EDITO - La grève du 5 décembre, "un bras-de-fer dans le bras-de-fer" entre le RN et la CGT

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Nicolas Beytout
Le ralliement de Marine Le Pen à la grève du 5 décembre a pris de court la CGT, gênée aux entournures par cet embarrassant soutien. Pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, la présidente du Rassemblement national est dans son rôle, alors que l’organisation syndicale doit se poser des questions.
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>>> Marine Le Pen a soutenu récemment la grande grève du 5 décembre, à rebours du comportement traditionnel du Rassemblement national. Cela embarrasse la CGT, qui a condamné ce soutien par la voix de son secrétaire national Philippe Martinez. La tension monte, et c’est bien le but de la présidente du RN, analyse notre éditorialiste Nicolas Beytout, pour qui la CGT doit réfléchir sur ce ralliement.

C’est un bras-de-fer à l’intérieur du bras-de-fer : l’organisation de la grève et des manifestations du 5 décembre est le cadre d’un affrontement entre le Rassemblement national et la CGT. Et quand deux forts en gueule comme Marine Le Pen et Philippe Martinez se disputent, ça donne forcément des étincelles.

Tout est parti d’une prise de position assez inattendue de Marine Le Pen sur les grèves de la SNCF et de la RATP. Alors que traditionnellement, le Front national était plutôt hostile à ces mouvements qui gênent un nombre considérable de gens, parmi lesquels ses électeurs, les péri-urbains, les classes moyennes, bref une partie de ces Français qui galèrent tous les jours dans les transports en commun, cette fois, le Rassemblement national soutient la grève, "un soutien sans aucune réserve", claironne Marine Le Pen.

"Les solutions de gens qui sont racistes ne sont pas bienvenues"

Ce revirement a d’ailleurs provoqué quelques tensions internes, et quelques couacs aussi, de la part de dirigeants historiques comme Louis Aliot qui restent sur la ligne d’avant : "non à la grève, et si les Français ne sont pas contents, ils n’ont qu’à voter pour sortir les sortants."

En tout cas, le ralliement de Marine Le Pen aux grévistes n’a pas été du goût de la CGT. "Les solutions de gens qui sont racistes ne sont pas bienvenues dans les mouvements sociaux", a attaqué Philippe Martinez. Eh oui, le syndicaliste a plus l’habitude de défiler dans un environnement politique amical, avec le Parti communiste, la France insoumise, le Parti socialiste aussi qui sera là, cette fois. Rien que du classique, et rien de dérangeant. Alors évidemment, voir arriver des manifestants du Rassemblement national, c’est un peu urticant.

"Les frontières traditionnelles entre droite et gauche s’effacent"

"Il défend son clan, sa gamelle", a rétorqué Marine Le Pen. De son point de vue, elle a tout intérêt à soutenir les grévistes. Elle qui a été désignée meilleure adversaire d’Emmanuel Macron ne peut pas être absente de ce qui s’annonce comme un temps fort de la contestation du quinquennat. Et puis, elle a bien engrangé pendant le mouvement des "gilets jaunes", et elle va essayer de faire fructifier son petit capital.

Et pour enrayer cela, la CGT ne peut pas faire grand-chose, sinon réfléchir sur ce que signifie, pour lui et les organisations syndicales, ce ralliement de Marine Le Pen aux grévistes. Déjà, à l’élection présidentielle de 2017, c’est elle qui avait attiré le plus grand nombre de votes des ouvriers et des employés (37 et 32% des voix). Et cela ne s’est pas inversé depuis. Le phénomène touche même les militants de la CGT. Voilà, les frontières traditionnelles entre droite et gauche s’effacent, et qu’ils le veuillent ou non, les combats des syndicats sur les grandes questions économiques et sociales vont désormais, de plus en plus souvent, être aussi ceux du Rassemblement national et de sa stratégie attrape-tout.