Pourquoi il n'y aura pas de vague macroniste au Sénat

Emmanuel Macron ne table pas sur plus de 50 élus lors des prochaines élections sénatoriales.
Emmanuel Macron ne table pas sur plus de 50 élus lors des prochaines élections sénatoriales. © Ludovic MARIN / POOL / AFP
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Le mode de scrutin, couplé aux premières politiques d'Emmanuel Macron, permettent d'expliquer pourquoi la REM a revu ses prétentions à la baisse pour les élections sénatoriales.
ON DÉCRYPTE

"Nous ne nous attendons pas à un raz-de-marée." Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, l'a reconnu sur BFM TV le 27 août dernier : la République en marche! n'anticipe pas le même succès pour les élections sénatoriales que pour les législatives et la présidentielle. Actuellement, 29 sénateurs se sont ralliés à Emmanuel Macron, sous la férule de François Patriat, élu de Côte-d'Or. Et les deux-tiers ne se représentent pas ou remettent leur siège en jeu le 24 septembre prochain. Les chances pour que les bancs de la Haute Assemblée se couvrent de macronistes sont faibles, tant pour des questions de système électoral pur que de politiques mises en place.

Un collège électoral plutôt de droite. Le mode de scrutin joue en effet beaucoup. Les élections sénatoriales sont à suffrage indirect. Les votants sont des "grands électeurs" : parlementaires pour 5% d'entre eux, délégués de conseils municipaux, départementaux et régionaux pour 95%. Un collège électoral classé plutôt à droite, après les victoires de l'UMP, puis LR, aux dernières élections locales.

 

Or, la REM a choisi, pour ces élections sénatoriales, de suivre une stratégie inverse à celle adoptée pour les législatives. Ce ne sont pas des inconnus issus de la société civile qui vont se présenter sur ses listes, mais bien des barons locaux, conseillers départementaux ou régionaux, maires ou présidents de communauté de communes. Indispensable pour convaincre des "grands électeurs" peu sensibles aux arguments en faveur du renouvellement. Mais pour l'instant, les sénateurs qui ont rejoint le parti d'Emmanuel Macron sont pour la plupart, à l'instar de François Patriat, issus des rangs socialistes. Les éminences locales choisies le sont aussi, avec quelques centristes et des LR modérés. Un collège électoral de droite n'avantage donc pas vraiment la REM.

Vers un vote sanction ? Par ailleurs, les élus locaux qui composent ce collège électoral ont bien des raisons de ne pas voter pour le parti d'Emmanuel Macron. Depuis le début de son quinquennat, celui-ci a multiplié les annonces défavorables aux collectivités locales. Dès la campagne présidentielle, la promesse de la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des foyers avait fait bondir les communes. Par la suite, le chef de l'État avait tenté de faire oublier les 13 milliards d'euros d'économies réclamées sur le quinquennat aux collectivités en participant à la Conférence des territoires, mi-juillet. L'annonce, trois jours plus tard, de la suppression de 300 millions d'euros de dotations dès 2017 avait annihilé tous ces efforts.

" Sur le terrain, ça secoue. Et ça a rarement secoué aussi fort au bout de trois mois. "

Le vote, dans le projet de loi confiance, de la suppression de la réserve parlementaire, n'a pas amélioré les relations entre la droite parlementaire et la REM. Et la réduction drastique des contrats aidés dès la rentrée a mis le feu aux poudres. Confrontés à des cantines scolaires qui ne peuvent pas fonctionner ou des bibliothèques qui n'ouvriront pas, les élus locaux sont vent debout. "Sur le terrain, ça secoue", affirme un député LR qui revient de sa circonscription. "Et ça a rarement secoué aussi fort au bout de trois mois." La REM risque donc un vote sanction lors de ces sénatoriales.

Pas de majorité au Congrès. Officiellement, l'objectif du parti d'Emmanuel Macron est de faire élire 50 sénateurs, et de devenir ainsi le deuxième groupe au Sénat derrière la droite, qui occupe aujourd'hui 142 sièges. Mais même s'il y parvient, cela reste insuffisant pour remporter le véritable pari de ces élections sénatoriales : rassembler les trois cinquièmes des parlementaires dans les deux chambres, soit 555 élus. Une telle majorité aurait en effet permis à Emmanuel Macron de faire passer sans encombre des réformes constitutionnelles, ce qui nécessite l'approbation de la majorité qualifiée du Parlement réuni en Congrès. Telles que les choses se présentent, le Sénat est bien parti pour rester majoritairement à droite et continuer de jouer son rôle de contre-pouvoir.