Xi Jinping en banlieue de Pékin, portant un masque et se faisant prendre sa température. 1:53
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Guilhem Dedoyard
Le régime chinois est-il menacé par l'épidémie du coronavirus ? Selon François Godement, conseiller Asie à l'institut Montaigne et spécialiste de la Chine, si le gouvernement jugule bien les contestations actuelles, le régime pourrait néanmoins être fragilisé "si la pandémie devait durer". 

Un vent de contestation souffle en Chine, attisé par l'épidémie du coronavirus qui touche le pays et notamment les régions du Wuhan et Hubei. Pour François Godement, conseiller Asie à l'institut Montaigne et spécialiste de la Chine, si le régime maîtrise actuellement sa communication, il doit composer avec les critiques et ses difficultés à juguler l'épidémie.

Une contestation qui augmente sur les réseaux sociaux

"L'étincelle, ça a été le décès d'un médecin de Wuhan qui avait été dans les tous premiers à révéler l'existence d'une épidémie et à être interpellé par la police pour cela, avant de décéder de ce virus", explique François Godement. "Ça a déclenché une tempête sur les médias sociaux, des centaines de millions voire un milliard de clics sur son nom. Très clairement, une forme d'opinion publique chinoise s'est manifestée à cette occasion".

Mais ces réseaux sociaux, le gouvernement en a besoin pour sa communication de crise, explique également le spécialiste. En effet, "le régime doit naviguer entre des mesures nécessaires pour juguler l'épidémie, et pour cela il faut informer les gens, et il faut qu'ils restent sur les médias sociaux puisqu'ils sont isolés, et la nécessité de contenir des critiques trop fortes vis-à-vis du régime."

"Un des rares cas où un système de contrôle et de surveillance des individus est probablement utile"

L'ampleur de la pandémie a poussé le dirigeant Xi Jinping à adapter sa communication, comme le souligne François Godement. Le dirigeant "a fait une apparition en banlieue de Pékin, emprunte de modestie et d'écoute, portant un masque et se faisant prendre sa température, c'est un gros changement par rapport à la propagande habituelle", analyse encore le chercheur. "Il a reconnu que les systèmes d'alerte et de réponse à des crises épidémiques n'étaient pas au point et qu'il fallait les améliorer, ce qui est une forme d'autocritique du système."

Dans le même temps, "il y a ses déclarations martiales, ses déclarations de guerre à l'épidémie, et des mesures extrêmement fermes qui sont prises pour contenir l'épidémie et isoler les gens les uns des autres", ajoute François Godement. Selon l'invité d'Europe 1, "c'est l'un des rares cas où un système de contrôle et de surveillance des individus est probablement utile. On reconnaît internationalement que ces mesures d'isolement sont nécessaires. Que le retard mis à les adopter dans le Hubei a contribué à transformer l'épidémie en pandémie."

Xi Jinping a d'ailleurs limogé les dirigeants de la région du Hubei. "Ils ne sont peut-être pas les seuls responsables, mais il est certain que le retard à reconnaître la transmission d'humain à humain, et le fait qu'ils aient tenu un banquet de 40.000 personnes dans le centre de Wuhan, le 18 janvier, qui accroissait les risques de contagion, les désignaient pour ce que j’appellerai la première purge".

"Les mesures du gouvernement inhibent considérablement l'économie"

Pour François Godement, il faut nuancer les reproches faits au gouvernement chinois. "La lutte contre l'épidémie n'est pas chose facile quand on parle de populations de dizaines ou centaines de milliers d'habitants. Les pénuries de matériel ne sont pas propres à la Chine. Les inconnues qui subsistent sur sa diffusion sur sa mortalité et sur les signes de détection, tout ça n'est pas à attribuer au pouvoir chinois."

Que risque alors le gouvernement chinois ? "Le pouvoir chinois serait menacé si cette pandémie devait durer, car ses mesures inhibent considérablement l'économie", répond François Godement. "Cela dit, je ne pense pas qu'il soit menacé actuellement dans les mesures qu'il prend pour juguler l'épidémie. Au contraire, elles contribuent à rattraper le discrédit qui s'attache aux semaines précédentes", conclut-il.