LA PHOTO – À deux minutes du débat, "la tension extrême" avant "le pugilat"

Les deux finalistes de l'élection présidentielle se sont rendus coup pour coup mercredi.
Les deux finalistes de l'élection présidentielle se sont rendus coup pour coup mercredi. © ERIC FEFERBERG / AFP
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Le photographe Eric Feferberg était sur le plateau où a eu lieu le débat d'entre-deux-tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, mercredi. Une confrontation "électrique", avant même le début des hostilités.

Chaque semaine, Europe1.fr vous propose un regard décalé sur la campagne présidentielle, dans l'objectif d'un photographe de l'AFP.

Le débat d'entre-deux-tours entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron a viré au combat de boxe, mercredi. Ce duel au corps à corps, ponctué de quelques uppercuts plus ou moins bien placés, a été historiquement tendu. Une tension qui se ressentait déjà quelques minutes avant le coup d'envoi donné par les deux journalistes Christophe Jakubyszyn (TF1) et Nathalie Saint-Cricq (France 2), comme l'a constaté le photographe de l'AFP Eric Feferberg, présent sur le plateau de la Plaine-Saint-Denis, au nord de Paris.

  • Choisir le moment

"Je suis Emmanuel Macron depuis trois bons mois. J'ai été dépêché sur la primaire de la droite, la primaire de la gauche, certains meetings de François Fillon et Jean-Luc Mélenchon, mais c'est la première fois que j'étais envoyé pour photographier un débat d'entre-deux-tours.

Je suis arrivé sur les lieux vers 20 heures. Il y avait à ce moment-là énormément de monde sur le plateau, dont des caméras de télévision. Mais lorsque Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont voulu venir voir le plateau, alternativement, on a fait sortir tout le monde, y compris les photographes. Seuls les candidats, les deux journalistes et les techniciens placés derrière les quatorze caméras présentes ont pu rester. Toute autre personne devait aller dans les studios annexes.

Au total, nous n'étions que trois photographes. Nous ne pouvons finalement rentrer sur le plateau qu'un quart d'heure avant le début du débat. Les candidats, eux, font leur entrée à 20h50, soit dix minutes avant. On s'impatiente un peu car plus le temps passe, moins on aura le temps de faire des photos.

" Il y a la même tension qu'avant les grands matches. "

Les deux candidats se serrent la main et viennent poser devant nous côte à côte. L'atmosphère est électrique. Il y a la même tension qu'avant les grands matches. Puis ils vont s’asseoir. C'est l'heure des dernières petites retouches maquillage, on s'assure que les micros sont bien réglés… On entend alors le réalisateur lancer : 'On commence dans trois minutes !'. C'est à ce moment-là que je fais la photo."

  • Décrire une ambiance

"Quand il arrive et qu'il pose devant nous, Emmanuel Macron est tendu comme un arc, cela se voit physiquement. Il est un peu raide, se tient très droit et paraît concentré. Cette attitude tranche avec celle qu'il a habituellement. Il a une aisance de tous les moments, ce qui est d'ailleurs assez impressionnant, y compris à Whirlpool, où il a pourtant été accueilli par des quolibets et des sifflets. Tout en prenant la mesure de l'enjeu, il n'était pas particulièrement submergé par le stress, contrairement à là.

" L'attitude d'Emmanuel Macron tranche avec celle qu'il a habituellement. "

Marine Le Pen, elle, feint d'être plus à l'aise et fait quelques sourires racoleurs comme elle l'a fait par la suite pendant le débat. Mais en réalité, elle est mal à l'aise, voire décomposée.

Il faut dire que c'était le premier débat d'entre-deux-tours pour tout le monde : aussi bien pour Marine Le Pen que pour Emmanuel Macron et les deux journalistes."

  • Réfléchir au cadrage

"Marine Le Pen, à gauche, et Emmanuel Macron, à droite, sont tous les deux concentrés, face-à-face sur le ring avant le pugilat. Elle sur ses dossiers, lui sur le petit écran devant lui. À ce moment-là, le silence est total. L'atmosphère est très pesante, palpable et visible sur les visages des deux candidats.

J'étais inquiet parce qu'on ne fait toujours pas la photo posée alors que cela fait un moment que le réalisateur a dit "trois minutes !". Juste après ce cliché, Emmanuel Macron décide de prendre un verre d'eau et de le boire tout doucement en regardant son adversaire droit dans les yeux. Il la fusille des yeux, même. Du côté de Marine Le Pen, il n'y a pas vraiment eu de regard expressif vis-à-vis d'Emmanuel Macron, mais plutôt un sourire carnassier. On sent qu'elle est sous pression.

" Rien ne doit dépasser, il ne doit pas y avoir le moindre cheveu sur la veste de l'un et l'autre. "

Ce cliché raconte beaucoup de choses et est plutôt vivant, mais finalement, j'étais assez déçu après cette séance photo, puisque j'avais amené trois boîtiers avec des optiques différentes pour faire d'autres types de photos. J'aurais par exemple voulu avancer, faire une photo avec un fish-eye (objectif à très grand angle), mais je n'ai pas eu le temps."

  • Donner du sens à une image

"Le cliché est intéressant car il y a une sorte d'intimité technique. On voit que rien ne doit dépasser, il ne doit pas y avoir le moindre cheveu sur la veste de l'un et l'autre. On sent la tension de tous, aussi bien des équipes techniques qui veulent que tout soit parfait, que des journalistes, mais surtout des candidats. Pour eux, tout ne se jouait pas là mais tout pouvait se perdre là. C'était le dernier grand moment de la campagne, celui que tout le monde attendait."