Vladimir Poutine a annoncé que Moscou déploiera des missiles nucléaires "tactiques" sur le territoire biélorusse 2:14
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Thibaud Hue avec AFP , modifié à
Au 396e jour de l'invasion russe, L'Ukraine a accusé dimanche la Russie d'avoir pris "en otage" le Bélarus après l'annonce par Vladimir Poutine que Moscou déploiera des missiles nucléaires "tactiques" sur le territoire de son allié. "Le Kremlin a pris le Bélarus comme otage nucléaire", a écrit le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien.
L'ESSENTIEL

L'Ukraine a accusé dimanche la Russie d'avoir pris "en otage" le Bélarus après l'annonce par Vladimir Poutine que Moscou déploiera des missiles nucléaires "tactiques" sur le territoire de son allié, aux portes de l'Union européenne. Les responsables russes ont multiplié depuis un an les menaces à peine voilées de se servir de l'arme nucléaire si le conflit avec Kiev venait à connaître une escalade significative. Le Bélarus est frontalier de l'Ukraine, de la Pologne et de la Lituanie.

Les informations principales :

  • L'Ukraine a accusé dimanche la Russie d'avoir "pris en otage" le Bélarus
  • Vladimir Poutine a annoncé que Moscou déploiera des missiles nucléaires "tactiques" sur le territoire biélorusse
  • L'Ukraine a appelé à organiser une réunion urgente du Conseil de sécurité de l'ONU et exhorté les Occidentaux et la Chine à mettre fin au "chantage nucléaire" de la Russie
  • Les Etats-Unis n'ont "aucune indication" que la Russie ait transféré des armes nucléaires au Bélarus
  • L'Union Européenne menace le Bélarus de nouvelles sanctions s'il accueille des armes nucléaires russes

La France condamne l'intention russe de déployer des armes nucléaires au Bélarus

La France a condamné dimanche l'intention du président russe Vladimir Poutine de déployer des armes nucléaires "tactiques" sur le territoire de son allié bélarusse, appelant Moscou à faire preuve de "responsabilité" et à revenir sur sa décision selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

"Après la violation du traité FNI (traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, ndlr) par la Russie, qui a mené à sa disparition, et l'annonce de la suspension par la Russie de sa participation au traité New Start en février dernier, cet accord représente un élément supplémentaire d'érosion de l'architecture internationale de la maîtrise des armements et de la stabilité stratégique en Europe", souligne la porte-parole du Quai d'Orsay. Paris appelle la Russie à "faire preuve de la responsabilité attendue d'un Etat doté de l'arme nucléaire et à revenir sur cet accord déstabilisant", conclut-elle.

L'UE menace le Bélarus de nouvelles sanctions

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a averti dimanche que l'UE était "prête" à adopter de nouvelles sanctions contre le Bélarus si ce pays déployait des armes nucléaires russes sur son territoire. "L'accueil par le Bélarus d'armes nucléaires russes constituerait une escalade irresponsable et une menace pour la sécurité européenne. Le Bélarus peut encore arrêter cela, c'est son choix. L'UE se tient prête à réagir par de nouvelles sanctions", a déclaré Josep Borrell sur Twitter.

Washington n'a "aucune indication" que Moscou ait transféré des armes nucléaires

Les Etats-Unis n'ont "aucune indication" que la Russie ait transféré des armes nucléaires au Bélarus, ni même que le président russe Vladimir Poutine s'apprête à recourir à l'arme nucléaire en Ukraine, a déclaré dimanche un haut responsable américain. "Nous n'avons aucune indication qu'il ait tenu son engagement ou qu'aucune arme nucléaire n'ait été transférée", a affirmé John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, sur la chaîne CBS, et interrogé sur l'annonce par le président russe que Moscou allait déployer des armes nucléaires tactiques au Bélarus.

"La rhétorique de la Russie est dangereuse et irresponsable", estime l'Otan

"La rhétorique nucléaire de la Russie est dangereuse et irresponsable", a estimé dimanche l'Otan après l'annonce par le président russe Vladimir Poutine d'un déploiement d'armes nucléaires "tactiques" sur le territoire de son allié, le Bélarus. "L'Otan est vigilante et nous suivons de près la situation", a déclaré la porte-parole de l'Alliance, Oana Lungescu. "Nous n'avons constaté aucun changement dans le dispositif nucléaire de la Russie qui nous amènerait à ajuster le nôtre", a-t-elle souligné.

Vladimir Poutine a justifié le déploiement d'armes nucléaires au Bélarus par les déploiements d'armes américaines en Europe. "Il n'y a rien d'inhabituel ici : les Etats-Unis font cela depuis des décennies. Ils déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs alliés", a déclaré le président russe lors d'une interview diffusée samedi à la télévision. "Nous avons convenu de faire de même", a-t-il ajouté, en précisant avoir l'accord de Minsk. "La référence de la Russie au partage nucléaire de l'Otan est totalement trompeuse. Les alliés de l'Otan agissent dans le plein respect de leurs engagements internationaux. La Russie n'a cessé de violer ses engagements en matière de maîtrise des armements, suspendant dernièrement sa participation au nouveau traité START", a réagi la porte-parole de l'Otan. "La Russie doit revenir au respect de ses engagements et agir de bonne foi", a ajouté Oana Lungescu.

L'Ukraine veut une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU

L'Ukraine a appelé dimanche à organiser une réunion urgente du Conseil de sécurité de l'ONU et exhorté les Occidentaux et la Chine à mettre fin au "chantage nucléaire" de la Russie, après l'annonce par Vladimir Poutine que Moscou allait déployer des armes nucléaires au Bélarus.

"L'Ukraine attend des actions efficaces pour contrer le chantage nucléaire du Kremlin de la part du Royaume-Uni, de la Chine, des Etats-Unis et de la France", a indiqué le ministère ukrainien des Affaires étrangères dans un communiqué. "Nous demandons qu'une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité des Nations unies soit immédiatement convoquée à cette fin", a-t-il ajouté en appelant aussi le G7 et l'UE à faire pression sur le Bélarus en le menaçant de "conséquences considérables" s'il venait à accepter le déploiement russe.

Premier pays occidental à réagir à l'annonce de Vladimir Poutine, l'Allemagne a dénoncé une "nouvelle tentative d'intimidation nucléaire" de la part de Moscou. "Nous n'allons pas nous laisser dévier de notre cap" par ces menaces, a indiqué à l'AFP un responsable du ministère des Affaires étrangères sous couvert de l'anonymat.

Déploiement d'armes nucléaires "tactiques" en Biélorussie

"Le Kremlin a pris le Bélarus comme otage nucléaire", a écrit sur Twitter le secrétaire du Conseil de sécurité ukrainien Oleksiï Danilov, ajoutant que la décision de Vladimir Poutine est un "pas vers la déstabilisation interne du pays". L'annonce de Moscou "maximise le niveau de perception négative et de rejet public de la Russie et de Vladimir Poutine dans la société bélarusse", a avancé aussi Oleksiï Danilov. Les Occidentaux n'avaient pas encore réagi dimanche aux projets de Vladimir Poutine.

Samedi, Vladimir Poutine a annoncé que la Russie allait déployer des armes nucléaires "tactiques" au Bélarus et que dix avions avaient déjà été équipés pour être prêts à utiliser ce genre d'armement. "Il n'y a rien d'inhabituel ici : les États-Unis font cela depuis des décennies. Ils déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs alliés", a déclaré Vladimir Poutine lors d'une interview à la télévision russe.

"Nous avons convenu de faire de même", a-t-il ajouté, disant prévoir de "former les équipages" à partir du 3 avril et de "terminer la construction d'un entrepôt spécial pour les armes nucléaires tactiques sur le territoire du Bélarus" le 1er juillet.

Obus à l'uranium

Vladimir Poutine "admet qu'il a peur de perdre (la guerre) et que tout ce qu'il peut faire, c'est de faire peur", a déclaré dimanche sur Twitter un conseiller présidentiel ukrainien, Mykhaïlo Podoliak.  Il a également accusé le dirigeant russe de "violer le traité de non-prolifération nucléaire". Vladimir Poutine, lors de son annonce, avait précisé que ce déploiement au Bélarus se ferait "sans contrevenir à nos accords internationaux sur la non-prolifération nucléaire".

Si le Bélarus ne prend pas part directement au conflit en Ukraine, Moscou s'est servi de son territoire pour conduire son offensive sur Kiev l'année dernière ou pour mener des frappes, selon les autorités ukrainiennes. Vladimir Poutine a motivé sa décision samedi par la volonté du Royaume-Uni d'envoyer des munitions à uranium appauvri à l'Ukraine, comme évoqué récemment par une responsable britannique. Vladimir Poutine a menacé de recourir également à ce type d'obus, utilisé pour percer les blindages, si Kiev venait à en recevoir.

Il a qualifié ce type d'obus d'arme parmi "les plus dangereuses" et qui "génère ce que l'on appelle des poussières de radiation". Lors de récentes négociations à Moscou entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, les deux dirigeants avaient énoncé dans une déclaration commune qu'une guerre nucléaire "ne doit jamais être déclenchée", car "il ne peut y avoir de vainqueurs".

Plusieurs responsables russes, dont l'ancien président Dmitri Medvedev, ont toutefois menacé l'Ukraine et les Occidentaux de l'arme nucléaire depuis le début de l'offensive russe lancée le 24 février 2022. La Russie a en outre suspendu le mois dernier l'important traité de désarmement nucléaire New Start signé avec les États-Unis, bien qu'elle a promis de respecter la limitation de son arsenal nucléaire jusqu'à la fin effective de cet accord le 5 février 2026.

La doctrine nucléaire russe ne prévoit pas l'utilisation préventive par la Russie de l'arme nucléaire, mais seulement en réponse à une attaque envers elle ou ses alliés, ou en cas de "menace sur l'existence même de l'État".