Premier test de la rue pour Emmanuel Macron

Emmanuel Macron se montre ferme face à la grogne sociale, au risque de braquer.
Emmanuel Macron se montre ferme face à la grogne sociale, au risque de braquer. © Ludovic MARIN / POOL / AFP
  • Copié
avec A.H.
Macron sera confronté, mardi, à la première grande manifestation syndicale de son quinquennat, contre la réforme du Code du travail. Le gouvernement affiche de la fermeté et use d'une communication peu propice à l'apaisement.

"Les manifestations, c'est normal. C'est le signe qu'on bouge les choses." À Matignon, on ne s'inquiète pas outre mesure de la mobilisation prévue mardi contre les ordonnances visant à réformer le Code du travail. Certes, ce sera la première fois depuis le début du quinquennat que l'exécutif est face à une grogne sociale d'ampleur, avec des défilés prévus un peu partout en France à l'appel de la CGT, Solidaires, la FSU et l'Unef. Mais dans les ministères comme à l'Élysée, on se prépare à laisser passer l'orage sans céder un pouce de terrain. "Ce n'est pas un sujet d'inquiétude", affirme une ministre à Europe 1. "La manifestation, c'est de la simple résistance au changement."

"Tout avait été annoncé". Si l'exécutif affiche sa sérénité avant le jour J, c'est parce que selon lui, cette réforme n'est que l'application du programme d'Emmanuel Macron. "Tout avait été annoncé avant l'élection présidentielle par le chef de l'État, puis avant les législatives", a rappelé le Premier ministre, Edouard Philippe, dans un entretien à Sud-ouest. Pas de quoi surprendre ses électeurs, pas de quoi se les aliéner, bien au contraire. "Les électeurs [de Macron] ne comprendraient pas qu'on recule", glisse un conseiller. Le premier pari du gouvernement est donc celui-ci : les manifestants ne seront "que" les opposants de toujours au président.

Vers une manifestation a minima ? Le second, c'est qu'ils ne seront pas nombreux. Les syndicats n'ont en effet pas réussi à former un front uni. Ni FO, ni la CFDT n'ont appelé à descendre dans la rue. L'exécutif anticipe donc des rangs clairsemés. Il a d'ailleurs tout fait pour que cela se produise, en négociant en parallèle avec FO et la CFDT pour s'assurer de leur neutralité, comme l'a rapporté Le Canard Enchaîné du 6 septembre. "Les échos que l'on a laissent penser que la mobilisation sera plutôt limitée", estime l'entourage d'Edouard Philippe dans les colonnes du Monde. Mais Matignon refuse de crier victoire trop tôt pour autant. "Les forces en présence auront sans doute à cœur de marquer les esprits."

" Ce n'est pas un sujet d'inquiétude. La manifestation, c'est de la simple résistance au changement. "

"Fainéants". Prudence, en effet, car plusieurs fédérations FO comptent bien passer outre la consigne de leur leader, Jean-Claude Mailly, et se joindre aux défilés. En outre, le climat s'est singulièrement tendu depuis que l'exécutif donne dans la communication offensive. Tout a commencé avec le discours d'Emmanuel Macron à Athènes, vendredi soir. "Je ne cèderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes", a lancé le chef de l'État. Une attitude très Juppé 1995, "droit dans [ses] bottes", mais peu propice à l'apaisement. "Macron n'aime pas les Français", a immédiatement réagi Jean-Luc Mélenchon, qui organise avec la France Insoumise une deuxième manifestation le 23 septembre. "De qui parle le président lorsqu'il dit qu'il ne cèdera rien aux fainéants ? De ces millions de privés d'emplois et de précaires ?" s'est indigné de son côté le leader de la CGT, Philippe Martinez.

"Passions tristes" et "névrose". Tout le week-end, l'exécutif a sorti les rames pour minimiser cette déclaration jugée insultante. "Le président de la République a parlé de ceux qui n'ont pas eu le courage de faire les réformes nécessaires", a expliqué le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, sur Europe 1 dimanche. "Il a parlé des trente dernières années : François Hollande, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac ont su réformer sur certains sujets mais n'ont jamais été assez loin, parce qu'il fallait du courage, prendre un risque."

"Mépris" et "violence sociale". Des arguments qui ont bien du mal à convaincre, d'autant que le gouvernement donne toujours dans les phrases assassines vis-à-vis des potentiels manifestants. Interrogé sur France Inter lundi matin, le secrétaire d'État à Bercy Benjamin Griveaux a fustigé les "passions tristes" d'une partie des Français. "Je les laisse à leur névrose. J'imagine qu'ils seront dans la rue avec Jean-Luc Mélenchon le 23" septembre.

Si l'exécutif assume pleinement ces coups de menton, qui ont aussi été la marque de fabrique d'Emmanuel Macron, ses adversaires l'ont mis en garde à plusieurs reprises : ce "mépris" (le mot est du socialiste Olivier Faure) pourrait bien produire de la "violence sociale" (celui-ci est de Benoît Hamon). Le gouvernement n'a pourtant pas besoin de ça, lui qui n'est qu'au début d'un quinquennat et promet de continuer de réformer à tour de bras. Assurance-chômage, retraites, formation professionnelle…bien d'autres sujets pourraient engendrer des mouvements sociaux dans les mois qui viennent.