Lutte contre le terrorisme : le gouvernement veut aller plus loin

Mardi, le gouvernement a tenu son Conseil de Défense hebdomadaire, quelques heures après l'attentat de Manchester.
Mardi, le gouvernement a tenu son Conseil de Défense hebdomadaire, quelques heures après l'attentat de Manchester. © Christope Petit Tesson / POOL / AFP
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R.Da. , modifié à
En réaction à l'attentat de Manchester, le Parlement va être saisi pour voter une prolongation de l'Etat d'urgence jusqu'au 1er novembre.

Face au risque terroriste, l'exécutif multiplie les annonces. L'attentat qui a frappé Manchester lundi soir fait écho à l'attaque du Bataclan, et à la menace qui pèse toujours sur la France. Mardi, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a envoyé une circulaire aux préfets, les invitant à coordonner avec les organisateurs d’événements sportifs et culturels les dispositifs de sécurisation. Pour autant, pas question de procéder à des annulations. "Ce serait faire un formidable cadeau aux terroristes qui atteignent notre façon de vivre, notre liberté de vivre. Donc, il ne faut pas leur céder", a fait valoir sur Europe 1 Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement.

Alors que la France vit sous l'état d'urgence depuis le 13 novembre 2015 et que l'opération Sentinelle mobilise au quotidien 7.500 militaires sur le territoire national, avec une réserve de 3.000 hommes, il est difficile pour l'exécutif de dégager de nouvelles marges de manœuvre en terme de sécurité. Pourtant, mercredi, le gouvernement indique vouloir aller plus loin. À l'issue d'un Conseil de Défense, la présidence a annoncé la mise en place d'une nouvelle série de mesures, pour la plupart reprises du programme d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle.

Prolongation de l'Etat d'urgence. Prolongé pour la cinquième fois en décembre, afin de garantir un niveau de sécurité élevé pendant l'élection présidentielle et les législatives, l'état d'urgence court jusqu'au 15 juillet. Emmanuel Macron avait promis d'engager au début de l'été un débat parlementaire sur une éventuelle nouvelle prolongation. "Nous ne pouvons pas vivre en permanence dans un régime d'exception", écrivait-il dans Révolution. Mercredi, à l'issue du conseil de Défense, l'exécutif semble avoir tranché : le Parlement sera saisi en vue d'une prolongation jusqu'au 1er novembre 2017.

" D'un point de vue politique, c'était absolument inévitable "

"D'un point de vue politique, c'était absolument inévitable", relève au micro d'Europe Midi Thibaut de Montbrial, président du Centre de réflexion sur la sécurité intérieure, à propos d'une prolongation voulue, selon lui, moins pour des raisons d'efficacité que pour ne pas donner l'impression que l'Etat baisse la garde. "Aujourd'hui, c'est plus une question de communication politique. On a vu l'émotion qui submerge l'Europe à chaque attentat. […] Dans ces conditions ça me semblait quasiment invendable, de la part d'un nouveau gouvernement, d'expliquer qu'il fallait lever l'état d'urgence". 

Une "Task Force" pour optimiser le renseignement. C'était l'une des mesures du programme du candidat Emmanuel Macron : la création d'une "Task Force" destinée à lutter contre Daech et Al-Qaida, soit un service de coordinations des renseignements auprès du président de la République, actif 7 jours sur 7 et 24h/24. Mercredi, le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a insisté au micro d'Europe 1 sur la nécessité de mettre en place rapidement ce dispositif : "Elle doit être mobilisée le plus vite possible pour être efficace le plus vite possible". L'objectif : garantir une meilleure prévention du risque terroriste en faisant converger les informations récoltées par les six services français de renseignement (DGSE, DGSI, TRACFIN, Direction du renseignement militaire, Direction de la protection et de la sécurité de la Défense, Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières).

"  Il ne faut pas multiplier non plus les instances "

"Ce que nous voulons, ce n'est pas nécessairement un grand service mais 50 personnes qui, 24 heures sur 24 puissent recentrer la totalité du renseignement qui remonte de différentes sources en France", a encore détaillé le ministre chargé des Relations avec le Parlement. L'organisation de ce centre de coordination doit être arrêtée par le Conseil de Défense avec l'aval du président de la République d'ici le 7 juin, date du dernier Conseil des ministres avant le premier tour des législatives.

"Tout ce qui renforce la centralité, la coordination des services de renseignement intérieurs et extérieurs, va évidemment dans le bon sens", a réagi sur France 2 l'ancien Premier ministre Manuel Valls, estimant néanmoins que le Conseil de Défense hebdomadaire permet déjà de coordonner les actions. "Il ne faut pas multiplier non plus les instances", avertit l'ex-chef du gouvernement.

Une nouvelle loi. "Le président de la République a demandé au gouvernement de proposer des mesures de renforcement de la sécurité face à la menace terroriste hors état d'urgence afin qu'un texte législatif soit préparé dans les prochaines semaines", a également indiqué la présidence, sans donner plus de précisions quant aux éventuelles mesures de sécurité qui pourraient être posées sur la table.

" Je ne suis pas sûr que, juridiquement, il y ait encore beaucoup de failles à combler "

Pour rappel, le fondateur d'En Marche! s'était engagé pendant la présidentielle à créer 10.000 postes de policiers et gendarmes supplémentaires, dont une partie orientée vers les services du renseignements. Il s'était également prononcé en faveur d'un placement en centres pénitentiaires spécialisés des djihadistes français revenant de la zone irako-syrienne, afin de les "soumettre à un régime de détention très stricte avec une obligation renforcée d’un suivi psychologique, social et de sécurité", détaille son site de campagne. Emmanuel Macron avait également prévu de lancer une action européenne pour contraindre les grands groupes de l'Internet à communiquer, via une procédure de réquisition, les informations circulant sur les services de messagerie cryptée.

"Je ne suis pas sûr que, juridiquement, il y ait encore beaucoup de failles à combler", relève encore Thibault de Montbrial. "Il faut continuer à faire notre changement de logiciel, admettre, les yeux dans les yeux, que nous sommes sur une menace qui va durer, que le renseignement et l'anticipation marchent de mieux en mieux. Notre outil de renseignement s'est remarquablement adapté, il y a beaucoup plus d'attentats évités qu'il y en a qui réussissent".