Pour Jean-Guy Talamoni, le nouveau statut de la Corse "est très insuffisant"

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Le président de la nouvelle assemblée corse réclame notamment un statut d'officialisation pour la langue corse et une loi d'amnistie pour les prisonniers "politiques".
INTERVIEW

Ils ont pris les rênes de l'île. Depuis mardi, l'alliance nationaliste est à la tête de la nouvelle collectivité corse. Mais les relations avec Paris s'annoncent tendues, dans la mesure où les nouveaux responsables locaux réclament déjà un nouveau statut pour l'île, avec des compétences élargies. "Nos responsabilités sont considérables vis-à-vis des Corses, qui nous ont fait confiance sur la base d'un projet très clair et qui nous impose des discussions pour aller plus loin si nous ne voulons pas trahir notre mandat", explique Jean-Guy Talamoni, le président de la nouvelle assemblée, invité mercredi de la matinale d'Europe 1.

"Nous sommes entravés". "Il faut que nous discutions pour avoir un autre statut. Le statut actuel, celui qui existe depuis quelques heures, est seulement la fusion des trois collectivités qui existent mais nous n'avons pas de compétences en plus au bénéfice de la Corse […] c'est très insuffisant par rapport à ce dont nous avons besoin pour gouverner de façon correcte les affaires de la Corse", assure l'élu. "Nous en avons besoin parce que dans différents domaines nous sommes entravés par des dispositifs juridiques qui ne correspondent pas à la réalité de la Corse".

Reconnaissance de la langue corse et amnistie. Dans la liste des revendications des nationalistes, figure notamment une officialisation de la langue corse, ce qui lui donnerait, sur l'île, un statut égal à celui du français. "La langue, c'est la culture, le droit pour nous de faire en sorte qu'elle ne disparaisse pas. Il y a des études scientifiques qui disent très clairement qu'à défaut d'un statut d'officialité notre langue va disparaître, nous ne pouvons pas accepter que cette part de nous-même disparaisse", plaide Jean-Guy Talamoni qui, mardi, a prononcé son discours d'investiture en langue corse.

Le responsable réclame également une loi d'amnistie pour les prisonniers corses. "La question des prisonniers doit être traitée prioritairement, ce serait une manière d'envoyer un signal positif, déjà que de rapprocher les prisonniers en Corse, comme la loi le permet. Ce serait un début et puis l'amnistie doit suivre. Dans tous les pays du monde, lorsqu'un conflit sous la forme que nous avons connu est terminé, on tourne la page sous la forme d'une loi d'amnistie", assure-t-il.

"Consolider la paix". "Il reste à engager de vraies discussions entre la Corse et Paris, pour faire avancer la Corse et aussi les affaires de la France. Le fait d'avoir cet abcès de fixation en Corse depuis quatre décennies a handicapé d'une certaine manière, à certaines périodes, les gouvernements successifs en France. La question corse a été quelque chose de pesant à certaines périodes", veut encore rappeler Jean-Guy Talamoni. "Il faut maintenant consolider la paix et faire en sorte que la période de conflit soit derrière nous".

Entendu sur europe1 :
Il y a eu un certain nombre de drames qui sont dus directement à l'Etat

Hommage au préfet Erignac. Mais alors qu'Emmanuel Macron se rendra en Corse le 8 février, pour inaugurer un monument à la mémoire du préfet Claude Erignac, vingt ans après son assassinat, Jean-Guy Talamoni a prévu de bouder ce rendez-vous. L'élu, qui avait déjà fait de même lors des précédentes cérémonies du genre, estime en effet que son parcours personnel et politique rendrait sa présence embarrassante pour les proches du défunt (il a été l'avocat des membres du FLNC, ndlr). "Je n'y serai pas […] parce que mon parcours est différent de celui du président du Conseil exécutif. J'ai toujours, pour ma part, été solidaire de la clandestinité", explique Jean-Guy Talamoni. "Vingt ans après, nous avons un certain nombre de drames qui ont émaillé la Corse, la mort du préfet Erignac est l'un de ces drames. Pour ma part, je l'avais déjà dit, mon absence ne doit pas être interprétée comme une marque de désintérêt ou de mépris à l'égard de la douleur d'une famille mais, au contraire, comme une marque de respect, parce que je ne crois pas que la famille Erignac serait très heureuse de me voir à une telle cérémonie".

"Il faut travailler à renforcer la paix, à cette réconciliation symbolique, à la reconnaissance des drames qui ont eu lieu des deux côtés, […] il y a eu un certain nombre de drames qui sont dus directement à l'Etat", estime encore Jean-Guy Talamoni, qui conclut : "Les drames qui ont émaillé l'histoire de notre peuple doivent être pris en compte".