François Hollande, un attentisme risqué

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© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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Rien n'est ressorti lundi du déjeuner entre François Hollande et Manuel Valls, lequel avait pourtant remis en cause sa candidature à la primaire de la gauche. 

Scruté avec curiosité, ce déjeuner aura laissé tous les médias sur leur faim. François Hollande et Manuel Valls se sont quitté lundi, en début d'après-midi, après une entrevue de plus de deux heures, sans rien laisser paraître. Visage grave, dossiers sous le bras, le Premier ministre a quitté l'Élysée sans faire un commentaire. Dans la foulée, l'Élysée a assuré que l'ambiance entre les deux têtes de l'exécutif avait été "tout à fait cordiale et studieuse".

Guerre au sommet. Difficile à croire sur parole, tant les dernières quarante-huit heures ont été à couteau tiré entre les deux hommes. En déplacement à Madagascar ce week-end, François Hollande a pu voir son Premier ministre ouvertement remettre en doute la pertinence d'une candidature du président à la primaire de la gauche. Dans une interview au JDD, dimanche, le Premier ministre soulignait en effet le "désarroi", le "doute" et la "déception" chez les électeurs de gauche. Sous-entendant lourdement que François Hollande n'avait pas pris la mesure de ce climat délétère, et qu'il valait mieux pour lui prendre la "responsabilité" de renoncer, Manuel Valls disait aussi se tenir prêt à être candidat lui-même. "Je prendrai ma décision en conscience", affirmait-il.

Une crise inédite. Cette interview a logiquement déclenché une crise au sommet de l'État. "C'est un problème unique dans l'histoire politique", confirme Jean Guarrigues, historien politique, à Europe 1.fr. "Il y a déjà eu des confrontations entre les deux têtes de l'exécutif, mais c'était après des cohabitations." Cette fois, un président et un Premier ministre de la même famille politique semblent en concurrence directe. Selon Le Parisien, François Hollande, qui a décidé de rentrer plus tôt à Paris dimanche soir, aurait même envisagé un remaniement dès le lundi, ce que l'Élysée a démenti dans la foulée. Le chef de l'État a, de toute évidence, tourné casaque. "Bien entendu", l'action de l'exécutif va pouvoir se poursuivre sereinement, a indiqué l'Élysée.

Un immobilisme calculé. François Hollande a donc décidé de ne rien décider. Pas question de pousser son Premier ministre vers la sortie. Cet immobilisme alors que tout semble pourtant le contraindre à faire montre d'autorité n'est pas nouveau. Entre avril et septembre, les sorties de route d'Emmanuel Macron lorsqu'il était ministre de l'Économie se sont succédé, sans que jamais le président ne prenne de sanction contre lui. François Hollande s'est contenté d'attendre que le patron de Bercy présente de lui-même sa démission. Pour ses proches, il s'agit là d'une stratégie étudiée. "Le président se dit qu'en politique, il vaut toujours mieux être le trahi que le traître", explique son entourage au Monde, lundi. "Lui a l'intention de gérer le pays, il n'est pas là pour distribuer des bourre-pifs."

" Rien n'atteint le président, c'est sa force. "

"Rien n'atteint le président". Autrement dit, François Hollande fait le pari qu'en laissant pourrir la situation, il gardera de la hauteur, du recul, et une stature présidentielle. Cela doit lui permettre de montrer qu'il n'est pas sensible à la pression qu'exerce le Premier ministre pour qu'il affiche enfin ses intentions pour 2017, mais se consacre entièrement à ses dossiers. Et lui confère un rôle de rassembleur qui le portera à la primaire de la gauche. "Rien n'atteint le président, c'est sa force", estime un responsable socialiste dans Le Figaro.

Déficit d'autorité. La force pourrait néanmoins devenir faiblesse. François Hollande, qui souffre déjà d'un déficit d'autorité aux yeux des Français, apparaît incapable de tenir jusqu'à son Premier ministre. Manuel Valls a exclu, lundi, de démissionner, invoquant son "sens de l'État". Il a également assuré au président qu'il ne "pouvait pas y avoir" et n'y "aurait jamais de crise institutionnelle" au sein de l'exécutif. Mais personne n'est dupe. Ni à gauche, où certains, comme le député socialiste Olivier Faure, se demandent s'il n'y a pas "des pulsions suicidaires parfois chez certains de nos dirigeants". Ni à droite, où beaucoup se frottent les mains devant tant de cacophonie. "Je leur dis : 'ressaisissez-vous'", a lancé Laurent Wauquiez, président par intérim des Républicains. "Il reste cinq mois, ça ne peut pas aller jusqu'au bout."