Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune relancent le «partenariat spécial» entre France et Algérie

Emmanuel Macron Abdelmadjid Tebboune
Les présidents algérien et français ont scellé jeudi à Alger leur réconciliation après des mois de brouilles. © ALGERIAN PRESIDENCY / HANDOUT / ANADOLU AGENCY / ANADOLU AGENCY VIA AFP
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avec AFP , modifié à
Les présidents algérien et français ont scellé jeudi à Alger leur réconciliation après des mois de brouilles. À l'issue d'un entretien de plus de deux heures pour la première visite d'Emmanuel Macron en Algérie depuis le début du nouveau quinquennat, les deux dirigeants ont fait montre de courtoisie et d'optimisme lors de déclarations devant les médias.

"Des perspectives prometteuses pour améliorer un partenariat spécial" pour Abdelmadjid Tebboune, "une page nouvelle qui s'écrit dans la relation bilatérale" pour Emmanuel Macron. Les présidents algérien et français ont scellé jeudi à Alger leur réconciliation après des mois de brouilles. À l'issue d'un entretien de plus de deux heures pour la première visite d'Emmanuel Macron en Algérie depuis le début du nouveau quinquennat, les deux dirigeants ont fait montre de courtoisie et d'optimisme lors de déclarations devant les médias. Abdelmadjid Tebboune, qui était allé dans l'après-midi à l'aéroport pour accueillir son invité, s'est félicité de "résultats encourageants" des discussions qui permettent de "tracer des perspectives prometteuses dans le partenariat spécial qui nous lie".

Il a aussi souligné la détermination de Paris et d'Alger d'"aller de l'avant" et d'"intensifier les efforts afin de rehausser les relations" bilatérales. France et Algérie vont relancer plusieurs comités intergouvernementaux notamment dans les domaines économique et stratégique. Elles vont accroître la coopération à tous les niveaux et les échanges commerciaux et il y aura "une intensification des visites de haut niveau", a dit Abdelmadjid Tebboune. La visite coïncide avec le 60e anniversaire de la fin de la guerre et la proclamation de l'indépendance de l'Algérie en 1962.

Création d'une "commission mixte d'historiens"

Dans son discours, le président français a souligné la volonté des deux pays de regarder vers l'avenir et "travailler ensemble sur ce "passé commun(...) complexe, douloureux". Alger et Paris vont créer "une commission mixte d'historiens" afin de "regarder l'ensemble de cette période historique", "du début de la colonisation à la guerre de libération, sans tabou, avec une volonté (...) d'accès complet à nos archives", a dit Emmanuel Macron.

Selon Abdelmadjid Tebboune, la rencontre entre les deux dirigeants a été aussi "l'occasion d'évoquer la situation sécuritaire et politique d'intérêt commun sur le plan régional et international". Du point de vue d'Alger, cette visite marque "une reconnaissance du rôle axial de l'Algérie dans la région" et un "retour en force de la diplomatie algérienne sur la scène internationale". "Nous avons échangé nos points de vue, particulièrement sur la situation en Libye, au Mali, au Sahel et au Sahara occidental qui requièrent des efforts conjugués pour consolider la stabilité dans la région", a précisé Abdelmadjid Tebboune.

Le gaz algérien n'est "vraiment pas l'objet de la visite"

"Eu égard au risque d'instabilité au Maghreb, aux conflits au Sahel et à la guerre en Ukraine, l'amélioration des rapports entre la France et l'Algérie s'impose comme une nécessité politique", analyse le politologue algérien Mansour Kedidir. L'Algérie joue un rôle central dans la région en raison de ses milliers de kilomètres de frontières avec le Mali d'où l'armée française vient de se retirer, le Niger et la Libye. Elle est en outre proche de la Russie, son premier fournisseur d'armes, qui joue un rôle grandissant en Afrique.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Algérie, premier producteur de gaz en Afrique et l'un des dix premiers au monde, est également très sollicitée par des Européens pressés de réduire leur dépendance à l'égard du gaz russe. Le gaz algérien n'est "vraiment pas l'objet de la visite" et il n'y aura "pas d'annonces de grands contrats", a assuré l'Élysée, même si la patronne du géant énergétique Engie, Catherine MacGregor, fait partie de la délégation.

Amende honorable

C'est la deuxième fois qu'Emmanuel Macron se rend en Algérie en tant que président, après une première visite en décembre 2017. Les relations entre les deux pays étaient alors au beau fixe avec un jeune président français, né après 1962 et libéré du poids de l'histoire, qui avait qualifié la colonisation française de "crime contre l'humanité". Mais elles ont rapidement tourné court, rattrapées par des mémoires difficilement conciliables après 132 ans de colonisation, une guerre sanglante et le départ d'un million de Français d'Algérie en 1962.

Les excuses attendues par Alger pour la colonisation ne sont jamais venues. En octobre 2021, des propos d'Emmanuel Macron reprochant au "système politico-militaire" algérien de surfer sur la "rente mémorielle" et ses interrogations sur l'existence d'une nation algérienne avant la colonisation ont provoqué une grave rupture. Le locataire de l'Élysée a fait depuis amende honorable et les deux présidents ont remis progressivement en route le partenariat bilatéral.

La délicate question des visas

Mais, la question délicate des visas attribués par la France, dont le nombre a été divisé par deux, a notamment continué de peser sur les relations mutuelles. Emmanuel Macron y a fait allusion jeudi évoquant des décisions prises pour "une mobilité choisie pour nos artistes, nos sportifs, nos entrepreneurs, nos universitaires, nos scientifiques, nos associations, nos responsables politiques permettant de bâtir davantage de projets communs".

Dans les rues d'Alger, les expectatives étaient en phase avec la volonté du pouvoir d'une relation "d'égal à égal". "Macron on lui dit 'bienvenue en Algérie', si les intérêts sont communs, nous sommes d'accord, s'ils ne sont que du côté (français) alors c'est non", renchérit Remdhan Elbaz, 60 ans, un retraité.