Des Ukrainiens choisissent de rentrer chez eux, malgré la dangerosité et les dégâts de l'invasion russe (Illustration). 2:20
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William Molinié (en Ukraine), édité par Gauthier Delomez
Alors que l'invasion russe de l'Ukraine se poursuit, des milliers d'Ukrainiens tentent de rentrer chez eux tant bien que mal pour retrouver leur maison, ou ce qu'il en reste. L'envoyé spécial d'Europe 1 William Molinié a recueilli le témoignage d'habitants qui ont décidé de revenir, malgré le danger.
REPORTAGE

Malgré les bombardements, et réticences des autorités, des milliers d'Ukrainiens trouvent le moyen de rentrer chez eux pour retrouver leur maison, ou ce qu'il en reste, dans un contexte toujours aussi dangereux après 50 jours d'invasion russe en Ukraine. "Vous rentrez à vos risques et périls", dit un soldat dans le village de Moschun, quasiment rayé de la carte au nord-ouest de Kiev, la capitale. L'envoyé spécial d'Europe 1 en Ukraine, William Molinié, a rencontré les premiers Ukrainiens qui ont décidé de rentrer, dans ce lieu où se trouvait la ligne de front.

Le village n'est d'ailleurs pas totalement déminé, et des explosions retentissent toujours. Mais les militaires acceptent de laisser passer les habitants qui doivent signer une décharge. Malgré les risques, ils veulent voir l'étendue des dégâts six semaines après avoir fui les bombes.

"C'était une bourgade pacifique, tout le monde était heureux"

L'un d'entre eux, Ievgueni, découvre sa maison pour la première fois, soufflée par les explosions. "Je n'ai pas de mot pour décrire ça", confie l'habitant au micro de William Molinié. "Regardez ce qu'il s'est passé : c'était une bourgade pacifique, tout le monde était heureux ici." Son père l'accompagne, et laisse couler ses larmes. "Là, c'était la chambre de ma petite fille de 6 ans", dit le père, ému. "Qu'est-ce que je peux lui dire ? Qu'est-ce que je vais pouvoir lui raconter ?"

L'envoyé spécial d'Europe 1 progresse avec la famille dans ce village désert. Les chiens restés sans nourriture pendant un mois et demi n'ont même plus la force de courir, ni d'aboyer. Malgré tout, une lueur d'espoir : au fond d'un jardin, Youri, artisan luthier, vient de retrouver son matériel de travail, intact. "Ce sont des instruments de musique traditionnelle, la kobza et la bandura. Regarde, je les ai construits à partir de ces dessins", indique-t-il.

Les habitants déterminés à repousser les Russes

Ce volontaire engagé dans la défense territoriale raconte les combats très féroces autour de sa petite commune, située sur la ligne de front. "Dans le village, à peu près 50 Russes sont morts dans les combats. Dans la forêt, d'autres cadavres de Russes ont été ramassés, environ 1.500 corps", affirme Youri. Ces dernières semaines, l'odeur pestait partout dans les rues. C'est la raison pour laquelle ce village a mis tant de temps à être de nouveau accessible.

"Les Russes vont revenir, mais on les dégagera encore une fois, et même une troisième fois ! Ici, c'est ma terre", lance Youri. Sur le chemin du retour, ce village laisse une image contrastée, souligne l'envoyé spécial d'Europe 1. Une image que seule la guerre peut produire. Au milieu d'un champ de ruines, une femme s'accroupit au-dessus de ses tulipes et enlève délicatement la poussière des jeunes pousses de printemps, unique brin de vie dans cet amas de débris.