La France dénonce "une décision brutale". 2:36
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Antoine Terrel , modifié à
Sur Europe 1, le politologue Jean-Éric Branaa est revenu sur l'annonce par l'Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni d'un partenariat de sécurité dans la zone indo-pacifique, qui vient annuler la commande de sous-marins français passée par l'Australie en 2016. Dans le cadre de la politique extérieure américaine face la Chine, "les Européens sont laissés de côté", estime-t-il. 
INTERVIEW

La France dénonce "un coup dans le dos" et une décision "brutale". Mercredi, l'Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé un vaste partenariat de sécurité dans la zone indo-pacifique, face à la Chine, Londres et Washington s'engageant notamment à "soutenir l'Australie dans l'acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire". Une annonce qui vient torpiller le contrat passé en 2016 entre la France et l'Australie pour 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d'euros), qui prévoyait la fourniture de sous marins conventionnels. Un contrat qui avait été alors qualifié de "contrat du siècle" par le ministre de la Défense de l'époque, Jean-Yves Le Drian. Et les mots conciliants de Joe Biden, qui a qualifié la France de "partenaire-clé", pourraient ne pas suffire à faire avaler la pilule au gouvernement français. Pour le politologue Jean-Éric Branaa, spécialiste des Etats-Unis, cet épisode devrait "laisser des traces". 

 

Pour le chercheur, l'annonce de mercredi est une conséquence logique de la stratégie américaine en matière de politique extérieure. "On le voit clairement depuis trois semaines, même si ça remonte bien sûr à bien avant, les Etats-Unis sont en train d'amorcer un virage très serré dans leur politique extérieure", explique-t-il. "C'est bien la zone Indo-Pacifique, la mer de Chine, qui est la source de tous leurs intérêts." Et dans cet histoire-là, "les Européens sont laissés de côté", confirme-t-il. 

"Les Américains avancent selon leurs propres intérêts"

Si la Chine n'a pas été mentionnée lors de l'annonce de Londres, Washington et Canberra, l'objectif est clair : affronter les ambitions régionales de Pékin. "Beaucoup parlent de guerre entre les Etats-Unis et la Chine, mais Joe Biden fait bien attention de ne jamais partir sur ce terrain belliqueux, en tout cas en parole", note Jean-Éric Branaa qui reconnait qu'"il est vrai que tout est organisé pour faire face aux Chinois". D'ailleurs, rappelle-t-il, il y a quelques semaines, "alors que Kaboul tombait, la vice-présidente Kamala Haaris était en mer de Chine, visitait le Vietnam et Singapour, et s'était adressée directement à la Chine en disant que la puissance américaine défendrait la mer de Chine". 

Ce retournement peut-il fragiliser la relation entre la France et les États-Unis ? "Forcément dans les premiers jours", répond l'invité d'Europe 1, au vu de la "vraie déception" en France. "Nous avons perdu un 'contrat du siècle', et ça va forcément laisser des traces, avec une méfiance un peu plus grosse qui s'installe entre les deux pays", analyse-t-il. Mais, interroge-t-il, "est-ce que les Américains vont vraiment en tenir compte ? Rien n'est moins sûr". Car "les Américains ont souvent fait peu de cas de ces coups de colère et ils avancent selon leurs propres intérêts".