Le reporter Benjamin Vincent et le fixeur Saeed ont raconté la profession de fixeur dans Culture Médias.
  • Copié
Les grands reporters ne pourraient pas couvrir les zones de guerre sans les fixeurs, qui les aident à se repérer sur le terrain. Alors qu'une cagnotte a été lancée pour aider l'un d'eux, Culture médias revient sur ces hommes et ces femmes de l'ombre.

Ce sont des hommes de l'ombre. Ils peuvent être la fois l'interprète, le guide, le chauffeur, la nounou des grands reporters qui découvrent un pays en guerre - et sont parfois eux-mêmes journalistes. Eux, ce sont les fixeurs. Récemment, plusieurs grands reporters français, qui ont en commun d'avoir couvert la chute de Saddam Hussein, ont lancé une cagnotte pour venir en aide à Mohammed, qui avait été leur fixeur en Irak en 2003 et 2003. Aujourd'hui âgé de 54 ans, Mohammed est désormais réfugiés aux Etats-Unis, après avoir vu sa demande d'asile rejetée en France. Cet Irakien lance un S.O.S : il a besoin d'un peu de trésorerie pour acheter son premier stock de marchandises et lancer sa petite boutique.

Saeed, franco-iranien a été fixeur de journalistes français et américains en Afghanistan, en Irak et en Iran. Benjamin Vincent, ancien grand reporter pour Europe 1 et C dans l'air, est aujourd'hui journaliste à Ouatch TV, la télé de l'innovation. Tous deux décrivent la profession de fixeur, inconnue du grand public, au micro de Philippe Vandel dans Culture Médias

" On vit 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 ensemble "

"Le rôle d'un fixeur est essentiel quand on arrive dans un pays et dans ce contexte [de guerre], indique Benjamin Vincent. C'est un peu notre homme à tout faire et ce n'est pas péjoratif. Le rôle de traducteur est presque anecdotique." Le reporter raconte sa relation de travail avec son ancien fixeur Mohammed : "On vit 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 ensemble. On vit plus ensemble qu'avec notre femme !" Et Saeed de renchérir : "Je les hébergeais même chez moi à Téhéran !"

Tous deux insistent sur l'importance du travail d'équipe. "On avait des journées de dingue, se remémore Benjamin Vincent. On est tellement fatigués de ce qu’on vit que c’est bien d’avoir quelqu’un à qui on peut faire écouter un son. C’est super important." 

"Le danger est invisible et permanent"

Par sa connaissance du terrain, le fixeur permet aussi au journaliste étranger d'éviter des situations d'insécurité. "Le danger est à la fois invisible et permanent, on est toujours sur le qui-vive", indique Benjamin Vincent. Il se remémore les routes défoncées et risques de balles perdues à son arrivée en Irak, en 2003. "Il n’y avait plus de police, plus de justices, plus d’hôpitaux. Tout le monde se baladait avec une arme dans la rue, pillait les immeubles et chacun faisait ce qu’il voulait." 

Dans ses conditions, sa coopération avec Mohammed était précieuse. "On était soumis au couvre-feu des Américains, se rappelle Benjamin Vincent. Il maîtrisait bien les distances et me disait : 'Maintenant il faut partir'."

Une cagnotte pour aider Mohammed à commencer une nouvelle vie

Saeed, lui, confie avoir plusieurs fois eu peur pour sa vie. Comme cet épisode avec le photographe Jacques Langevin, avec des moudjahidines afghans qui les "ont arrosé de rafales" puis ce trajet en taxi où "il n'y avait plus de plancher". Le journaliste franco-iranien a aussi connu les geôles iraniennes pendant 19 jours, en 2009, après la réélection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad.

Pour Mohammed, désormais, le temps presse. Pour obtenir un visa aux Etats-Unis, il lui faut des revenus. "Il a besoin de 15.000 euros pour commencer une nouvelle vie, explique Benjamin Vincent. L'objectif, in fine, il est dramatique, c'est d'éviter l'expulsion." Avec cette cagnotte (disponible sur ce lien), Benjamin Vincent et d'autres confrères espèrent permettre à leur ancien fixeur d'amorcer une activité commerciale et faire venir sa famille, qui vit en Jordanie. espère pouvoir amorcer une activité commerciale et ainsi éviter d'être renvoyé en Irak, puis faire venir sa femme et ses deux fils, qui vivent en Jordanie.