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Isabelle Ory, Nicolas Feldmann et Romain David , modifié à
En voulant imposer de nouvelles conditions aux marins français qui viennent pêcher dans les eaux britanniques, Londres est sorti vendredi du cadre fixé par l'accord du Brexit. L'Union européenne a entamé des discussions pour régler la situation, mais le contexte électoral, à la fois outre-Manche et dans l'Hexagone, n'aide pas à calmer les tensions. 

On pensait la question de la pêche dans les eaux britanniques réglée dans l’accord sur le Brexit conclu à la fin de l’année dernière. Du moins, c'était le cas. Mais les Britanniques ne respectent pas ce qu’ils ont signé, affirme désormais l'Union européenne. Certes, comme prévu, ils ont bien accordé des licences aux bateaux français pour pouvoir pêcher dans leurs eaux à partir du 1er mai, date limite de la période de transition. Mais seulement 41 navires sur 344 demandes se sont vus accorder cette autorisation. Surtout, le 30 avril, à la toute dernière minute donc, Londres a écrit à Bruxelles pour rajouter des conditions qui n’étaient pas prévues : sur le nombre de jours en mer ou sur le type d’engins de pêche autorisés.

Face-à-face naval au large de Jersey

Jeudi, une soixantaine de bateaux de pêche français se sont massés près de l’île de Jersey pour dénoncer les restrictions imposées outre-Manche. Mais très vite, la protestation a tourné au face-à-face naval : deux navires de guerre britanniques ont été dépêchés sur place, et de son côté, la France a répondu par l'envoi de deux patrouilleurs.

Plus tard dans la journée, les pêcheurs normands ont eu le droit à un retour au port triomphal, sous les applaudissements d'une vingtaine d'habitants. "C'était juste pour marquer un coup d'éclat et leur faire comprendre qu'on a besoin de travailler aussi. On n'est pas là pour faire la guerre", explique à Europe 1 Michel Duchemin, qui a passé jeudi de longues heures devant l'île de Jersey. Pour ces pêcheurs, les eaux britanniques riches en poissons représentent parfois plus de la moitié de leur chiffre d'affaires. Ces nouvelles restrictions sont donc inacceptables pour Camille Lécureuil, également marin-pêcheur : "J'ai le droit de faire les bulots dans les eaux anglaises, mais pas les casiers à crustacés. C'est politique, tout ça", fustige-t-il. 

Un contexte politique qui complique les discussions

Ce brusque regain de tensions trahit la difficulté des discussions qui se sont engagées en haut lieu autour de cet épineux dossier. Officiellement, c’est à l’Europe de gérer ce conflit, pas à la France, car c'est elle qui a signé le traité du Brexit. À ce stade, la Commission européenne essaie de trouver une solution à l’amiable . "Le contexte électoral en France et au Royaume-Uni n’aide pas", souffle un spécialiste. Et pourtant, il faut garder les nerfs solides, car il reste d’autres points à régler avec Londres. Les quotas de pêche pour cette année, notamment, ne sont toujours pas définitivement fixés. Un diplomate résume : "C’est la première année, chaque camp essaie de marquer son territoire."  

"Boris Johnson est dans une situation difficile politiquement, car l'accord du Brexit pour les pécheurs est vu comme perdant du côté britannique. Donc il instrumentalise la situation pour montrer qu'il défend les intérêts britannique", analyse auprès d'Europe 1 la députée européenne Marie-Pierre Vedrenne, vice-présidente de la commission commerce international. Elle évoque une forme de "souverainisme populiste", et assure que les marins français ont le plein soutien des membres du Parlement européen. "Mais il faut trouver une solution car on ne peut pas aller dans l'escalade", ajoute-t-elle. Côté français, la ministre de la Mer Annick Girardin a déjà laissé entendre que le gouvernement pourrait couper l'électricité qui alimente par câble sous-marin l'île de Jersey.