Paulette Guinchard 7:00
  • Copié
Léa Leostic
Paulette Guinchard, femme politique et ancienne secrétaire d’Etat du gouvernement de Lionel Jospin, a eu recours au suicide assisté, en Suisse, le 4 mars. A 71 ans, elle souffrait d'une maladie génétique dégénérative. Au micro d’Europe 1 jeudi, son mari a confié qu’elle avait vécu cette épreuve avec courage et sérénité. Mais aussi que c’était un acte politique.
INTERVIEW

Secrétaire d'État aux personnes âgées du gouvernement de Lionel Jospin entre 2001 et 2002, Paulette Guinchard avait fait de la défense des droits des personnes âgées son combat. Plus favorable à l’amélioration des soins palliatifs qu’à l’euthanasie pendant sa carrière politique, Paulette Guinchard a décidé à 71 ans d’avoir recours au suicide assisté. Souffrant d’une maladie génétique dégénérative, elle se savait condamnée. "Elle a voulu éviter la déchéance. Elle ne voulait pas se retrouver dans un lit sans pouvoir bouger. Elle ne souffrait pas forcément physiquement, mais psychiquement énormément", a confié Denis Pagnier, son mari, jeudi sur Europe 1.

"Elle voyait la lumière au bout, et moi je voyais un mur"

Paulette Guinchard a pris cette décision il y a deux ans. Son mari, lui, n’a jamais essayé de l’en dissuader, mais plutôt de l’accompagner. Une épreuve très difficile pour lui : "c’est horrible, au moins pour l’accompagnant. Vous voyez le décompte, vous avez un mur en face de vous". "Mon épouse avait une telle détermination, une telle sérénité. Elle avait tellement envie d’en finir. Elle voyait au bout la lumière, et moi je voyais un mur", raconte encore Denis Pagnier. Il explique que Paulette Guinchard a vécu son suicide assisté "avec sa sérénité habituelle et son courage. Il n’y a eu aucune souffrance. Elle s’est endormie paisiblement. C’était très rassurant".  

"C’est un acte politique"

Quelques jours avant sa mort, l’ancienne secrétaire d’Etat souffle à son mari : "Si ce que j’ai prévu pouvait faire avancer les choses en France, ce serait bien". Elle s’est alors confiée à son amie Marie-Guite Dufay, présidente socialiste de la région Bourgogne-Franche-Comté, qui racontera sa fin de vie dans une émouvante tribune publiée dans Libération. "Bien sûr que c’est un acte politique", a confirmé Denis Pagnier, jeudi sur Europe 1.

"Ce serait très bien que le suicide assisté puisse se faire en France. Mais il faut s’entourer de garanties", a–t-il lancé, estimant également que "le suicide est une liberté élémentaire". "Il y a des procédés plus doux pour la personne et pour son entourage. Je préfère avoir accompagné mon épouse en Suisse dans ces conditions, plutôt que d’apprendre qu’elle s’était suicidée violemment", a aussi raconté Denis Pagnier.

Une proposition de loi déposée au Sénat

Le débat sur la fin de vie s’apprête à être relancé en France. Malgré les réticences de l'exécutif, plusieurs textes doivent être examinés, à l'Assemblée nationale et au Sénat, et le débat promet d'être animé. Les socialistes ont déposé jeudi une proposition de loi au Sénat pour défendre l'aide active à mourir.

Objectif : aller plus loin que la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui encadre la fin de vie en empêchant l'acharnement thérapeutique et en autorisant une possibilité de sédation profonde, sans pour autant permettre l'euthanasie active ni le suicide assisté.

Le sujet reviendra début avril à l'Assemblée nationale

Les Républicains étant majoritaires au Sénat, le texte socialiste risque de ne pas passer. Mais le sujet reviendra début avril à l'Assemblée nationale. Au total, pas moins de quatre textes parlementaires sont sur la table. Des élus de tous bords, y compris de La République en marche, veulent pousser le gouvernement à légiférer sur la question.

Mais l'exécutif n'est pour le moment pas favorable à une évolution de la loi sur la fin de vie, expliquant que ce n'est pas le moment d'aller plus loin en pleine crise sanitaire. L'Élysée préfère promettre plus de moyens pour les soins palliatifs et préfère attendre d'avoir davantage de recul sur la loi Claeys-Leonetti.