Assemblée nationale. 

Michel Barnier prend une dernière fois la parole dans l'Hémicycle. Un discours durant lequel il reprendra les mots de Saint-Exupéry : "Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable". Il réaffirmera également que ce fut "un honneur d'avoir servi avec dignité la France et les Français". Une forme d'adieu.

331 députés votent en faveur de cette motion de censure. Pour la deuxième fois seulement de l'histoire de la Ve République, un gouvernement tombe, une première depuis le 5 octobre 1962 et le gouvernement de Georges Pompidou. Le lendemain du vote, Michel Barnier devient à son tour Premier ministre démissionnaire après avoir remis sa démission à Emmanuel Macron, qui est contraint de l'accepter. Le chef de l'État doit trouver un nouveau chef de gouvernement, le quatrième de l'année. 

13 décembre, le jour de gloire de François Bayrou 

Plusieurs noms circulent pour prendre Matignon, celui de Bernard Cazeneuve par exemple, mais c'est finalement François Bayrou qui "tient la corde" pendant plusieurs jours, avant une autre hypothèse, celle de Roland Lescure. Mais le nom du ministre démissionnaire des Armées, Sébastien Lecornu, apparaît également. Le 13 décembre, dans la matinée, le président du MoDem est reçu à l'Élysée. S'ensuit un entretien de deux heures durant lequel le chef de l'État aurait annoncé son intention de nommer Sébastien Lecornu. 

En colère, François Bayrou menace de quitter le socle commun, selon une fidèle du président. Emmanuel Macron nomme finalement à la mi-journée celui qui lui avait apporté son soutien lors de la présidentielle de 2017. Lors de la passation de pouvoir avec Michel Barnier, le maire de Pau affirme que "nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation".

Le nouveau Premier ministre reçoit les différents partis politiques, sauf le RN et LFI, dans le but de constituer son équipe gouvernemental. Un gouvernement qui sera finalement annoncé le 23 décembre, "avant Noël", comme l'avait voulu François Bayrou. Deux anciens locataires de Matignon font leur retour aux affaires : Élisabeth Borne à l'Éducation nationale et Manuel Valls aux Outre-mer. 

Un gouvernement qui ne plaît pas aux partis de l'opposition qui menace déjà de censurer François Bayrou, mais le Premier ministre l'avait dit lui-même, il est devant un "Himalaya de difficultés". L'année 2024 se referme, 2025 s'annonce tout aussi compliquée pour l'actuel locataire de Matignon.