L'Espagne légalise l'euthanasie, "une avancée démocratique et de civilisation"

Espagne euthanasie
Cette loi autorise aussi bien l'euthanasie que le suicide médicalement assisté. © JAVIER SORIANO / AFP
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Henry de Laguérie, édité par Pauline Rouquette avec AFP
L'Espagne est devenue, jeudi, le quatrième pays européen à légaliser l'euthanasie et le suicide médicalement assisté. Pour Lluís Rabell, militant et homme politique espagnol interrogé par Europe 1, cette loi montre que "les valeurs démocratiques" de la société espagnole "sont plus installées qu'on ne le croit".

Le parlement espagnol a approuvé définitivement, jeudi, la légalisation de l'euthanasie, faisant de l'Espagne l'un des rares pays au monde permettant à un patient atteint d'une maladie incurable de mourir pour mettre fin à ses souffrances. Cette loi, qui doit entrer en vigueur en juin, a été adoptée, grâce notamment aux voix de la gauche et du centre, par une large majorité de 202 députés sur 350, une partie de l'hémicycle se levant et applaudissant longuement à l'annonce du décompte. Plus de 140 députés de droite et d'extrême droite ont voté contre, tandis que 2 se sont abstenus.

Le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez, qui avait fait de cette loi une priorité, s'en est réjoui, qualifiant l'Espagne dans un tweet de "pays plus humain, plus juste et plus libre". "Grâce à toutes les personnes qui ont combattu sans relâche pour que le droit à mourir dignement soit reconnu en Espagne", cette loi "devient enfin une réalité", a-t-il ajouté.

Une loi "qui prouve que la société espagnole évolue"

"C'est une bonne nouvelle qu'une loi qui permet à des gens de mettre fin dignement à de souffrances inutiles soit adoptée", réagit Lluís Rabell, militant et député catalan, au micro d'Europe 1. "C'est une avancée démocratique et de civilisation qui prouve que la société espagnole évolue, que c'est une société dont les valeurs démocratiques sont plus installées qu'on ne le croit." 

Cette loi autorise aussi bien l'euthanasie - lorsque le soignant provoque la mort du patient - que le suicide médicalement assisté - lorsque le patient prend lui-même la dose de produit prescrite pour se donner la mort. Concrètement, elle prévoit que toute personne ayant "une maladie grave et incurable" ou des douleurs "chroniques le plaçant dans une situation d'incapacité" puisse demander l'aide du corps médical pour mourir et s'éviter ainsi "une souffrance intolérable".

Des conditions strictes encadrent toutefois la démarche : la personne, espagnole ou résidant dans le pays, doit ainsi être "capable et consciente" lorsqu'elle fait la demande, qui doit être formulée par écrit "sans pression extérieure" et renouvelée quinze jours plus tard. Le médecin pourra toujours rejeter cette demande s'il estime que ces critères ne sont pas remplis ou faire valoir "son objection de conscience". En outre, elle devra être approuvée par un autre médecin et recevoir le feu vert d'une commission d'évaluation.

Vent debout contre cette réforme, l'Église catholique espagnole a comparé l'euthanasie à "une forme d'homicide" tandis que le parti d'extrême droite Vox a annoncé qu'il déposerait un recours devant le Tribunal constitutionnel.

Quatrième pays européen, après le Benelux

Avec cette loi, l'Espagne devient ainsi le quatrième pays européen à dépénaliser l'euthanasie, après les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Aux Pays-Bas, depuis 2002, l'administration d'un médicament provoquant la mort est autorisée lorsque le patient en fait la demande en pleine possession de ses moyens et subit des souffrances "insupportables et interminables" dues à une maladie diagnostiquée comme incurable. L'avis d'un second médecin est nécessaire.

Les Pays-Bas ont également été les premiers à autoriser sous de strictes conditions l'euthanasie pour les mineurs de 12 ans et plus, et ont annoncé, en octobre dernier, qu'ils projetaient de légaliser l'euthanasie pour les enfants malades en phase terminale âgés de un à 12 ans.

La Belgique a elle aussi dépénalisé l'euthanasie en 2002 dans des conditions strictement définies par la loi. Le patient peut exprimer ses volontés dans une "déclaration anticipée" valable cinq ans ou en faire la demande expresse s'il est en état de s'exprimer. En février 2014, le pays fut le premier à autoriser sans limite d'âge l'euthanasie pour les enfants "en capacité de discernement" atteints d'une maladie incurable.

Quant au Luxembourg, l'euthanasie y est autorisée depuis mars 2009 sous certaines conditions pour les patients majeurs condamnés.