Guerre en Ukraine : la destruction du barrage de Kakhovka menace-t-elle la contre-offensive voulue par Kiev ?

La destruction partielle du barrage de Kakhovka a généré d'importantes inondations.
La destruction partielle du barrage de Kakhovka a généré d'importantes inondations. © SVITLANA HORIEVA / ANADOLU AGENCY / ANADOLU AGENCY VIA AFP
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Romain Rouillard / Crédit photo : SVITLANA HORIEVA / ANADOLU AGENCY / ANADOLU AGENCY VIA AFP , modifié à
La destruction partielle du barrage de Kakhovka, situé sur le fleuve Dniepr à l'est de Kherson en Ukraine, a déclenché d'importantes inondations, mettant ainsi en péril les objectifs militaires de Kiev. Et notamment cette fameuse contre-offensive qui doit permettre à l'Ukraine de récupérer des territoires occupés par Moscou.

C'est une opération militaire préparée avec minutie depuis de longues semaines. Et dont des bribes ont déjà été observées dans les environs de Bakhmout, ville du Donbass que les Russes se targuent de contrôler. L'Ukraine souhaite, en effet, mener une vaste contre-offensive dans le sud-est du pays, destinée à récupérer des territoires occupés par Moscou. Dans une interview accordée au Wall Street Journal, le président ukrainien Volodymyr Zelensky assurait même que ses troupes étaient "prêtes" à lancer les grandes manœuvres. Mais la destruction partielle du barrage hydroélectrique de Kakhovka, situé dans la région de Kherson pourrait sérieusement contrarier les plans de Kiev.

"L’objectif est évident : les occupants tentent de créer des obstacles insurmontables sur le chemin de l’avancée de l’armée ukrainienne", a déclaré sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, conseiller du président Zelensky. De son côté, Moscou attribue cette destruction partielle - responsable d'importantes inondations - à "une série de bombardements nocturnes" menés par des soldats ukrainiens. Néanmoins, tout porte à croire que les conséquences de cet incident serviront davantage les intérêts russes et contraindront les forces ukrainiennes à changer leur fusil d'épaule. "Les Russes pensaient certainement que les Ukrainiens choisiraient cette zone pour mener leur contre-offensive. Est-ce le cas ? Difficile à dire mais quoi qu'il en soit, ces inondations empêchent de déployer des blindés", note le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU. 

Les Russes pourront déployer leurs forces ailleurs

Concrètement, depuis la reconquête de la rive droite de Kherson par les forces ukrainiennes en novembre dernier, l'armée russe s'est établie de l'autre côté du Dniepr. Or récupérer cette zone passe obligatoirement par un franchissement du fleuve en aval du barrage, devenu désormais irréalisable compte tenu de la montée des eaux. "Cela peut poser un vrai problème tactique pour les Ukrainiens car l'idée aurait pu être de faire diversion à cet endroit-là pour mener une offensive de plus grande ampleur dans le Donbass ou dans le secteur de Zaporijjia", relève le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale. 

Et le sinistre ne semble pas prêt de se résorber. En amont du barrage, se trouve en effet une vaste retenue d'eau longue de 240 kilomètres et dont la largeur atteint par endroit 23 kilomètres. "Évacuer l'eau prendra plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Et même une fois que ce sera fait, le sol sera boueux. Donc ça restera impraticable", observe le général Pellistrandi. Pour les Russes, ce coup porté au barrage de Kakhovka présente également un autre avantage. "Cela leur permet de délaisser cette zone inondée, qui de toute façon ne représentait pas un grand intérêt économique pour eux, et d'aller renforcer militairement un autre secteur où l'Ukraine pourrait attaquer", appuie Jérôme Pellistrandi. Kiev se trouverait alors face à un plus grand nombre de soldats adverses tout en étant dans l'incapacité d'attaquer via les territoires actuellement sous les eaux. 


"Ni l’eau, ni les missiles, ni rien d’autre ne pourra arrêter l’Ukraine"

Sur sa chaîne Telegram, le président Zelensky, qui a une nouvelle fois qualifié les Russes de "terroristes", a toutefois adopté une posture conquérante, promettant que "ni l’eau, ni les missiles, ni rien d’autre ne pourra arrêter l’Ukraine". Dans la soirée, il assurait également que cette destruction partielle n'affecterait pas les plans de contre-offensive.

Mais dans les faits, les solutions dont dispose l'armée de Kiev ne semblent pas illimitées. "Le front fait un millier de kilomètres mais tout n'est pas utilisable à des fins militaires. Par exemple, aller à l'est de Kharkiv n'est pas très pertinent et exposerait l'armée ukrainienne à des frappes russes", indique Jérôme Pellistrandi. Pour l'heure, les autorités ukrainiennes mettent l'accent sur les opérations d'évacuation de civils. 17.000 d'entre eux auraient déjà été contraints de quitter leur domicile, selon Andriï Kostine, procureur général du pays.