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Nicolas Tonev, édité par Gauthier Delomez , modifié à
La capitale de l'Ukraine, Kiev, est au centre de toutes les attentions que l'armée russe tente de l'encercler dans le cadre de l'invasion du pays. Si beaucoup fuient la ville, d'autres décident de rester, malgré les risques d'assaut. L'envoyé spécial d'Europe 1 a rencontré une retraitée, désabusée, qui refuse toutefois de quitter son appartement.
REPORTAGE

Soixante ans de grincements, mais un ascenseur soviétique qui arrive généralement à destination. Au sixième étage, à gauche, l'appartement 57 de Lioudmila Mikhailovna, une grand-mère ukrainienne habitant dans un immeuble du sud de Kiev, la capitale de l'Ukraine. L'envoyé spécial d'Europe 1 Nicolas Tonev a été reçu chez la retraitée, qui lui a partagé politesse et pudeur. Elle fait partie de ces Ukrainiens qui ont décidé de rester dans la capitale, malgré la guerre et le risque d'un assaut des forces russes.

De l'alcool pour aider à se "détendre"

Pour celles et ceux qui restent, c’est une vie étrange qui prend forme dans des immeubles vides de vie, devenus silencieux. Rares sont ceux qui acceptent de témoigner en accueillant quelqu'un chez eux, d’autant plus que dans l’élan patriotique, il est plutôt mal vu d’afficher ses états d’âme. Malgré tout, Lioudmila Mikhailovna a accepté de recevoir l'envoyé spécial d'Europe 1, alors que ses enfants et petits-enfants se sont réfugiés dans l’ouest du pays. Elle lui confie son désarroi face à l'exode, à cette vie sans vie.

Dans la cuisine de la retraitée, sur la table recouverte d'une toile cirée trônent du pain et deux bouteilles. "Un petit peu de cognac ? Vodka ?", propose la grand-mère à Nicolas Tonev, alors qu'il n'est que 10 heures du matin. La retraitée explique que sa voisine "est venue" chez elle. "Elle était très angoissée, car son fils a pris la route terrible avec son enfant, elle ne savait pas quand il arriverait. Alors dans son café, j'ai mis de quoi la détendre", affirme-t-elle, assurant que cet ajout alcoolisé avait aidé sa voisine.

"La moitié des appartements sont vides"

Cela aide surtout quand les anxiolytiques ont disparu des pharmacies, surtout quand une entêtante horloge de salon fait trop résonner le temps. "Sur notre entrée d'immeuble, la moitié des appartements sont vides", indique Lioudmila Mikhailovna. "Tous ceux qui le pouvaient ont évacué les enfants. Il n'y a plus personne. C'est horrible", poursuit la retraitée.

La grand-mère ukrainienne reste marquée par ses 40 ans de vie commune avec ces murs. "Je n'irai nulle part, je ne m'enfuirai pas. Je reste avec la lumière allumée jour et nuit", insiste-t-elle au micro de Nicolas Tonev, partageant un sentiment de désarroi. "Il n'y a aucun bruit ?", demande le reporter d'Europe 1 avant de repartir. "Oui, on est silencieux, comme des souris menacées", lance la retraitée.