À gauche, le risque d'une primaire a minima

© FRANCOIS GUILLOT / AFP
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À l'image d'Aurélie Filippetti, beaucoup de responsables socialistes ont peur d'un scrutin "au rabais" qui n'attirerait pas les foules.

Une primaire peut en cacher une autre. Alors que celle de la droite a pris fin le 27 novembre avec la victoire écrasante de François Fillon, la gauche (de gouvernement) s'apprête, elle aussi, à tenir son scrutin pré-présidentielle les 22 et 29 janvier. Mais à moins de deux mois du premier tour, et alors que les candidats ont jusqu'au 15 décembre pour se déclarer, beaucoup craignent une primaire low-cost.

Une organisation qui prend du retard. Les premiers doutes planent sur la capacité du PS à organiser dignement le vote. Aurélie Filippetti, ancienne ministre et députée socialiste frondeuse, a ainsi appelé, mardi, sur France Inter, à "se lancer vraiment dans l'organisation et la campagne des primaires, ce qui n'est malheureusement pas assez le cas". Selon elle, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, comme le gouvernement, se font prier pour se mettre sérieusement au travail. "J'ai peur que ce soit une primaire au rabais, parce que j'ai l'impression aujourd'hui, à Solférino, à l'Élysée, [qu']ils ont tout fait pour qu'on étouffe la primaire."

"Pas autant de votants" qu'en 2011. Le calendrier de la primaire apparaît de fait très serré. D'abord parce que le principe en a été acté tard. Il n'est un secret pour personne que beaucoup, fidèles de François Hollande, auraient préféré que la candidature de ce dernier s'impose d'elle-même et que le président n'ait pas à ferrailler avec ses anciens ministres ou Gérard Filoche. Ce n'est finalement que fin juin que le Conseil national du PS a décidé d'organiser le scrutin. À l'époque, Jean-Christophe Cambadélis avait d'emblée prévenu qu'il était "obligé de faire une primaire dans l'urgence" et pronostiqué que celle-ci ne rassemblerait "pas autant de votants" qu'en 2011.

Moins de bureaux de vote. Depuis, il a été décidé qu'un peu plus de 8.000 bureaux de vote seraient ouverts. C'est moins qu'en 2011, où on en comptait près de 10.000 (un chiffre pris comme repère par la droite pour installer ses 10.229 bureaux). Et moins de bureaux de vote, cela signifie moins de participation. Alors que la primaire de la droite a réussi à mobiliser plus de 4,3 millions de Français au second tour, celle de la gauche souffrira forcément de la comparaison.

La gauche éparpillée. Mais ce ne sont pas seulement le nombre de bureaux et de votants qui font craindre une primaire au rabais. Politiquement aussi, l'élection a une ampleur limitée. Le PS l'a bel et bien conçue comme "ouverte à tous ceux qui soutiendraient la démarche", mais le scrutin est boudé par Europe Ecologie-Les Verts, qui a organisé sa propre primaire, les communistes, Jean-Luc Mélenchon et même le Parti radical de gauche, qui vient d'investir directement Sylvia Pinel pour la présidentielle.  Contrairement à la primaire de droite, celle de gauche ne garantit donc en aucun cas le rassemblement.

Psychodrame au sommet. Enfin, cette primaire paraît menacée par les bisbilles politiques au sommet de l'État. Alors que François Hollande tarde à faire connaître sa décision de se lancer ou non dans la campagne, Manuel Valls, lui, se tient prêt et le fait savoir. Au point d'avoir déclenché un psychodrame entre dimanche et lundi, en disqualifiant dans une interview au JDD la candidature du chef de l'État. Si les deux hommes ont visiblement réussi, au terme d'un déjeuner, à surmonter cette crise, rien n'a véritablement été réglé.

Une primaire qui "ne sert à rien" ? Et certains proches de François Hollande font planer le doute quant à une candidature de leur champion hors primaire. Ainsi, Stéphane Le Foll, dans une interview aux Échos mardi, a estimé que "la primaire ne sert à rien si c'est pour refaire l'histoire du quinquennat". "Appeler la droite à participer à la primaire de la gauche pour pouvoir empêcher François Hollande, comme l'a fait Arnaud Montebourg, cela ne peut pas être accepté. Ça fait quatre ans et demi qu'il y a un débat au sein de la gauche. Faire une primaire pour refaire ce débat, ça ne sert à rien." Autrement dit, le scrutin serait inutile car biaisé depuis le début.

" La primaire ne sert à rien si c'est pour refaire l'histoire du quinquennat. "

Un manque d'enthousiasme flagrant qui peut, lui aussi, décourager les électeurs. Et contraste beaucoup avec l'élan suscité par la primaire de la droite. Manuel Valls ne s'y était d'ailleurs pas trompé lorsqu'il avait déclaré, le 21 novembre, que le scrutin organisé par Les Républicains était "un beau défi" lancé à sa propre famille politique. "La primaire [que la gauche] organisera dans quelques semaines doit être de la même qualité, avec la même exigence démocratique, elle doit être à la hauteur du moment démocratique dans lequel nous entrons." Ce n'est pas gagné.